Partie 2 - Loki

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– S'il te plaît, trouve-moi du boulot !

Je débarque à l'atelier de Mark en espérant qu'il puisse m'aider à retrouver du travail, et vite. Mon ancien employeur m'a viré après avoir découvert un petit secret à mon sujet. Mais il faut que je rembourse pas mal de trucs, que je paie mon loyer, mes cours, et ma bouffe. Bref, j'ai besoin de fric.

– Loki, va voir ailleurs si j'y suis.

Mark fait comme si je n'existais pas et continue de déambuler dans le garage sans prêter attention au fait que je le suive de près. Je sais que, souvent, quand je suis dans la merde, c'est lui qui vole à mon secours, et il sait bien que si je viens le voir, c'est en dernier recours. Mais aujourd'hui, j'espère qu'il est dans un bon jour et qu'il m'aidera.

– Écoute, mon grand, ce n'est pas que je ne veux pas te donner un tuyau, c'est que je n'en ai pas.

– Comment ça, t'en as pas ? Tu connais plus de la moitié des mécanos de tout l'État de New York ! criai-je.

– Loki !

Mark élève rarement la voix, voire jamais, peu importe la situation.

– OK, je... je vais te laisser tranquille.

– Loki...

Je secoue la tête lorsqu'il essaie de me retenir, puis je sors en courant.

– Loki !

En arrivant à mon appartement, je constate que la lumière ne fonctionne pas. La facture d'électricité n'a pas été payée, ce qui signifie qu'il n'y aura pas de bouffe chaude, pas de douche, pas d'ordinateur, pas de télé. Ce taudis me laisse tout le loisir de repenser à cette journée. Me faire virer de mon boulot, pas parce que je fais mal mon travail, mais parce que je suis ce que je suis. Être menacé d'exclusion de la fac, non pas parce que j'ai de mauvais résultats, mais parce que je ne peux pas payer mes frais de scolarité. Et pour finir, me brouiller avec la seule personne qui prend soin de moi sur cette foutue planète. J'ai vraiment merdé.

La seule chose à faire serait d'appeler Mark et de m'excuser. Mais comme le cinquantenaire n'a pas de portable personnel, c'est sûrement sa femme qui répondra sur leur fixe. Et elle ne m'apprécie pas. Elle a bien raison. Qui serait assez intelligent pour prendre sous son aile un boulet comme moi ?

Au final, à quoi me sert la fac ? La plupart de ce qu'on m'enseigne, je sais déjà le faire. Tout ce que je voulais, c'était d'obtenir ce diplôme pour pouvoir devenir ingénieur, montrer au monde que je pouvais être quelqu'un, avoir une meilleure vie que celle qu'on me destine. Un rêve futile qui m'a fait perdre du temps et de l'argent.

– Loki ! Ouvre !

Des coups résonnent à la porte. Pas le temps de répondre que ça recommence de plus belle.

– Loki, c'est Scott !

Et mince, la course de ce soir... Je me retrouve face à un grand blond aux yeux bruns qui me domine de toute sa hauteur. Scott est peut-être un de mes seuls amis, si on compte Mark. Et je ne suis pas à plaindre, je suis heureux de les avoir dans ma vie. Scott et moi, on s'est rencontrés il y a cinq ans, et je le vois plus comme un grand frère que comme un simple ami. Peut-être même mon meilleur ami. Je ne sais jamais trop comment me positionner dans mes relations avec les autres.

– T'es prêt pour ce soir ?

Pas de bonjour, il pénètre directement dans l'appartement. En un pas, il passe de l'entrée au salon, puis, d'un mouvement de côté, il se retrouve dans la cuisine. Il ouvre le frigo et râle en le trouvant vide.

– Loki, t'as pas fait les courses ?

Pas de courses, pas de ménage, pas de paperasse, pas de rangement depuis deux semaines. Heureusement que la voisine me donne ses restes tous les deux jours. Je la soupçonne même de cuisiner en grande quantité exprès pour moi.

– Loki ?

En avançant de deux pas, après la machine à laver qui ne marche plus depuis un mois, il cogne contre mon lit.

– Allez, lève-toi. On va aller boire un coup, manger un vrai repas, et tu vas inspecter ma voiture. Il n'y a qu'en toi que j'ai confiance.

Ne voyant aucune réaction de ma part, il se jette sur moi. Je grogne, ma tête toujours enfoncée dans l'oreiller, mais il réussit à m'extirper de sous la couette. Il jette un œil à mes vêtements, puis m'envoie à la douche. En revenant, il m'a sorti un sweat noir, un jean et mes converses blanches, les moins usées.

– Allez, maintenant, on y va. Je vais te trouver un resto où on mange gras et bon.

Je le suis sans rechigner, appâté par cette promesse de calories. Même si la route se fait en silence, j'apprécie la présence imposante de Scott. Il a toujours quelque chose à raconter, et même si je ne suis pas sûr que tout soit vrai, il sait me faire penser à autre chose.

Scott n'a pas eu la même vie que moi. Si je n'avais pas eu à bosser sur une de ses voitures, je doute qu'on se serait jamais rapprochés. Les gens comme lui ne traînent pas avec les gens comme moi. Pourtant, nous voilà. Lui et moi, on se soutient depuis cinq longues années. Joies, peines, bobos, doutes... on se confie tout. Mais je ne sais toujours pas comment lui avouer que je suis complètement fauché et qu'il est fort probable que Marty vienne me faire la peau en personne. Il n'y a plus d'échappatoire possible.

Les vibrations de la voiture me bercent jusqu'au restaurant tant attendu, et le burger accompagné de sa pile de frites sera mon repas du condamné. Rien de mieux que cette viande juteuse et ce fromage fondu qui dégouline. Scott, en face de moi, attend que j'aie la bouche pleine pour prendre un air grave et lancer l'interrogatoire.

– Pourquoi ton frigo est vide ?

– J'ai pas eu le temps de faire les courses, dis-je après avoir avalé de travers.

– Me prends pas pour un con ! T'as pas eu le temps ? Et il y a quinze jours ?

– Je savais pas que tu surveillais mon frigo ! répliqué-je sur la défensive.

Je sais qu'il s'inquiète pour moi, mais je n'ai pas besoin qu'il me rappelle à quel point je suis dans la merde.

– Loki !

Je ne réponds pas et continue de manger. Je n'ai pas envie d'ajouter une dispute avec Scott à la liste des problèmes de la journée.

– Je vais parler à Marty.

– Tu ne feras rien du tout. T'as déjà fait bien assez.

Il secoue la tête en signe de protestation, mais la discussion s'arrête là. On finit notre repas en silence. Quand vient le moment de payer, le serveur m'annonce que la note est déjà réglée.

– Allez, arrête de chipoter, on a une course à gagner.

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A suivre...

Russian love - NickolasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant