Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)

11 -Sarah-

« Juste un verre. Juste 1h », c'est ce qu'il réclamait. Ce dont il avait besoin, lui. Pour avancer...

Et elle ? De quoi avait-elle besoin ? Était-elle seulement prête à avancer ?

Un petit tour devant le miroir lui laissa apercevoir du sang séché sous son nez. Effet secondaire récurent de ses insomnies. Aussi, ses cernes avaient regagné du terrain. Elle s'aspergea le visage mais pris finalement une douche complète, espérant ainsi défier plus efficacement sa dette de sommeil. Puis, errante dans le salon, elle attrapa son ordinateur et après une bonne heure de navigation inutile, elle se décida enfin à entreprendre une recherche sur Giulian, alias Djéè depuis déjà plusieurs années.

Sans surprise, Wikipédia le connaissait très bien...

Giulian Capera, dit Djéè (/dʒéè/), est un rappeur, chanteur et auteur-compositeur-interprète français, né le 14 janvier 1986 dans le 12e arrondissement de Paris.

Il publie son premier single, Kamy, en novembre 2006 suivi en février 2007 d'un album entier, Vue d'en bas, le premier d'une série prolifique : deux albums complets par an depuis le début de sa carrière, tous certifiés au moins disque de platine.

En 2008, Djéè quitte le label Only One Game à la suite de désaccords financiers. Son nouvel album, qui contient 18 chansons aux textes combatifs est produit entièrement par son propre label indépendant, Made in Guetto. En parallèle, Djéè est très actif dans le domaine social en faveur des quartiers défavorisés. En 2009, il reçoit la récompense du meilleur album de musique urbaine aux 24èmes Victoires de la musique pour l'album Dream bigger.

Sarah suspendue sa lecture. Les larmes affleuraient sous ses paupières. Elle avait vécu cet évènement en direct et les jours qui avaient suivis ont marqué un énième tournant dans leur relation. Elle se pressa les yeux de ses index, coupant cours à tout débordement. Puis repris...

En février 2016, soit dix ans pile après ses débuts, il devient le plus gros vendeur de disque de l'histoire du rap français avec plus de quatre millions d'albums vendus à l'âge de 30 ans.

Rien que ça... Sans pression aucunes...

Sa propre estime d'elle-même en pris un coup. Si elle cherchait encore la preuve qu'il n'avait jamais eu besoin d'elle, elle venait de la percuter de pleine face. Son spleen avait dû se rependre dans la pièce car le félin de la famille heureuse, qu'elle formait encore avec Bastien et les filles il y a deux mois, vint s'assoir sur le clavier de l'ordinateur.

Ronronnant, il siégeait à présent, victorieux, sur ses genoux. Profitant de sa chaleur et d'un court instant de douceur dans ce monde hostile, elle oublia tout, le temps d'une minute. Puis le visage de Giulian vint se réagripper à ses rétines, pareil à un grain de sable indélogeable, qui aussi douloureux soit-il, vous fait prendre conscience de l'existence même de ces dernières.

Après des années de silence, il avait refait surface. Il pensait toujours à elle. Pire, il avait apparemment toujours besoin d'elle. Malgré l'épée de Damoclès qui se balançait au-dessus de sa tête, Sarah n'arrivait pas à faire taire ce début d'allégresse qui naissait en elle ce matin-là. Aujourd'hui, elle avait de nouveau 15 ans... Comme ce fabuleux jour où pour la toute première fois, il l'avait embrassé...

Ils avaient profité des derniers rayons du soleil hivernal, pour patauger et chahuter dans la poudreuse en attendant la nuit. C'était le réveillon et cette année, pour la première fois, elle le passerait avec ses amis et non sa famille. Sarah s'émerveillait de voir le souffle blanc de sa respiration mener de rares flocons un peu plus loin que leurs trajectoires ordonnées par le vent. Et par ce plein hiver, un froid sans fin. Un froid dur et austère ; aride et hostile. Un froid qui vous mord les cuisses et le cou. Qui vous fait trembler et hérisser les poils tout du long de la serpentine de son souffle glacé. Et de toutes parts le blanc éblouissant de la neige, la lente plainte du nord, et un ciel gris affaissé par le poids des nuages gorgés d'eau, triste prisonnière de ce froid polaire. Elle avait le corps saisis et insensible, hormis chaque extrémité qui étaient, elles, soumises à la torture. Elle frissonnait malgré les triples couches de laine et de coton qui l'enveloppaient.

Putain de froid de merde...

Elle n'avait jamais aimé l'hiver et se demandait comment elle allait survivre une soirée entière dehors.

Lorsque la lumière vint à faiblir et que la température se fit encore plus pinçante, elle n'était déjà plus qu'un glaçon se mouvant difficilement vers la convivialité de ses amis... et la chaleur de Giulian.

Car si elle était si contente d'être là, en pleine nuit dehors et par moins trois, c'était uniquement pour lui...