Partie 16 - Loki

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L'endroit où nous nous trouvons est génial. J'en avais rêvé depuis tout petit et n'avais jamais eu l'occasion d'y aller. Le cadre du café où nous sommes est d'un style rétro vintage industriel que j'aime beaucoup. Avec ces ampoules suspendus et ces tons noirs et marron, ce mélange de bois et de métal. Le décor est agrémenté de plantes vertes dans tous les coins et recoins. Le lieu est splendide, j'en viens à oublier la crampe douloureuse dans ma jambe. Un sourire se dessine sur mes lèvres sans que je puisse y faire quoi que ce soit.

Mais mon enthousiasme n'est pas partagé. Nous sommes installés à une table ronde en bois usé et au vernis sombre. Les fauteuils sur lesquels nous nous sommes assis sont dépareillés et très confortables. Mais leur confort ne semble pas calmer l'humeur de Nickolas. En face de moi je le vois les bras croisés, l'air renfrogné, les sourcils froncés. Nous l'entendons souffler toutes les trente secondes à travers son masque. Son agacement se fait plus grand lorsqu'un chat saute sur la table, devant lui. Les deux se toisent, le chat gris penche la tête sur le côté, hume l'aire, avant de s'asseoir devant Nickolas. L'un grogne de mécontentement l'autre, nonchalant se lèche la pâte. Gaby et Mikael sont morts de rire. Sacha filme la scène tout droit sortie d'un dessin animé. Pas plus dérangé par le côté cocasse de la situation, le matou s'allonge sur la table le ventre exposé au plafond.

– Nick, je crois qu'il veut que tu lui grattes le ventre, dit Mikael entre deux rires.

Pour réponse Nickolas éternue. Son "atchoum" bruyant attire l'attention sur nous. Pendant que j'essaye de me ratatiner sur moi même, les rires de Gaby s'intensifient. Intérieurement j'espère que le regard noir que je lance au téléphone de Sacha le fera brûler sur place. Je ne veux pas qu'il y ait des preuves de ce moment de gêne.

Le café où nous sommes est un café à chat. Le concept est simple, vous venez, payez une consommation et profitez de la compagnie agréable des chats. Du moins si la compagnie des chats vous est agréable, ce qui n'est pas le cas de Nickolas. Au vu de ses yeux rouges et de ses éternuements à répétitions, j'en conclut qu'il est allergique à ces petites boules de poils. Et malheureusement le masque donné par Sacha n'arrange pas son cas.

Une serveuse revient vers notre table accompagnée d'une théière et d'un set de tasse divers et varié. Elle dépose le tout sur la table, nous donne les menus et repart aussi vite qu'elle est arrivée. J'essaye tant bien que mal d'appeler le chat devant Nickolas, pour lui laisser un peu de répit. Mais il a choisi de m'ignorer royalement. Penaud, je lance un regard désolé à Nickolas. C'est pas faute d'avoir essayé de l'aider. Nickolas éternue à nouveau, j'ai envie de rentrer dans un trou de souris et de ne plus jamais en sortir. Le regard noir qu'il me lance me fait vite comprendre qu'il n'avait vraiment aucune envie de venir ici.

D'un côté c'est compréhensible qui voudrait aller dans un endroit rempli de son pire cauchemar, avec un gars qu'on apprécie moyennement, voir pas du tout.

Nickolas râle après Sacha pour lui rappeler qu'avec son masque il ne peut rien consommé, Gaby lui répond en lui disant qu'on est pas là pour lui. Et même si l'endroit où nous sommes est tout bonnement génial, je m'en veux. Sans moi, il n'aurait pas fini dans cette situation. Ils ne seraient pas en train de se brouiller pour une histoire d'allergie et d'accomplissement amicale. On aurait continué notre train de vie habituel, eux ne calculant pas mon existence, Gaby qui aurait repris une vie normale, Sacha aurait continué à avoir un vague souvenir de ma personne, Mikael ne se démènerait pas pour savoir ce qui se passe dans ma tête. Et Nickolas. Je crois que Nickolas n'a vraiment pas besoin que je fasse partie de sa vie.

J'ai l'impression que depuis notre rencontre, tous ces malheurs sont de ma faute, et ce même si c'est faux. Je ne suis pas responsable de sa mise à mort, je n'en suis que le témoin. Je pense d'ailleurs que le seul de ses malheurs dont je suis responsable, c'est qu'il ne puisse pas remonter sur cette moto. J'ai bien compris qu'il tenait beaucoup à cette bécane. Mais ce n'est pas moi qui l'ai bousier.

Si j'avais été responsable de sa mise à mort, je crois qu'il serait plus intéressé par ma personne. Il me détesterait, mais il y aurait quelque chose entre nous, quelque chose que ne serait pas gérer, mais autre chose que cette indifférence froide. Et cette sortie n'a pas l'air de me mettre devant les bons curseurs pour qu'il change la façon dont il me voit.

Une main coon se frotte à ma jambe, son pelage tricolore, orange, brun et blanc, est magnifique. Un miaulement de sa part me fait comprendre qu'elle veut monter sur mes genoux. Flatter je recule légèrement pour lui laisser la place de s'installer. Elle est magnifique. Une fois qu'elle s'est mise à son aise, son ronron léger se fait entendre autour de nous.

Notre rencontre me fait oublier le cas NIckolas. Le reste de ce petit déjeuner/ brunch se passe presque sans encombre. Et en quittant les lieux je suis triste de laisser la chatte qui à passer presque deux heures sur mes genoux. Elle a une présence majestueuse presque mystique. Si j'avais les moyens je voudrais bien revenir passer du temps avec elle. Mais ma situation pourrait changer dans les prochains mois, du moins je l'espère.

Nous reprenons la route, toujours à pieds dans le froid new yorkais, dans un rythme modéré. Gaby en cheffe de file, Sacha à mes côtés guettant le moindre de mes mouvements, c'est un peu bizarre, Mikael et Nickolas en fin de file. J'entend quelques bouts de conversions, ils discutent de la course qui aura lieu ce week-end, soit dans trois jours. Je ne me sens pas de m'incruster dans la discussion alors même que je sais de quoi il en retourne. C'est moi qui ai préparé la voiture pour Nickolas. Comme toujours je n'ose pas m'imposer. Si ça se trouve la conversation n'a rien à voir avec moi.

Nous continuons notre marche, et ce même si le froid se fait sentir, et que l'articulation de ma jambe m'est difficile. Lorsque le temps est humide ou froid elle me fait des caprices, peut-être devrais je reprendre les exercices de rééducation. Même si je n'ai plus les machines que j'avais loué, il doit me rester un ou deux élastiques à bande large dans mes affaires.

La journée se poursuit, nous passons une bonne partie de la fin de matinée et de l'après-midi dans une salle d'arcade. Les quelques tournois que nous avons fait on fini de détendre l'atmosphère. Nickolas a joué quelques parties de simulateur auto contre moi. Il a gagné 3 à 2 sur 5 manches. J'ai appris qu'il est mauvais perdant, et étrangement ça colle parfaitement à sa personnalité. Sacha nous à tous battus à un jeu de lancer franc. Gaby nous a harcelés pour que quelqu'un lui gagne une peluche à une machine à pince. Je me surprends à avoir mal aux joues à force de sourire.

Lorsque nous regagnons la voiture, Nickolas se met à côté de moi. Mon cerveau occulte tout ce qui se passe autour de nous, les conversations la route que nous prenons, la musique qui tourne en fond sonor, les blagues de Michka - il m'a tirer les oreilles pour que j'arrête de l'appeler par son prénom-, les instructions de Gaby assise sur la place du mort, Sacha qui est à ma droite. Toute mon attention est dirigée vers les membres de Nickolas en contact avec les miens. Nos épaules qui se cognent à chaque mouvement de la voiture, nos bras qui se frôlent, nos cuisses qui se collent, nos genoux qui se rencontrent un peu trop souvent à mon goût.

Un homme dangereux, Loki, reprends toi.

Mon cerveau ne fait plus barrière à mon cœur qui s'emballe, je ne sais pas dans quoi je m'embarque, mais c'est une très mauvaise idée. 

Russian love - NickolasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant