Partie 1 - Nick

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Octobre 2024

La course, y'a que ça de vrai dans ma vie. Que ce soit à pied, en voiture, ou à moto. Bien que les deux derniers se fassent rarement de manière légale, il suffit de savoir pour qui on court. Je dois l'avouer, mon employeuse n'est pas la meilleure qui soit ; cette espèce de bonne femme est une tortionnaire, mais elle paie bien, disons-le.

La course de ce soir va envoyer du lourd : un demi-million à la clé. La patronne veut montrer qu'elle est plus forte que cet abruti de Marty Moorse, une espèce de vieux croûton qui ne sait vendre que des voitures trafiquées et des prostituées défoncées au crack. Y'a que ses coureurs qui sont réglo. Pas de bizutage, pas de coups dans les virages, pas de mise à mort.

La mise à mort, un concept un peu bancal qui n'existe qu'ici, à New York. Faut pas croire que c'est une ville sans histoire. Pour faire court, lors d'une course, il n'y a pas de règles : tous les moyens sont bons pour gagner une fois le rideau levé. Par exemple, tirer une balle dans une des vitres de ton concurrent. Je m'en suis pris une dans l'épaule il y a deux ans. En général, il y a peu de mises à mort lors des courses automobiles, simplement parce que c'est plus délicat, mais ça arrive souvent en moto.

La seule règle, c'est : si tu cours à moto, ton adversaire aussi ; si tu cours en voiture, idem. Quand j'ai commencé au lycée, cette règle n'existait pas. Toutes mes premières fois, c'était avec ma Yamaha XJR400, une moto japonaise des années 90. Une beauté. J'avais bossé comme un dingue tout un été pour l'acheter et la faire retaper.

Elle ne vaut peut-être pas grand-chose sur le marché, produite pendant 17 ans, mais j'adore ce bijou. J'ai littéralement fait toutes mes premières fois grâce à cette moto : première course, premier road trip, première baise, première chute... et ma première mise à mort.

J'ai fait une chute qui m'a valu deux jours à l'hôpital, une cicatrice sur le flanc droit et une moto trop endommagée pour continuer à rouler. J'ai eu plus peur pour ma moto que pour moi. Sérieusement, j'aurais pu perdre une jambe ou un bras, mais le fait que ma moto ne puisse plus rouler... ça, ça m'a foutu le moral à plat. Sans mauvais jeu de mots.

Il manque encore une ou deux pièces pour qu'elle puisse rouler à nouveau.

Une nouvelle vie. Une de celles qui font rêver et que je n'aurai sans doute jamais. La vie de château, deux gosses, une femme et un chien. Mais je crois que j'ai déjà donné. J'ai grandi avec deux femmes et le rejeton de celle qui n'était pas ma mère, et mon père est - était ? - un chien. Pas l'animal, mais un type de la pire espèce. Peut-être que je finirai comme lui, le jour où je ferai les mauvais choix, et que la seule chose pour sauver mon âme sera l'alcool et les drogues en tout genre.

La course de ce soir a lieu dans une zone désaffectée, là où se tiennent raves et fêtes en tout genre. De quoi se la mettre à l'envers, comme on dit dans ma génération.

Début des hostilités à 2 heures du matin. En espérant qu'en ce début d'automne, il ne pleuvra pas trop. Je ne sais toujours pas avec quelle voiture Sam veut que je roule, ni contre lequel des Moorse je vais devoir me battre. Pas cet abruti de Scott, j'espère. Le gars s'est fait tout ce qui est baisable à New York, et il joue les racailles alors que tout le monde sait qu'il est le fils d'un magnat de l'immobilier.

C'est nouveau ça aussi, les gosses de riches qui veulent se la jouer durs à cuire. La seule difficulté qu'ils ont connue, c'est que papa et maman ne leur ont pas donné d'argent de poche au début du mois. Je ne comprends pas qu'on puisse être malheureux quand on mange quatre fois par jour, qu'on a un toit sur la tête, une chambre plus grande que mon appartement, et tout ce qu'on veut.

Franchement, ce Scott, je ne sais pas ce que les gens lui trouvent. Il n'est même pas bien foutu. Il n'a rien d'extraordinaire, juste un physique banal de mec qui fait un peu de sport, et il ne doit pas être mieux loti que les autres. Et je ne pense pas que son attirail ait beaucoup changé en 10 ans. Je ne dirais pas que ce n'est pas un bon coup, mais ce n'est certainement pas le meilleur de l'univers.

Si la course commence à 2 heures, ça me laisse le temps de trouver une âme charitable pour décharger mon trop-plein d'énergie. Une soirée dans un bar du coin, ou un club sympa.

– Allô ?
– Michka, tu fais un truc ce soir ?
– Bonsoir, Nicky. Comment vas-tu ? Moi, je vais bien, merci de demander, connard !

J'attends un peu qu'il se calme. Mickael n'est pas un mec violent, juste un peu à cheval sur certains points. Et la politesse en fait partie.

– Oui, oui... Bon, vu que t'es en pleine forme, tu peux venir avec moi.
– Et on va où ?
– Là où on peut baiser rapidement.

Il soupire avant de me demander si je n'en ai pas marre de parler comme un grognard.

– Oh, tu ne vas pas me dire que tu ne baisses pas des inconnus dans des clubs, toi. Michka, pas à moi.
– Moi, au moins, je prends le temps de discuter un peu avec eux, d'apprendre leur prénom, et quand je les recroise à l'occas', je leur dis bonjour.
– Oui, oui, je suis le roi des enfoirés. Je t'ai pas appelé pour taper la causette comme deux nanas en chaleur, alors bouge ton cul, je viens te chercher à 20 heures.

Je ne lui laisse pas le temps de répliquer quoi que ce soit qui pourrait allonger cette conversation déjà trop longue à mon goût.

Un club, de la musique, de l'alcool, et des gens prêts pour à peu près tout ce qui est possible dans des endroits exigus. Presque le paradis, si on oublie que le club s'appelle Hell Fire. Ce club nous connaît depuis qu'on a l'âge légal pour boire. Queer-friendly, tout le monde y trouve son compte. L'entrée est réglo, et pas de saloperies à l'intérieur, à moins que ce soit celles qu'on fait avec un partenaire consentant dans un coin à l'abri des regards. Moi le premier. Il ne me reste plus qu'à trouver un jeune homme qui veuille bien passer une demi-heure en ma compagnie.

J'ai repéré un petit brun qui me reluque depuis qu'on est arrivé. Soit il sait qui je suis, ce qui est plausible vu ce qui est prévu ce soir, soit mon charme naturel l'a conquis dès que j'ai pris ma première bière.

– Et dis, tu vas pas me lâcher à peine arrivé ! Et doucement sur la boisson ! balance Michka.

Je lui réponds par une tape sur l'épaule, et je file vers cet inconnu. Après deux ou trois mots échangés et des regards lourds de sens, je le laisse me guider vers l'endroit qu'il choisira pour nos activités.

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À suivre...

(les hostilités commencent, n'hésite pas à voter si le chapitre t'as plu et à poursuivre ta lecture) 

Russian love - NickolasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant