The Perfect Prototype 1

10. Isaac

Jouons, mon ami, jouons.

Juin, 2023

Les mains sous la tête, mes yeux fixent la nuit à travers la fenêtre de ma chambre. J'ai bien cru qu'elle allait tirer et comme elle ne cesse de le dire, mon gilet pare-balles ne m'aurait aucunement protégé.

Je n'ai strictement rien trouvé. Pas de double-fond ni de contre-plaqué mal replacé. Si elle a ces foutus dossiers volés d'Archers, ils ne sont pas dans sa chambre. A-t-elle pu les placer dans une autre des pièces ? Je ne serais pas surpris d'apprendre qu'elle les a placés à la vue de tous. Après tout, comme dit l'expression, plus c'est visible moins on le voit.

La vibration de mon portable me ramène à la réalité. Je soupire et découvre deux notifications. La luminosité de l'écran m'agresse, me rappelant que je suis dans le noir depuis trop longtemps. J'ouvre le premier message pour me débarrasser au plus vite de la corvée.

Trent sera chez les Rivers. Tu dois te faire discret.

Je roule des yeux, il a un temps de retard. À en croire qu'Archers elle-même ne contrôle pas les informations de sa propre organisation. Depuis que Nikita a ordonné l'exécution d'Erin Sekani, l'organisation s'effrite. Cette femme n'a rien d'un leader. J'ignore comment le grand patron a pu faire d'elle la responsable. Quand bien même j'éprouve un mépris et un dédain profond pour Mikhaïl, il a bien plus de compétences pour devenir le tyran qu'Archers recherche. Rien que ce soir, chez les Rivers. Il a pris le contrôle de la situation en quelques minutes à peine. Nikita aurait délégué, incapable de gérer l'incident.

Je rêve d'envoyer Mikhaïl sous terre, pour autant, je l'admets, il sait gouverner là où Nikita patauge. Je n'ai jamais rencontré ce grand patron, préférant l'ombre à la lumière de toute évidence. Toujours est-il que s'il laisse les rennes à Nikita, il ne doit pas profondément tenir à sa propre organisation.

Après m'être égaré dans mes pensées, je réponds :

C'est un bal masqué. Je ne serais pas à découvert.

Je referme la conversation pour ouvrir la suivante.

Nous sommes arrivées. Rosa m'a conseillée de ne faire aucune démarche pour l'école les prochains jours. Sois prudent.

Je ne réponds rien, le message a été envoyée en programmer, le téléphone n'est déjà plus accessible. Un soulagement bref me détend le corps. Ce n'est pas de la liberté, cela reste toujours un bout de sécurité. Pour l'instant, je ne peux leur offrir que ça. L'apaisement de courte durée laisse place à la frustration et la colère. J'ai merdé et elles en payent le prix. Encore. Je relis ses quelques lignes avant de délaisser le portable sur ma table de chevet. Je roule sur le flanc et passe un bras sous le coussin, l'autre sous ma nuque et y colle ma tête. De nouveau, j'observe la nuit étoilée. Ma liberté et la leurs coûte une vie. Celle d'Erin. Si dans l'idée, je me contrefous du prix que je dois payer pour l'obtenir, je commence à en avoir assez de baigner dans le sang. Ça fait trop longtemps que mes mains sont ensanglantées. J'ai conscience que si le Paradis et l'Enfer existent, les nuages ne m'ouvriront pas leurs portes, néanmoins j'aime à croire que je pourrais un jour prétendre à la rédemption. Une ultime vie pour la mienne, rien de plus simple quand on est mercenaire. Du moins, sur le papier.

****

Je me pose dans le jardin et fume enfin la première clope de la journée alors que la migraine malmène mes tempes. Cette journée de préparation d'infiltration chez les Rivers m'a vidée de toute mon énergie.

—    Non ! gronde la voix de Dixon.

—    Je t'emmerde, Dixon !

Et c'est reparti... Leur trêve n'aura duré que quelques heures. Erin et Dixon passent leur temps à se mettre dessus, la sauvageonne étant, néanmoins, plus tranchante que la montagne de muscle. Jesse me rejoint dans le fond du jardin et soupire en s'avachissant à mes côtés. Je ravale un faible rire devant sa mine déconfite.