Heart or reason 2

31 IVY

Je suis lessivée de cet ascenseur émotionnel qui ne s'arrête plus. Je n'ai plus de force, j'aimerais prendre congé de tout ça, partir loin et me ressourcer avant de refaire face à la réalité. Mais je ne peux pas, je ne peux plus du moins, quand mon frère habitait encore à Los Angeles, j'aurais pu, mais maintenant nous sommes tous les deux ici. Quelle échappatoire il me reste ? Mon frère ne le comprendrait pas de toute manière.

Je n'ai trouvé qu'une seule façon de me libérer un peu l'esprit malgré la fatigue, courir. Je longe Berkeley Marina pour profiter de cet air pur, et également des jolis paysages. Quand je regarde ma montre pour voir le nombre de kilomètres parcourus, l'heure me surprend davantage. Ça fait déjà une heure et demie que je cours. Je ne pensais pas avoir autant de cardio, c'est bien la preuve que j'en avais besoin, ça m'a défoulé.

Je décide de m'arrêter et de faire le reste en marchant, finalement, le parcours que j'ai fait est efficace parce que je ne me retrouve pas si loin que ça du campus. Mais ai-je vraiment la force de faire toute la route à pied encore ? Je prendrais un taxi s'il le faut. En attendant, je me pose sur un muret face à la baie de San Francisco. Je reprends du souffle après avoir couru autant de temps. Je regarde les gens autour de moi, certains se baladent en famille, d'autres ont choisi comme moi de se défouler dans un footing, pendant que certains marchent tranquillement, la tête dans leur téléphone. On dirait qu'aucun souci les submerge, tandis que moi, je suis au bord des larmes, de nouveau. Mais évidemment, ils cachent aussi leur souffrance, leur douleur ou leur angoisse. On vit finalement tous dans le doute et les épreuves de la vie. Certaines périodes sont plus dures que d'autres, c'est tout.

Et comme le destin ne veut pas me lâcher les bottes, la poisse tire son rideau pour une nouvelle scène. Il y a une présence derrière moi et je sais qui c'est. Je pourrais le reconnaitre parmi des milliers d'autres. Je soupire, mais apprécie l'odeur qu'il dégage. Son parfum, je le connais par cœur. Kyle s'installe à côté de moi, dans le silence. Je regarde l'horizon pour éviter de croiser son regard, c'est beaucoup trop tôt. Il y a encore quelques secondes, j'avais les larmes au bord des yeux, et maintenant il se tient à mes côtés.

Il fait de même, regardant droit devant lui. Le soleil est presque en train de se coucher, c'est beau, le moment pourrait être parfait, si la tension dans mes muscles face à cette situation ne me faisait pas un mal de chien.

- J'ai énormément de choses à te dire Ivy, je ne sais pas si c'est le meilleur endroit pour en parler, on peut aller s'installer dans un lieu un peu plus...privé si tu veux.

Je soupire de nouveau, parce que je n'arrive pas à lui répondre quoique ce soit. La boule dans la gorge m'en empêche. Je ravale ma salive en espérant qu'il n'attende pas vraiment une réponse de ma part. J'en suis incapable pour le moment. Un lieu privé ? Non, je pense que la meilleure chose à faire est de rester là, à la vue de toute le monde, si j'ai besoin de m'enfuir à toute vitesse. Tout le monde trouvera cela bizarre normalement. Et Kyle évitera de me courir après.

- Je prends ton silence pour un « on reste là ».

C'est exactement ça, comme s'il lisait dans mes pensées. Il n'est qu'à quelques centimètres de moi mais garde la distance nécessaire dont j'ai besoin. S'il me touche, je n'aurais pu contrôle de rien et je ne veux pas lui donner satisfaction.

- Je n'ai jamais été un grand parleur Ivy, un beau parleur oui peut être, quand il s'agit de faire le clown, ça m'arrive aussi, ou plutôt quand je veux montrer à tout le monde que c'est moi qui aie le contrôle, pour ça oui je sais bien parler. Mais pour le reste non, encore plus quand il s'agit de me confier ou parler de mes sentiments.

Jusque là je suis d'accord avec lui mais je n'ai aucune idée d'où il veut en venir. Va-t-il m'avouer que lui aussi il aime Jenna ? Nan, je ne suis pas prête à l'entendre, pas ça !