Black Shadow : l'écho des secrets

Prologue

Le silence.

Il fait sombre, néanmoins pas assez pour m'empêcher de voir qu'une personne s'approche lentement dans ma direction. Mon champ de vision est flou. Je discerne avec difficulté une silhouette masculine de corpulence moyenne à la démarche bourrue. Je ne parviens pas à me concentrer pour garder les idées claires. Mon esprit est comme enchevêtré dans un brouillard épais. Mes pensées se succèdent les unes après les autres, à en perdre le fil. En un battement de cil, tout se met à tourner autour de moi, mon regard se perd. La confusion me gagne, cette perte de contrôle me provoque des bouffées de chaleur. J'ai l'impression d'étouffer, d'être prisonnière de mon propre corps. Je ne me rappelle pas avoir bu à outrance, rien qui puisse me mettre dans un tel état léthargique. Je m'évertue à me remémorer les circonstances qui m'ont menée à cette situation, à chercher un point d'ancrage qui justifierait ma présence dans cette pièce obscure. Je me revois aller récupérer mes affaires déposées sur la banquette à l'arrière du bar, avant de continuer ma route.

Qu'est-ce qu'il m'arrive ?

Un souffle chaud effleure mon cou. Aussitôt, mes yeux s'écarquillent. Mon pouls s'accélère, ma respiration se coupe puis reprend un rythme saccadé. Ma poitrine monte et descend, irrégulière, frénétique, attirant l'attention salace de l'inconnu sur mon décolleté. S'il ne faisait pas aussi sombre, je jurerais distinguer une étincelle illuminer ses prunelles.

Comment est-il arrivé si vite à mon niveau ?

Ma position m'embarrasse, affalée sur un canapé en tissu d'où émane une odeur d'alcool et de sueur. Toujours privée du moindre mouvement, j'éprouve une vive douleur dans mon dos. Si seulement l'inconfort de ma posture était ma seule préoccupation. J'ai envie de me relever, de sortir de ma torpeur qui m'assaille depuis que j'ai repris conscience. J'ai peur que mon immobilité puisse être considérée comme un accord implicite à le laisser entrer dans mon espace vital. Ma vue parvient tout de même à s'habituer doucement à la faible luminosité de la pièce. Mon regard analyse du mieux qu'il le peut les lieux. J'identifie des étagères en bois garnies de nombreuses bouteilles, un bureau du même matériau. D'innombrables piles de papiers penchent dangereusement, à moins que ce ne soit mes yeux qui flanchent.

Perdu dans ma courte observation, l'individu se rapproche davantage, s'installe sur le fauteuil dont l'assise s'affaisse sous son poids. La rugosité du textile frotte mon épiderme sans que je parvienne à esquisser le moindre geste. Ses mains descendent le long de mon flan pour finir au-dessus de la ceinture de mon jean. Ma respiration s'affole, mon corps se tend à son toucher. J'appréhende le moindre de ses gestes sur ma peau. De manière lascive, ses paumes entament une lente remontée de mon bas ventre jusqu'à parvenir au liséré de mon soutien-gorge.

Je frissonne. Je ne suis pas excitée, non, je suis terrifiée. Accablée de remords et paralysée par la peur, je ne comprends pas ce qui m'a poussée à m'en aller ainsi, sans prévenir quiconque. Je devais prendre du temps pour me retrouver. Ces dernières semaines ont été compliquées. Les informations révélées m'ont submergée. Mes émotions étaient alors hors de contrôle. Tout ce que je voulais, c'était m'échapper de la réalité, ne serait-ce que pour quelques heures, voire quelques jours. J'avais besoin de vider mon esprit, de crier au monde le sentiment qui m'envahissait : celui de la trahison. Je souhaitais pouvoir soulager ce poids qui m'oppresse la poitrine. Je n'ai vécu que dans l'illusion d'une vie parfaite. Trouver une échappatoire à la brutalité de ces aveux me paraissait la seule chose à faire sur l'instant.

Stupide. Putain ! Je suis stupide !

Il poursuit la découverte de ma silhouette dans une insupportable torture. Sa main est désormais sur mon soutien-gorge pour finir par se glisser en dessous. Ses doigts malaxent mon sein en faisant rouler mon téton qui réagit malgré moi contre les callosités de son pouce. Je suis effarée par la réaction de mon propre corps.