11' -Sarah- (suite)

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Depuis leur rencontre, ce premier regard, elle n'avait cessé de voir grandir ses sentiments. Elle avait l'impression de le connaitre depuis des années, presque comme s'il s'agissait d'un frère, d'un bout d'elle qui lui manquait. Une sensation de familiarité inexplicable pourtant bien tangible. Sarah aimait sa présence à ses côtés autant qu'elle la redoutait car passés leurs premiers échanges, son esprit vrillait. Elle n'arrivait plus à se concentrer.

Son corps l'obsédait.

Et ce soir, il était là, tout près d'elle. Assis l'un à côté de l'autre dans l'immensité des gradins du stade qu'ils squattaient, leur bras et une de leur jambe se touchaient. Par moment, le dessus de sa main venait frôler la sienne et s'y attardait plus de temps qu'il n'en fallait.

Mais qu'attend-t-il ? Que me manque-t-il pour qu'il passe enfin à la vitesse supérieure ?

Agathe, qui s'était récemment mis à l'astrologie, lui avait prédit que la conjonction exacte de Venus et Jupiter en Poisson cette semaine pouvait annoncer différents scénarios. Qu'il serait normal de ressentir un besoin d'amour immensément plus grand qu'à l'accoutumé, ou alors que nous nous conforterions dans la fuite sans vouloir voir ce qui se passe vraiment sous nos yeux mais aussi que toute cette pagaille cosmique pouvait tout simplement tout faire exploser.

Sarah ne supportait plus cette tension et par-dessus tout, ses doutes sur elle-même qui commençaient à la noyer.

"Allons faire un tour", lui avait-elle alors proposer discrètement.

Il avait répondit par son fameux sourire en coin éblouissant et ravageur, auquel son cœur ne résistait jamais. Les quelques jours passés sans le voir n'avaient fait qu'attiser le lien, comme resté en suspens dans l'air, guettant chaque seconde le moment où il pourrait se déployer de nouveau. Ceci rendait plus difficile et douloureux la lutte contre cette addiction récente qui ne la quittait jamais.

Quelques mètres plus loin à peine, il s'arrêta, lui attrapa les mains en l'attirant à lui. Il se pencha vers elle en accrochant son regard au fond du sien. Elle retint tout l'air à l'intérieur de ses poumons, n'osant plus respirer de peur que le délicieux mirage ne lui échappe.

"Depuis quelques temps, tu es la première chose à laquelle je pense, du matin au réveil, jusqu'au soir dans mes rêves."

La phrase qu'il venait de prononcer si aisément avait eu le même effet pour elle qu'une boule de feu qui descendrait lentement, très lentement le long de son être. Il la regardait fixement, conscient que la nouvelle n'était surement pas des plus communes.

Cette confession lui avait enflammé les joues. L'arôme exquis de son souffle et son parfum naturel l'avaient envahis tant son visage était proche du sien. Son cœur en eu même un raté. Il n'avait maintenant plus aucune résistance aux émotions. Clignant des paupières, subjuguée, elle s'était mordu la langue tant l'envie de lui dévorer le cou la démangeait. Elle s'obligeait à ne pas oublier qu'ils n'étaient pas seuls mais bel et bien au beau milieu d'un lieu public, bien que désert par ce temps et en cette heure, hormis leur bande de fous. Elle n'avait que trop tendance à se laisser enfermer dans cette bulle intime et passionnée lorsqu'elle était à ses côtés. Sarah se bornait à maintenir cet effort surhumain, afin de retenir l'élastique du lien qui se tendait entre eux, prêt à rompre. Encore une fois, l'univers n'avait plus d'emprise. Elle restait un temps dont elle n'avait pas la moindre notion de durée, là, bouche bée, les yeux perdus dans le regard de Giulian, et sur sa bouche... Elle qui aimait lire et les mots, elle n'en trouvait plus aucun en sa présence.

Un frisson avait alors parcouru son corps. Elle avait omis ce froid et trop abusé de la bravoure de son cœur, si longtemps malmené. Elle tâchait de respirer calmement, de retrouver le chemin de la lucidité. En vain, et pour cause. Giulian se penchait toujours plus au-dessus d'elle, toujours plus près. Il soulevait un sourcil soucieux.

Quelle cruche... Aller bouge-toi un peu Sarah ! s'était elle motivée mentalement.

Réalisant alors le piteux spectacle qu'elle devait offrir, elle s'était ressaisi. Recouvrant ses esprits et des traits plus naturels, elle lui avait répondu par un franc sourire. Mais leur fil d'argent repris sa place et l'activité pour lequel il était si doué : c'est-à-dire la paralyser sur place en inondant son cerveau d'images de Giulian et elle. Lui et elle, s'embrassant, fougueusement, ne résistant plus à toute cette tension accumulée.

Giulian attrapa alors son visage entre ses mains. Il l'attira contre lui, et déposa enfin sur ses lèvres un baiser digne des plus grands films d'amour.

Elle avait perçu le lien argenté les unir, et fondre à l'intérieur de son corps. Elle avait sentit son brûlant passage dans ses veines. Il était descendu le long de sa colonne vertébrale, avant de remonter jusqu'à son cœur qui, le pauvre, manqua une fois encore de trépasser. Alors elle abandonna les armes. Elle succombait, cédant à l'attraction.

Pour la première fois, elle se jetai dans ses bras pour resserrer leur étreinte, encore plus fort... Ses lèvres étaient douces et moelleuses. Sa chaleur l'avait atteint immédiatement. Elle ne ressentait plus le froid, plus la peur, plus les doutes. Elle aurait pu mourir sur place là, à cet instant et ne se rappelait pas avoir vécu de moment plus délicieux de toute sa courte existence que leur premier baiser.

Son estomac s'envolait, porté par l'adrénaline. Son cerveau se légumisait, endormit par l'overdose d'endorphine. Quelques fragiles flocons avaient recommencé à virevolter tout autour d'eux dans une danse légère et gracieuse.

Tout comme son bonheur ou la vie à cet instant là, la neige est douce, pure, instable et vulnérable. Elle peut être discrète et éphémère, comme éternelle. Et cette nouvelle année partait vraiment pour être l'une des plus belles, digne de celles dont elle n'aurait jamais ne serait-ce qu'imaginé. L'avenir prenait une tournure radieuse, la direction d'un futur irréel qui s'annonçait délicieux...

22 ans plus tard, ses entrailles en vibraient encore. L'obsession s'immisçait doucement, gangrénant sur son passage toutes once de lucidité, de mémoire et d'instinct de survie. Alors, elle rangea le mal, les douleurs et le risque dans un coin de son esprit et cadenassa fermement le tout. Certaine qu'ils ressurgiraient tôt ou tard, elle décida qu'il était temps d'avaler un remontant.

N'étant pas porté sur l'alcool dès le matin, elle s'empara plutôt du pot de Nutella et l'attaqua à la cuillère. Le réconfort fut immédiat. Il lui donna même l'envie de le partager. Elle se lança dans la préparation d'un bon goûter pour sa progéniture qu'elle récupèrera d'ici quelques heures pour son tour de garde.

Après quoi, elle alla se poser tranquillement devant la télé en attendant leur retour. A leur arrivée, la surprise fut de taille et appréciée. Pancakes et gaufres ne durèrent pas longtemps.

Sa vie était définitivement bien loin de celle de Giulian. Elle était simple, tranquille, généreuse, aimante... à l'extrême opposée de celle de cet ex-amant ; compliquée, intense, possessive et ardente.

Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant