16. Isaac

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Un gilet pare-balles n'est pas un gage de protection. Il ne sécurise que le torse, et encore, pas à tous les coups.

Juin, 2023,

Sur mon lit est encore étalé le téléphone secondaire désossé que j'avais récupéré lors de mon escapade la deuxième nuit en planque. La puce était quasiment invisible, cette fouine de sauvageonne a réussi à jouer ses pions sur l'échiquier sans même que je m'en aperçoive. Dans ma main tourne la balle qu'elle avait abandonnée lors du nettoyage de son arme quelques nuits auparavant. Je n'ai pas trouvé de micro ni de caméra intégrée, néanmoins, je reste convaincu qu'elle n'a pas délaissée cette balle par simple oubli. Tandis que j'observe l'étoile incrustée au centre du métal, je me remémore ma conversation avec Jesse. Il se persuade qu'Erin leur dit tout en ce qui me concerne, qu'elle les informe de toutes ses suspicions, tout court. Il a tort, Erin l'a prouvé il y a quelques heures. Et je vois en la décision de la sauvageonne une manière de protéger les gars. Bien que sa folie ne soit plus à prouver, elle reste attentive à ceux qu'elle considère comme sa famille. Après tout, ils sont tout ce qui lui reste. Elle a raison. Au-delà de nos obligations envers nos propres organisations, un jeu de dupe s'est construit entre nous sans même qu'on le réalise pleinement. Du moins, jusqu'à maintenant. Si je dois récupérer les dossiers volés avant de la tuer pour assurer la confidentialité de ces projets d'Archers dont personne ne parle mais qui semblent  dangereux entre les mains d'Erin, j'éprouve un besoin viscéral de comprendre le flou qui l'entoure depuis le premier soir. À des fins purement égoïstes comme elle le dit si bien.

Des coups contre ma porte m'arrachent de mes pensées. Je dissimule en vitesse le portable sous la couette et enfonce la balle dans la poche de mon cargo. J'ouvre et laisse Jesse entrer. Sans prévenir, son poing cogne contre mon nez. Je grogne, me tiens le visage avant qu'il ne m'offre un mouchoir pour éponger le sang.

—    Tu as de la chance que ce ne soit que moi.

Il contourne mon lit et lorsqu'il s'apprête à retirer la couette, j'enroule ma main libre sur son poignet. Il se dégage et s'empresse de soulever le tissu.

—    Tu fais chier, Nini, marmonne-t-il.

Il me dévisage et la lueur d'ordinaire malicieuse qui scintille dans ses yeux se change en un orage d'impatience.

—    Qu'est-ce qui se passe dans cette maison ? Pourquoi se méfie-t-elle autant de toi ? Qui est Sara ? Et pourquoi tu sembles vouloir autant baiser que buter Nini ?

—    Laquelle des deux options t'emmerde le plus ? ne puis-je m'empêcher de répliquer.

Mon sarcasme ne l'amuse plus. Je soupire et m'installe sur le rebord du lit.

—    Je suis un mercenaire pour Archers.

Il arque un sourcil, incertain quant à la véracité de mes propos.

—    C'est moi qui ai sorti Erin du couloir cette nuit-là, c'était notre secret avec Dixon. J'avais fait une promesse à Jo-

—    Ok, me coupe-t-il, comme si la simple énonciation du prénom de Jonas était trop douloureuse. Si tu es d'Archers, pourquoi respires-tu encore ?

—    Anoki Sekani m'a intégré dans votre section en tant que double agent. Pour Archers, je suis actuellement dans une mission sur un autre continent, mon objectif est de vous aider à descendre Archers, mens-je avec conviction.

—    Donc, tu me prends pour un dindon de la veille.

Je fronce les sourcils, peu convaincu par l'expression qu'il utilise. Je ravale un rire et feins l'ignorance. Il se pince l'arête du nez et retombe sur le matelas à mes côtés.

The Perfect Prototype 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant