12 -Sarah-

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"Sarah ? s'il te plait, répond moi... J'ai vraiment besoin de te revoir, je n'y arriverais pas.  "

Après trois jours de silence total, il venait de la relancer. Elle avait tenu bon, n'avait pas cédé. Elle aurait du être fière, heureuse d'avoir su échapper à la tentation qui avait couvée en elle durant cette période suspendue dans le temps. Mais à l'exacte opposé, son estomac s'était soulevé à l'apparition de la notification dont elle identifiait maintenant l'expéditeur sur le champs.

Elle savait pertinemment que la réaction qui vivait en elle à cet instant n'était pas celle qu'elle aurait du ressentir. Que l'exaspération et la rage auraient du prendre le dessus sur l'excitation et l'ivresse du manque. 

Ce manque irascible. Cruel. 

Savoir qu'elle lui manquait tout autant, et surtout toujours autant qu'il y a trois jours, l'avait égoïstement soulagé. 

Elle inspira profondément, comme pour retrouver son souffle, ses esprits, ou probablement les deux. 

Puis elle souri, frappée par l'ironie de cette situation ayant un fort gout de déjà vu.  

"Sarah, il a besoin de toi", lui avait également annoncé Agathe dans l'année de leur 16 ans .

"Besoin de moi ? Arrête, Giulian n'a jamais eu besoin de personne. Il se fait chier avec sa nouvelle meuf c'est ça ? A moins qu'elle n'ai vu claire elle aussi dans son jeu et qu'elle se soit barrée ?" avait souligné Sarah, aussi lucide que blessée à cette époque. 

"Non. Ils ne sont plus ensemble depuis longtemps tu sais. En fait ça n'a pas duré, pour être honnête il les a plutôt enchainé..."

"Classe. Merci Agathe. Je ne vois pas trop où tu veux en venir là du coup ?"

"Son père vient de faire une TS. Encore. Il est dans un sale état. Et Giulian aussi. Il ne va pas bien du tout. Il a vraiment besoin toi Sarah. Crois-moi."

Sarah n'avait pas répondu. Elle essayait de l'imaginer, lui, noyé dans tout se merdier qu'elle avait quitté et dans lequel elle n'avait pas envie de replonger."

"Sarah ? T'es encore là ?"

"Je sais pas. Franchement, je ne suis pas sûre de pouvoir y retourner. Je suis enfin passé à autre chose moi aussi. Sa vie est trop compliquée. Et sa cité aussi."

"Ecoute, je te donne son numéro et tu vois. T'es peut-être pas obligée d'aller là-bas ? Vous pouvez peut-être juste discuter ? Non ?"

"Je te promets rien ma femme. Je te promets rien, mais, je vais y penser. Laisse moi juste y penser, ok ?"

"Je t'aime Sarah. Si j'y croyais pas, j'insisterais pas, crois moi. "

Sept mois. C'est le temps que le destin aura mis pour leur faire réaliser que l'un sans l'autre ils n'étaient rien à cette époque là. Pour qu'elle replonge.

En cette rentrée de septembre, Sarah passait alors en première.  L'été passionné qu'elle avait passé sans lui, marqué par les soirées, la musique, le monoï et des nouvelles rencontres pétillantes, lui avait pourtant permis de cicatriser. Le soleil de cette année-là l'avait aidé à murir, à éclore. On lui disait maintenant qu'elle était trop jolie. La faute à sa peau dorée, ou peut être ses boucles qui venaient lui chatouiller le creux des reins. Elle y était presque arrivée, pourtant, à l'oublier.  Elle avait aussi remonté la tournure catastrophique qu'avait pris ses notes à ses débuts au lycée. Mais ce foutu karma venait de tout gâcher, plutôt salement... 

Giulian, à défaut d'être dans sa vie, lui pourrissait aussi ses nuits.

Agathe insistait, lui rabâchait que la conjonction exacte de Mars et Saturne en Verseau générait de grosses tensions, de l'électricité dans l'air, des retournements soudains de situation, favorables au changement. Et Sarah culpabilisait.

Elle ressentait sa souffrance à distance. Elle l'entendait crier son nom jusque dans ses songes.

Alors pour se rassurer, s'autopersuader qu'ils pouvaient juste se parler, qu'elle pourrait le réconforter et retourner à ses occupations au lycée, elle avait fini par céder.

Elle l'avait appelé, lui.

Et  alors sa vie, leur vie, avait repris la forme d'un cercle parfait. 

Et voilà que 19 ans plus tard, la scène se réitérait. Qu'avait il bien pû se passer de tragique dans la vie chahutée de Giulian pour qu'il refasse surface ?

Avait elle seulement envie de le savoir ? De regoûter à ses eaux tumultueuses au risque de s'y noyer de nouveau ? 

Par quel étrange mystère, alors qu'elle avait vécu les sept dernières années sans penser à lui, chaque minutes écoulées sans nouveaux message passaient maintenant aussi lentement que des journées entières ?

Comment la vie et toutes ses plus solides fondations pouvait changer de trajectoire en une si frêle fraction de seconde ?

Sarah en profita pour ajouter à ses contacts ce numéro encore inconnu une semaine plus tôt. Elle ne tergiversa pas. Quel autre nom que celui de Giulian aurait elle pu intégrer à sa vie actuelle ?

Deux mois plus tôt, peut être que sa réaction aurait été différente. Sûrement qu'elle aurait hésité à inscrire noir sur blanc le prénom de l'ex le plus imposant de sa carrière sentimentale. Quoique Bastien n'aurait peut être même pas réagit, trop absent pour se rendre compte du changement s'immisçant discrètement, s'infiltrant dans leur couple avant de probablement tout emporter.

Il fallait absolument qu'elle en parle à Agathe ! Elle seule serait à même de la comprendre, de la guider et de remettre en jeu les cartes du destin. 

Car Sarah en était maintenant persuadée, souvent, la vie n'est qu'un emmêlement de cercles. Il suffit d'en saisir un, d'en poursuivre les contours avec envie, afin de mieux plonger dans le suivant qui vous renverra surement à celui d'avant. Car au fond c'est ça la vie ; un voyage vers l'infini, un plongeon vers l'inconnu, progressant juste sur le chemin du cœur... 

Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant