The Perfect Prototype 1

35. Erin

Il y a celle que je touche et celle que je vois.

Juillet 2023,

Comme une conversation chaotique ne suffisait pas, je reçois un message de Lucy puis de Ryan qui me demandent tour à tour de venir à l'appartement. J'adresse une dernière œillade à notre maison de famille et démarre le moteur. Isaac n'est pas innocent pour autant, Nikita s'est servie de lui comme mon père l'a fait avec moi. J'ai beau vouloir croire chacun des mots qui ont traversés la barrière de ses lèvres, il a laissé des zones d'ombres. Je le sais, je le sens. Est-ce pour cette raison que mon frère a choisi Isaac lors de sa captivité ? Il savait qui il était et il a vu en lui une âme similaire à la mienne. J n'aurait jamais pu me dissimuler tant d'informations au sujet de notre famille, cela signifierait que tout ce temps, j'étais la seule à respecter la promesse de l'honnêteté. Je refuse d'y croire. Mon frère ne m'aurait pas autant menti.

Je roule, comme d'ordinaire, sans prendre la peine de respecter les limitations de vitesse et arrive une bonne vingtaine de minutes plus tard à l'appartement. Je grille une clope pour calmer mes nerfs à vif puis m'engage vers le bâtiment. Je pénètre le hall et monte les marches deux par deux. Sans frappe, j'entre et me précipite vers le frigo pour en sortir une bière que je décapsule avec mon briquet. Je l'avale d'une traite sous les regards perplexes de mes amis.

—    Ce n'est peut-être pas une bonne idée, souffle Lucy à Ryan.

—    Je vais bien, je gère.

Elle grimace, je roule des yeux. Je les rejoins dans le salon et m'installe au sol, les genoux remontés retenus par mes bras. Comme d'ordinaire lorsque les nouvelles ne sont pas bonnes, ils hésitent et testent ma patience bien plus inexistante cette nuit. Néanmoins, je me retiens de tout envoyer en l'air et attends qu'ils daignent parler. Le temps s'allonge, je ravale mes râles d'agacement, joue avec mon briquet et attends encore. Ryan ouvre enfin son ordinateur et fixe son écran quelques secondes avant d'appuyer, un brin hésitant, toujours, sur le bouton de démarrage.

« Tu es en mission et bien que tu sois un double agent, tu es engagé. Si tu es inquiet, sache qu'elles iront bien tant que ma fille vivra. »

Mes poings se serrent, mes dents grincent et mon pouls s'excite un peu plus qu'il ne l'était déjà. Mon père manipule aussi bien que Nikita. Je l'estimais et l'admirais pour son sens du sacrifice, pour son autorité naturelle, pour sa manière de diriger les troupes sans régner par la peur. Pourtant à l'entendre, à cet instant, il m'apparaît aussi mauvais et pourri que Nikita.

« Les secrets, Isaac, sont comme la loyauté. Lorsqu'on les brise, on engendre des guerres. Réfléchis, fiston, réfléchis bien à celles que tu veux déclarer. »

Parle-t-il en connaissance de cause ou simplement pour malmener l'esprit d'Isaac ? Mon père a évoqué des erreurs et des sacrifices, aujourd'hui il ne cesse de parler de loyauté comme s'il cherchait à donner des indices sur sa propre histoire. Qui est-il ? Qui est cet homme que j'ai aimé et chéri mais qui, aujourd'hui ressemble à un inconnu uniquement vêtu de sang et de traitrise.

« Nikita a ses petits secrets, mais toujours pas d'information sur le patron. »

Lorsque la bande son s'arrête et est remplacée par des grésillements, je relève le menton pour fixer mes deux amis.

—    Il sait qu'il y a un micro dans la balle et a surement dû la placer à l'extérieur pour une discussion.

—    Fais-moi réécouter.

Ryan s'exécute et relance l'enregistrement. Ma colère pulse de nouveau contre mes tempes en entendant les mots menaçants de mon père. Je serre les poings et encaisse l'évidence avec difficulté. Mon père cache, ment et argumente ses décisions par l'unique volonté de me protéger. Et si le Big Boss tant apprécié dissimulait bien plus ?