Partie 5 - Nick

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Après ma victoire d'hier, je me suis retrouvé dans un sacré bazar, profitant que les gars soient en bonne compagnie pour rentrer chez moi. Mais allez savoir pourquoi, au réveil, j'ai trouvé Michka endormi sur mon canapé, avec une tête de six pieds de long. Je ne sais pas ce qui s'est passé le reste de la nuit, mais ça semble l'avoir perturbé. Il a donc décidé que, pour se changer les idées, il allait me suivre partout aujourd'hui. Merci, mais non merci. Pourquoi avoir un pot de colle pour meilleur ami ? Je me le demande bien. N'empêche que quand je lui ai dit qu'il fallait que j'aille voir Mark, il s'est montré nettement plus enthousiaste. À tel point qu'il a sauté de ma voiture avant même que je trouve une place pour me garer... Ce mec a-t-il réellement 25 ans ?

En entrant dans l'atelier de Mark, je ne m'attendais pas à y voir autant de monde. Premièrement, j'étais prêt à cracher à la figure de Scott et à démolir Michka pour ses suppositions malvenues. Mais après un coup d'œil d'ensemble à la pièce, je suis tombé sur un gars à la peau brune, aux cheveux noirs et aux yeux noisette ; sa tête me dit vaguement quelque chose. Ce qui m'interpelle, ce sont ses vêtements. J'ai vu cette tenue pas plus tard que cette nuit. Il faisait trop sombre au hangar pour que je discerne correctement son apparence, mais je n'aurais pas imaginé que le mec timide d'hier ait cette allure. Je l'imaginais avec une peau pâle, limite laiteuse, par manque de sorties. Pas ce jeune métis aux boucles qui retombent joliment sur son front. Joliment ?

Il semble captivé par mon regard lorsque nos yeux se croisent pour la première fois. Je m'y attarde plus que je ne le voudrais. En déviant, je tombe sur sa main et ce qu'il tient.

— Qu'est-ce que tu fous ? crache-je.

Le silence pesant qui suit ma tirade ne me gêne en aucun cas. Je veux savoir pourquoi ce mec a les mains posées sur ma moto. Mon intonation l'a fait sursauter et il lâche, par la même occasion, la bâche qui retombe de manière désordonnée sur mon bolide. Je n'ai que faire de ses yeux effrayés ; je ne vais pas lui sauter à la gorge. Du moins, pas avant d'avoir une explication sensée à cette situation.

— Nick, calme-toi, tente Michka.

— Nickolas !

Le hurlement de Mark me calme légèrement, mais il ne fournit aucune explication quant au fait qu'un des mecs de Marty ait les mains sur mon bijou.

— Nickolas, je te rappelle qu'il n'y a pas de clans ici, gronde Mark.

Zone de neutralité oblige : pas de combats, ni d'insultes, et encore moins de morts chez Mark. Il serait capable de nous plomber le cul avec son fusil, qui est caché quelque part sous les établis. Je l'ai vu une fois pointé dans ma direction, je ne retenterai pas l'expérience.

— C'est qui lui ? dis-je.

— Mon protégé, répond Mark.

À voir ledit protégé se ratatiner sur lui-même, mal à l'aise par cette désignation, on dirait un chaton apeuré. Chaton, c'est d'ailleurs le surnom qu'on lui donne dans le milieu. Il y a quelques années, le mécano a pris sous son aile un jeune qui était à la rue. Peu de gens connaissent son visage, car il reste souvent caché. Alors, c'est donc lui Loki, le chat sauvage. Il n'a pas grand-chose d'extraordinaire ; il est même plutôt banal en apparence. Un mec comme on peut en croiser plein d'autres. Il se fond bien dans le décor multiculturel de New York. Pourtant, il y a un petit quelque chose d'attirant chez lui.

— Donc c'est toi le fameux Loki ? demande calmement Michka. Enchanté de faire ta connaissance.

Pour toute réponse, il hoche doucement la tête et se décale lentement de ma moto, reculant légèrement dans le fond du garage. Mesure de sécurité ?

Scott, qui ne disait rien jusqu'à maintenant, l'attrape pour le ramener vers lui, l'empêchant ainsi d'aller se planquer. Mark, lui aussi, couve sur lui un regard inquiet. Il n'a pourtant pas l'air dangereux. Il regarde dans toutes les directions, prenant soin de ne croiser le regard de personne ici présent. Qu'est-ce que tu crains ?

Je n'ai aucune patience et son attitude commence sérieusement à m'énerver.

— Pourquoi tu touches à ma moto ?

— Il ne l'a pas égratignée, laisse-le tranquille ! crie Scott.

— Je te parlais pas à toi.

Scott, je trouve que je le vois un peu trop pour ma santé mentale. Il n'est tout de même pas muet, ce petit.

— Je regardais l'avancée des réparations, finit-il par balbutier.

Sa voix est plus grave que je ne le pensais, presque cassée, comme si on avait trop forcé dessus.

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Mark me coupe en me disant qu'une grande partie des réparations et la récupération des différentes pièces ont été faites par ce petit. Et même la nouvelle peinture.

— Et pourquoi un gars responsable de ça aurait...

— Il n'a rien fait ! crie Scott.

— C'est un des Moorse, vous êtes tous responsables de ce qui s'est passé ! crie-je.

Pour le coup, on est vraiment à deux doigts de se foutre sur la gueule. Michka a posé sa main sur mon épaule pour me retenir. Mark se fait menaçant. Ça n'empêche pas Scott et moi de continuer à nous balancer des insultes. Le ton monte rapidement et on se retrouve tous à se crier dessus : moi sur Scott, Michka essayant de me calmer, et Mark nous ordonnant d'arrêter.

Notre attention est détournée par le bruit de plusieurs outils tombant d'un établi. Le petit a l'air livide. Il est accroupi par terre, tremblant de tous ses membres, sa respiration haletante. Le propriétaire des lieux se précipite vers lui. Scott se fige instantanément, sans dire un mot.

— Merde, Loki ! dit Mark en s'accroupissant devant lui. Hé, tout va bien, tout va bien.

Il continue à lui parler doucement et calmement, le prenant délicatement dans ses bras, aussi délicatement que Mark le peut. Mais qu'est-ce qui se passe ? Scott a l'air totalement paniqué. Je lance un regard interrogateur à Michka, qui me répond en haussant les épaules, tout aussi démuni que tout le monde ici.

— Rentrez chez vous, les gars, tonne sévèrement Mark.

— Pardon Loki, je suis désolé, murmure Scott avant de partir.

Nous ne tardons pas à quitter les lieux. Je ne suis pas sûr d'avoir compris ce qui vient de se passer sous mes yeux. La journée commence mal. En rejoignant le parking, j'y trouve Scott adossé contre la porte de ma voiture.

— Tu pourrais éviter d'agresser les gens cinq minutes ? aboie-t-il.

Je lui demande de dégager de ma voiture. Il s'écarte, mais reste tout de même sur mon chemin.

— N'approche pas de Loki. Il n'a rien à voir avec les Moorse, et encore moins avec ta mise à mort.

— Tu me menaces, Ortland ? demandai-je, joueur.

— Non, ce n'est pas moi qui vais te casser la gueule si tu lui fais du mal.

Il ne dit pas un mot de plus et s'éloigne... 

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À suivre ....

Russian love - NickolasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant