12. Erin

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Respire, ça va aller

Juin 2023,

A peine la porte de la planque passée, Dixon m'attrape le bras et me force à lui faire face. Ses narines gonflées de colère, ses veines en relief contre ses tempes et ses pupilles dilatées prouvent à quel point il rêve de m'envoyer six pieds sous terre.

—    Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi, bordel ! mugit-il contre mon visage.

Je m'accroche à ses iris avec la même intensité que lui, toutefois je me terre dans le mutisme. Rien ne tourne rond, ça n'a jamais tourné rond sous mon crâne. J'ai toujours été la folle, la malade. J'ai toujours été la bizarre, celle qu'on n'osait jamais approcher. Tout est éclaté chez moi, de ma tête à mon corps en passant par mon cœur. Rien ne fonctionne comme ça devrait. Je suis anormale, alors j'alimente cette folie qu'on m'a toujours attribuée même quand elle n'existait pas encore en moi.

—    C'est quoi l'idée ? Tu te jettes du pont en espérant qu'il y ait de l'eau à l'arrivée ? Tu m'avais promis que tu ne cherchais pas la mort et pourtant plus je te vois plus j'ai l'impression que tu n'attends que ça.

Son rythme cardiaque s'emballe et le mien demeure calme, un sourire provocateur naissant sur mes lèvres. Je le rends fou. Parce qu'il préfère quand je me débats, quand on se dispute. Il hait mes silences, il maudit ma colère silencieuse. Ce qu'il a le plus en horreur c'est quand je le pousse à me faire mal, parce que je n'attends que ça. Je veux avoir mal, je veux ressentir le mal s'infuser dans mes veines et dans mes muscles. Je veux sentir que mon cœur bat même s'il se craquelle à la puissance douloureuse de ses mots. Et il cède. Il joue à mon jeu parce qu'il pense que je réagirais, parce qu'il pense que ça produira un déclic en moi et me réveillera de cet Enfer dans lequel je me noie depuis des années.

—    Il est mort, Erin. Mort ! Ils l'ont crevé, ils n'en avaient rien à foutre de sa vie, il n'était qu'un déchet, un dommage collatéral pour te détruire par procuration. Et ils ont réussi pas vrai ? Parce que si tu étais tarée avant, regarde-toi maintenant, tu n'es qu'une monstruosité de folie.

—    Dixon ! intervient avec sévérité la voix de Jesse.

—    La folie est un trouble mental, me gaussé-je avec froideur, où l'absence de raison dirige les choix et les actions. Je ne suis pas déraisonnable, Dixon. Au contraire, je suis tout ce que tu n'as jamais su être.

—    Erin ! soupire Jesse.

—    Tu n'es qu'une couille molle, Dixon. Ils ont tué ton meilleur ami, ton soi-disant frère et tu te caches derrière des règles parce que tu es incapable de tuer quiconque sans détourner le regard. Je les buterais tous, un par un, je veux qu'ils me sentent autour d'eux. Qu'ils m'implorent quand j'arracherais chacun de leurs muscles.

—    Tu ne vaux pas mieux qu'Archers.

Voilà. La pointe qui s'enfonce dans mon palpitant et j'inspire et me délecte de cette douleur lancinante qui m'étouffe, qui m'arrache les fibres de mon être. J'étire un sourire carnassier et le fusille du regard.

—    Mais n'est-ce pas pour ça que je suis là ? Plus on est pourri à l'intérieur, plus on excelle dans notre boulot.

Je me retire avec agressivité de son autorité et file à la douche d'un pas urgent. J'entends Dixon rugir comme quand je le pousse à bout et Jesse tenter en vain de le calmer. Seul Isaac reste invisible. Il doit se délecter de la scène, lui, l'ennemi infiltré dans le camp adverse, il obtient toutes les billes nécessaires pour nous affaiblir et nous détruire. Je l'attends, je les attends tous, prêts à nous anéantir.

The Perfect Prototype 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant