PAYOFF

𝐞́𝐩𝐢𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞

Au port, je contemple la mer Égée tout en marchant. La brise est agréable, et suffisamment calme pour ne pas faire envoler ma robe. Je regarde les mouettes, les coureurs matinaux, les bateaux à voile et réalise combien Urla est devenu mon nouveau chez moi.

Il est encore trop tôt pour être témoin des discussions animées et des séances photo des touristes. Alors je dis bonjour à Egemen, un pêcheur que je vois tous les jours ici, à dévorer des citrons puisque sa femme le veut en diète.

Avec l'habitude, le goût acide ne le dérange plus. J'avais trouvé ça bizarre la première fois qu'il m'en avait parlé, après le départ d'Ayaz.

Maintenant, je fais comme lui pendant mes baisses de moral. C'est déjà mieux que toutes les autres manières de contrôler la souffrance avec la douleur que j'ai essayé dans le passé.

Mais aujourd'hui, je me sens de bonne humeur. Clé en main, je me dirige vers la terrasse, exempt de clients, de Nefes et des employés comme il est encore trop tôt.

C'est devenu une habitude de retrouver un bouquet de marguerites et de lilas sur l'une des tables. Une habitude qui me procure la même sensation de sérénité. Je le prends, le hume, et ferme les yeux.

Quand je me redresse, je ne manque pas de remettre en place le collier autour de mon cou. Je tiens la plaque dans ma main, comme s'il comprendrait qu'il n'y a pas un jour où je ne pense pas à lui et que je ne prie pas pour qu'il soit sain et sauf.

Après avoir ouvert la porte, je rentre à l'intérieur du café. Je pars poser le bouquet sur le comptoir à côté de l'ancien qui commence à faner, dépose mon sac à bandoulière sur la chaise, puis pars arroser les paniers de fleurs et les jardinières, tout en chantonnant une musique du moment qui me trotte dans la tête.

Je jette un coup d'œil sur le port quand un vélo passe. Un sourire m'échappe. Je prends une profonde inspiration, et guette le bâtiment d'à côté. Nefes m'a dit que le restaurant s'était fait racheter, mais qu'encore aucun nouveau propriétaire ne s'était manifesté pour les travaux.

Ça fait maintenant deux mois qu'il est fermé.

Je dois arrêter d'y penser. Aujourd'hui est une bonne journée. Je dois rester active. Ekin et Silas sont ici depuis quatre jours, et le gender reveal de leur bébé se déroulera pendant la soirée.

Ils voulaient quelque chose de discret et de familial. Face à la possibilité qu'Izem ou d'autres viennent leur faire la surprise, je me dois d'assurer que tout sera parfait.

La table est prête. Les ballons sont prêts. La pâtissière ne devrait pas tarder. Tolga et Silas s'occupent des mets et de la cuisson du poisson et des fruits de mer. Je regarde minutieusement autour de moi et m'assure que rien n'a été oublié.

Ça doit être bon.

Je gonfle mes poumons de tout l'air que je peux pour décompresser.

C'est une belle journée.