13 - Sarah -

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         ⚠️: Quelques passages pouvant heurter la sensibilité dans ce chapitre : ⚠️: viol

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Appeler Agathe, ne pas appeler Agathe, appeler Agathe ? 

Munie d'un aspirateur dans lequel elle avait investi un demi salaire, Sarah slalomait entre les jouets abandonnés alors que ses filles dépensaient leur trop plein d'énergie dans le jardin. La maison était pourtant assez grande, leur chambre l'étaient tout autant mais c'est le salon qui remportait toujours la palme d'or du terrain de jeu par excellence. Elle était debout depuis 6h du matin, toujours aussi insomniaque que fatiguée. Pour autant, elle était incapable de tenir en place plus de dix minutes, ou de rester concentrée sur une tache plus de cinq. 

— J'appel Agathe ! prononça t-elle tout en pestant à voix haute alors que la chevelure d'un Playmobil, ou bien d'un Lego, vint se coincer dans le système multi breveté. 

Elle récupéra son téléphone à l'arrière de son jean et démarra un appel en Facetime. Après trois sonneries, Agathe décrocha. C'était un dimanche après midi, il était 15h et Agathe était en peignoir. Ses cheveux avaient été rabattus sous une serviette et de l'argile encore humide et verte lui mangeait le visage. Elle cala le téléphone sur le rebord de son évier, entre une bouteille de shampoing et le pot à brosses à dents. 

— Beauté ? Que passa ? 

— Ma femme, j'ai quelque chose à te dire. J'ai besoin de tes lumières. 

Sur l'écran, elle aperçue quelques uns de ses orteils en pleine séance de pédicure. 

— Est ce que c'est urgent ? 

— Plutôt oui. 

Agathe leva le nez de son vernis, reboucha le flacon, puis repris son téléphone en main. 

— Alors vas y, je suis tout à toi.

— Voilà... J'ai... J'ai reçu plusieurs messages et appels de... de Giulian. 

Un ange aurait pu passer tant la vie semblait s'être suspendue dans le court du temps. 

— Vous vous parlez depuis quand ? demanda posément Agathe. 

Sarah savait qu'elle devait prendre sur elle comme jamais, peut être même qu'elle s'en mordait la langue à cet instant présent. Le lapin Energiser qui l'alimentait devait être sur le point d'exploser. 

— Une semaine.

— Quoi ? Et tu ne m'informe de ce scoop que maintenant ? Sarah ! Merde !

Ca y est, le vase débordait... Quant à l'argile, il avait séché depuis plusieurs minutes déjà. Il craquelait. Sarah en sourit, ce qui lui permit de se détendre et de poursuivre.

— Parce qu'il n'y avait rien à raconter. Je n'ai toujours pas répondu à vrai dire. Pas encore.

— Pas encore... ? Dois je te rappeler l'existence de ta liste ? Celle que tu as rempli avec les années et que tu as seulement pu clôturer il y a quoi ? 6 ans maintenant.

— 7 ans Agathe. 7 ans et six mois pour être exacte.

— 7 ans et six mois. Voilà. Et te rappelle tu combien d'arguments contre lui tu avais pu produire ?

—16.

—Et combien d'arguments pour ? Rappelle moi ?

—3.

—Parfait. Tu vois. Tu as la réponse à la question que tu ne m'as pas encore posée. Si ce n'est pas assez clair, je t'ordonne de me les réciter à voix haute.

—Ce ne sera pas nécessaire. Je les ai écris et il sont encore imprimés en moi...

Agathe était redoutable à ce jeu.

Ce qu'elle ignorai, c'était la puissance de ces 3 arguments, leur poids et leur suprématie écrasante face aux 16 fléaux qu'avait provoqué Giulian dans sa vie.

Elle avait d'ailleurs fait recouvrir l'un d'entre eux, son tatouage. Leur tatouage. Amore... s'était noyé dans le corps d'une rose malmenée. Des pétales s'en détachait en mémoire à toute la souffrance qu'il lui avait infligé. En souvenirs de ses mots sortant du cœur qui lui avait craché au visage à cette époque là.  Des œillères qui lui avaient masqué le mal être qui la rongeait après qu'elle et Jessica, une de ses anciennes meilleures amies, aient été marquées à jamais. Quand chaque soir, Sarah se perdait entre la vie, son présent, ce putain de moment du passé qui leur appartenait à toutes les deux, et la folie. Cette histoire l'avait traumatisée et toutes les images qui s'imposaient à elle la journée revenaient la hanter une fois le soleil couché. A quelques minutes prêt cela aurait pu être elle. A quelques minutes prêt les mains sales de ces déchets n'auraient pas été les seules à l'avoir salie. A quelques minutes prêt, elle aussi aurait été violée.

 Et lui n'avait rien vu venir. Il ne les avaient pas prévenu, protégé. Ça s'était passé sous son nez, aux Rêveurs, dans l'immeuble d'à coté. Le monstre était le frère Pedro et ses deux meilleurs postes, le grand frère du meilleur ami de Giulian... Giulian, son petit ami à cette époque là... Elle lui en voulait pour sa non-compassion, sa non compréhension alors qu'elle... Elle s'en voulait si fort, qu'elle se maudissait. Elle avait envie de vomir, d'hurler, pire, elle s'imaginait des scénarios macabres où elle vengeait Jessica. Quand malmenée par l'hyperactivité, son subconscient dérouté la ravageait d'hallucinations nocturnes. Quand dans sa tête tout se mélangeait ; La cité, Giulian, ses amies, les bons moments ; moments heureux, et la souffrance, les peines, les siennes mais aussi celles de Giulian, quand ce putain de karma, cette espèce de gangrène venait leur pourrir la vie, sans cesse... Quand malgré tout cela, il ne l'avait pas aidé. N'avait pas réagit... N'avait pas compris. 

Cependant, par fierté, en hommage à Jessica, pour se protéger, elle avait ajouté à sa rose des épines et du venin sur lesquelles plus personne ne viendrait se risquer.   

— Tu seras là première au courant si quelque chose se passe, ne t'inquiètes pas.

Cette réponse sembla la satisfaire quelques instants avant qu'à travers l'écran, une ombre ne parcoure son visage d'ange.

Quelle pensée venait elle de la traverser ? Repensait elle elle aussi à ce désastreux après midi auquel elle avait échappé ? A Jessica qui avait du quitter la région telle une coupable alors qu'elle était la victime ? 

Ou bien recevait elle un de ces nouveaux présages chuchoté à son oreille par les astres ?

Avait elle peur elle aussi ?

Peur de la voir souffrir de nouveau ? Ou bien percevait t'elle l'espoir d'une fin heureuse, une fin fragile, capable de s'envoler une fois de plus ?

Car dans le monde parfait d'Agathe, Giulian serait toujours cet homme idéal, la paire de Louboutin qui épousait parfaitement les courbes du pieds délicat de Sarah. Le seul. L'unique.

 La flamme jumelle que Sarah n'avait jamais réussie à maintenir allumée et qu'il n'avait cessé de consumer. 

Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant