Partie 3 - Nick

163 21 30
                                    

En arrivant sur les lieux du duel, je constate qu'il y a un monde fou. Entre ceux venus pour la course et ceux pour la fête, heureusement qu'il fait froid, sinon on pourrait presque se croire dans une scène cliché d'un film de course automobile avec des filles à moitié nues qui tournent autour des véhicules. Mais la scène est différente : les gens profitent de la petite fête organisée dans un des hangars, avec une sono et un bar. Les spots lumineux donnent à l'endroit des airs de boîte de nuit.

Sur place, je repère Sacha. Il ne devrait pas être là.

– Qu'est-ce que tu fous là ? demandé-je.

– La boss est là, répond-il.

Sacha est le plus jeune d'entre nous. Je ne sais pas vraiment pourquoi il bosse pour Sam, je sais juste qu'il a besoin d'argent. Il n'est généralement pas friand de ce genre de lieu. En réalité, il ne traîne pas régulièrement avec nous, mais il reste un homme sur qui on peut compter. Je mettrais ma vie entre ses mains sans hésiter une seconde. C'est pareil pour Mickael. Et on n'est pas les seuls à lui faire cette confiance aveugle : Sam aussi lui fait confiance. Cela explique la présence de Sacha, mais pas celle de Sam.

– Pourquoi elle est là ? demande Michka.

– Marty est présent. Elle veut sûrement se montrer sous son meilleur jour, je suppose. Histoire de rapport de force ou quelque chose du genre, répond Sacha.

– Tu devrais pas être avec elle ? demandé-je.

– Elle m'a dit d'aller voir ailleurs si elle y était.

Traduction : il n'est plus avec elle depuis plus de trente minutes. Peut-être est-elle en train de discuter avec un nouveau client, ou avec un autre qui croit qu'elle fait partie de la mafia russe et qu'elle a des contacts intéressants. Ou bien c'est un de ses contacts qui l'informe sur ce que trame la mafia. À part Sacha, on ne traîne pas trop dans ces histoires. On ne sait pas souvent quelles alliances elle noue, ni pourquoi. On se contente d'obéir aux règles qu'elle impose. Telle est notre vie, et pour certains d'entre nous, ça a toujours été comme ça.

Voilà une nuit que j'aurais préféré éviter. J'aurais dû me saouler un peu plus, ou prendre quelque chose de plus fort. Supporter la cheffe Samantha avec l'esprit clair, non merci. Ajoutez à ça la tension de la course qui monte... il ne manquerait plus que Scott vienne me taper sur les nerfs.

En parlant du loup, le voilà qui se pavane avec un groupe de groupies autour de sa voiture. Je ne sais pas avec laquelle ou lesquelles il finira la nuit, mais elles sont toutes plus insupportables les unes que les autres. Heureusement que je me tape des mecs, c'est beaucoup moins prise de tête. Du moins, la plupart du temps.

Cet imbécile heureux me salue d'un signe de tête, je préfère l'ignorer. Mais sa présence ici me fait tiquer.

– Sacha, contre qui je cours ? hurle-je pour me faire entendre par-dessus le bruit.

Au lieu de me répondre en criant, il désigne le grand blond aux yeux bruns que je déteste. Parfois, je regrette que Sam soit aussi réglo et qu'elle nous interdise de tuer nos adversaires. Je ne souhaite pas forcément le mettre sous terre, mais juste lui péter une jambe, sans que ce soit suspect. Ou qu'il tombe dans le coma, ça ferait du bien à tout le monde.

Il ne me reste plus qu'à trouver mon véhicule, faire un tour de reconnaissance, et prier pour qu'il y ait des virages suffisamment traîtres pour envoyer Scott à l'hôpital.

Sacha m'indique la voiture qui m'est réservée, déjà inspectée par deux de nos mécanos. Je grogne un peu en voyant la couleur. Orange fluo, sérieusement ? Ok, celle de Scott est dans un espèce de vert pomme dégueulasse, mais je n'ai pas signé pour rouler dans une caisse, aussi performante soit-elle, qui ressemble à un jouet de bobo du dimanche. J'ai une image à préserver.

Je lève le capot pour vérifier moi-même que tout est en ordre. Les bougies sont toutes identiques, les câbles d'alimentation sont bons, et la batterie n'a pas l'air trafiquée. Tout semble en ordre.

C'est lorsque je referme le capot que je me retrouve face à Sam. Je lance un regard noir aux gars qui auraient dû me prévenir de sa présence. Ils détournent le regard, jouant les innocents. Bande de lâches.

– Tu douterais du travail de mes hommes, Nikolaï ? demande-t-elle, son accent russe traînant sur chaque syllabe.

Elle utilise mon prénom en russe uniquement pour m'énerver, et elle sait que ça marche. Cette femme passe son temps à tester ma patience. Une vengeance pour les années passées, peut-être ?

– Non, répondu-je sèchement.

Clair, net, précis. Pas besoin d'en dire plus, elle serait capable de retourner ça contre moi. Je suis presque tenté de la traiter de vieille peau, mais je vais éviter de provoquer une mort prématurée à vingt-cinq ans.

– Je vois que le trio infernal est présent ce soir. Michka, tu n'as pas ramené ton protégé avec toi ? demande-t-elle.

– Non, il a cours demain, et je préférerais qu'il ne mette pas les pieds ici trop rapidement, répond Michka.

– Il faudra me le présenter.

– Oui, Sam.

Lèche-botte. Michka ne présentera jamais Luke à cette femme de son plein gré. Déjà que nous, on n'a pas le droit de le voir. Ce jeune de dix-sept ans lui en fait voir de toutes les couleurs depuis presque un an. On ne sait pas grand-chose de lui, si ce n'est qu'il dort parfois dans l'appartement de Michka. On sait juste qu'ils sont amis, et vu comment Michka est droit dans ses bottes, je dirais qu'ils n'ont jamais couché ensemble.

– Sacha, je te laisse ta soirée, je n'ai plus besoin de toi, annonce Sam.

– Bien, Sam, acquiesce-t-il.

– Quant à toi, Nikolaï, tu cours contre le petit Scott ce soir. Tâche de gagner. Et au passage, ne meurs pas.

Elle ne me laisse même pas le temps de répondre qu'elle disparaît déjà. Un jour, je vais finir par l'étriper. J'ai des envies de meurtre ce soir.

Je me reconcentre bien malgré moi sur Scott. La course est dans moins de deux heures, lui aussi doit vérifier sa voiture et faire son tour de reconnaissance. Je ne sais pas si c'est moi ou lui qui passe en premier. La course se fait sur un circuit long, une boucle à parcourir trois fois. À une vitesse de cinquante kilomètres par heure, le temps estimé est de quarante-cinq minutes pour la distance à parcourir, soit environ trente-huit kilomètres. Si je veux gagner, il me faudrait une vitesse moyenne d'environ cent vingt kilomètres par heure. On peut monter à cent cinquante et tenter des pointes à deux cents.

Je suis encore plongé dans mes calculs de performance quand un gars que je n'ai jamais vu approche du groupe de Scott. Capuche sur la tête, jean sombre, Converse blanches. Des Converse blanches, sérieusement ? Qui serait assez fou pour sortir dans un lieu pareil, où tout un tas de conneries traîne, avec des chaussures blanches ? C'est peut-être pour ça qu'il a l'air paumé. Oui, mon gars, tu fais vraiment tâche dans le décor.

Pourtant, je vois ce maudit Scott le tirer vers lui pour l'enserrer sous son épaule et le présenter à sa flopée de groupies. Pas sûr qu'il soit à l'aise, ni qu'elles en aient quoi que ce soit à faire.

Cet homme mystérieux s'approche ensuite et soulève le capot de la Mercedes AMG GT verte. C'est qui, ce mec ?


__________

A suivre... 

Russian love - NickolasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant