17 -Sarah-

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"Avec plaisir. Je suis prêt. J'ai vraiment hâte de te voir. 20h ? Rue du tertre ? Ça te va ? "

Elle contempla sa réponse et la relue, encore et encore.

Il était prêt ? Prêt à quoi ? A tout ?

Elle aurait aimé répondre qu'elle aussi, qu'elle était prête. Mais ce n'était pas le cas. Elle aurait aimé lui dire par contre qu'elle en mourrait d'envie mais en était incapable. Ce qu'elle aurait pu lui dire c'est qu'elle était tétanisée par cet avenir si proche et tellement incertain. Par cette page blanche qu'ils s'apprêtaient tous deux à remplir.

Elle se bat depuis ce matin avec l'impatience et la curiosité. Ses pensées sont focalisées vers le déroulement à venir de la soirée. Elle n'a pas la moindre idée de son contenu, ni de sa durée. Elle patauge dans un flou infini. Tant de questions se bousculaient dans sa tête... Elle appréhendait de ne pas pouvoir soutenir son regard. Elle redoutait aussi d'avoir à y lire la déception... Et plus que tout, d'y céder.

-Ma belle, t'es trop canon pour être dépressive ! lui lança Agathe devant sa face déconfite.

Elle avait pris l'habitude de passer la voir chez elle presque chaque soir après le travail. Agathe, en avocate d'affaire impitoyable, n'avait aucun horaire fixe. Elle rentrait souvent chez elle à l'heure où Sarah commençait à peine à se poser, après avoir enchainé sa propre journée à l'hôpital puis sa deuxième journée de travail en tant que maman. Ce soir elle avait fini tôt, il n'était pas encore 19h00.

-Je suis pas dépressive, je suis en flippe totale !

- C'est une période compliquée mais ça va s'arranger, tenta-t-elle de la rassurer, à mille lieux de  la véritable raison de ses tourments.

Elles prirent place dans le canapé d'angle design que son ex-mari lui avait laissé. Sarah savait que ce don n'avait rien à voir avec la générosité, il n'entrait tout simplement pas dans son nouvel appartement.

- En fait, ce soir... ce soir je suis invitée, lui avoua-t-elle. J'attends la baby Sitter et je file.

-Attends, ne me dit pas que ...

Le regard perdu dans la contemplation des bouloches de son bas de pyjama en coton rayé, Sarah acquiesça discrètement.

-Putain Sarah ! Tu lui as répondu ? Et en plus tu vas y aller ? Sérieusement ?

- C'est juste pour discuter ! Ça nous permettra d'avancer.

- Arrête de reprendre ses mots !

Agathe avait eu accès à l'intégralité de la conversation jusqu'à hier. Il ne lui manquait plus que ce dernier épisode de la saga Giulian-Sarah.

-Juste un verre...

-Sarah bordel ! Bon. D'accord. De toute façon tu n'en feras qu'à ta tête, mais promets moi juste une chose ?

-Quoi ?

-Tu me raconteras tout, absolument tout, ok ? Putain, tu vas te taper un people international quoi !

-Agathe ! C'est juste pour discuter !

-On s'en fou. Et tu sais quoi, j'ai ce qu'il te faut. J'ai de la super weed qui traine par hasard dans mon sac. J'ai aussi eu une dure journée, une histoire de succession sordide dont je t'épargnerai les détails aujourd'hui, tu as de la chance, alors ça nous fera du bien à toutes les deux, crois-moi !

- Ok. Au point où j'en suis....

Agathe sortie d'une trousse à maquillage, un bédot déjà roulé. Elle l'inséra au bout d'un élégant fume-cigarette argenté. Avec le glam de Maryline Monroe, elle se rallongea de tout son long sur le canapé. Sarah l'imitât et s'installa tête bêche, attendant patiemment son tour.

- Ça ne m'étonne pas en fait, lâcha alors la jeune femme d'affaire, ayant soudainement reconnectée avec la réalité.

- Quoi donc ?

-Et bien, Vénus rejoint Mars dans le signe du Lion ce weekend.

- Putain Agathe, tu n'en as pas marre de tes prédictions astrales foireuses ?

-Tu te trompes, elles n'ont rien de foireuses au contraire, la preuve, regarde ; Vénus est la maîtresse des sentiments et de l'harmonie. Elle va arriver dans le signe du Lion pour rejoindre son amant, Mars, déjà positionné depuis le 20 avril, elle déclenchera alors un big bang d'amour et de rayonnement. Les astres nous encouragent ce weekend à aimer sans retenue. Nous autorisent à oser, oser aimer fort, aimer grand et, surtout, s'amuser ! C'est tout vous ça ! C'est parfait !

-Amen ! se moqua-t-elle en expulsant bruyamment tout l'air séquestré dans sa cage thoracique.

Elle jeta un coup d'œil suspicieux à son téléphone. Aucun message reçu depuis le dernier de cet après-midi, celui où elle avait dit oui. Une ombre traversa le visage de Sarah mais la jeune femme la chassa vite. Elle avait l'impression d'avoir signé un pacte avec le diable mais se sentait étrangement libérée d'un poids. L'approbation de sa meilleure amie surement. Ou bien la beuh... Elle semblait même s'éveiller, comme animée d'une flamme nouvelle.

- Aller, tu vas me dire toi, c'est quoi la tenue appropriée pour une femme de 35 ans, maman de deux enfants, qui a un RDV pour la première fois depuis 10 ans ?

Elle venait de se lever, brisant la quiétude de sa voisine toujours perdue dans l'étude du plafond.

Quand Agathe réalisa enfin la requête, elle se réveilla et les dirigea vers le dressing, pas si garni au vu de la capacité d'accueil. La mode n'avait pas été la priorité de Sarah ces dernières années.

- Essaie celle-là, lui conseilla-t-elle.

- Ma robe rouge ? Ce n'est pas un peu... trop... court ? Même trop tout court ?

- Essaie !

Elle s'exécuta. A sa grande surprise, elle rentra parfaitement dedans. Le divorce et les mois le précédant y étaient surement pour quelque chose.

- Qu'est-ce que t'en dit ?

- C'est parfait ! Fais ce que tu as à faire meuf, mais s'il ne retombe pas à tes pieds, là, avec toi dans cette putain de robe, oublies le une bonne fois pour toute !

Mais le doute emplie son visage, ses traits s'affaissèrent, en proie à une inquiétude aussi soudaine qu'insondable.

- Et puis merde. En fait tu sais quoi ? Laisse tomber la robe, je me suis promis de ne plus faire ma vie en fonction de lui et des hommes en général, alors, je vais y aller comme ça.

-Quoi, à poil ?

-En jean. Je n'y vais pas pour le séduire je t'ai dit. On va juste discuter.

- Ouais. Je vois...On connais tous ta force de résistance face à lui... Et là sienne pour toi ! Mais tu as raison. Tu n'as pas besoin de cette robe ma beauté. Répète après moi ; Je suis intelligente, je suis indépendante et je suis une bombe. Aller !

-Je suis intelligente, je suis indépendante et je suis une bombe.

-Et je n'ai besoin de personne !

- C'est peut-être bon là ?

- Et JE. N'ai. Besoin. De. Personne. Répète !

- Et je n'ai besoin de personne.

- Et moi je ne laisserais plus jamais aucun male, ou femelle d'ailleurs, te faire ressentir le contraire. Point ! Bon, c'est pas tout ça mais j'ai un petit PC qui m'attend moi. Profite juste de ton date ok ma femme ?

- Ce n'est pas un date, Agathe ! rectifiait elle, mais Agathe était déjà au bout du couloir.

- Ok ! Alors profite de ton date qui n'est pas un date, lui lançait elle maintenant depuis le jardin.



Flammes Jumelles, putain de Karma ! (En Cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant