Chapitre 16 p1

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Elena

J'appréhende mon premier service en tant que serveuse ce soir. Ma journée est passée assez vite. Il faut encore que je passe voir Kent pour lui changer ses pansements avant de filer me préparer pour travailler.

Voilà maintenant cinq jours que je m'entraîne à marcher avec des talons de 10 centimètres, un plateau rempli de bouteilles. Je ne comprends l'utilité de faire le service avec ces instruments de torture. J'ai le cœur au bord des lèvres à chaque pas, de peur de tout renverser. Alana ne m'a pas lâché d'une semelle. Elle est comme mon ombre. Je sens encore le poids de son regard dans mon dos. Si ses yeux avaient pu être des lames tranchantes je ne serais plus de ce monde, c'est certain. J'entends encore distinctement ses claquements de langue à chaque fois que je manquais de m'emmêler les pieds sur mes échasses.

Depuis ma petite conversation avec Devon, je suis en capacité de pouvoir me déplacer librement dans le bâtiment. Je sais désormais que le rez-de-chaussé se compose de la partie bar, ouverte au public, puis d'une petite salle commune "privé" pour les membres du club. J'ai encore du mal avec ce terme. Très honnêtement, je n'ai pas saisi la différence entre un club et un gang. Mais bon, soit, qu'ils utilisent le terme qui leur fait plaisir, je n'en pense pas moins, leurs affaires sont louches. Pour ma survie, je dois parvenir à freiner la curiosité qui me prend au tripes depuis quelques jours dès que j'approche des zones interdites. Je tiens à ma vie, hors de questions que je perde le peu de liberté que j'ai réussi à obtenir.

A l'étage, ce sont les chambres, qui pour la plupart ne sont pas occupées, ou juste quelques heures le temps de faire chanter les brebis. Je suis encore choquée du nom employé pour désigner ces filles qui trainent autour des membres du club à chacune de leurs apparitions. Je n'envie pas leurs situations. On les identifie très facilement : des tenues courtes voire minimalistes. Tout est bon pour attirer les regards, obtenir l'attention de l'un des gars, ne serait-ce que pour un bref instant. Des soutiens gorges voyants, des croc-top qui cachent tout juste les poitrines opulentes, des shorts qui pourraientt tout aussi bien être inexistants au vu du peu de tissu présent. Je ne sais pas comment elles font pour ne pas avoir froid. L'expression " avoir le feu au cul" leur convient à merveille.

Je me dirige rapidement vers la chambre qu'occupe Kent. Une sorte de routine s'est installée entre nous. J'entre sans même toquer. De toute façon, il a eu l'ordre de ne pas bouger d'un pouce. J'inspire un grand coup, avançant droit devant, un air sûr de moi.

— Hello, hello ! Comment te sens-tu aujourd'hui ?

— Bien.

Nous sommes toujours sur une "conversation" limitée.

— Allez c'est parti !

Dès que je me mets en mode professionnelle j'ai l'impression de retrouver une partie de moi-même. Mes gestes sont précis, les automatismes reviennent. Il faut absolument éviter l'infection et favoriser la guérison de cette vilaine blessure. Je n'ai pas réussi à avoir une réponse autre qu'un "Non" catégorique quand j'ai émis l'idée d'emmener Kent se faire soigner à l'hôpital. Sujet sensible, voire tabou. Je choisis mes combats désormais, je n'ai donc pas insisté.

Je retire délicatement le bandage que j'ai mis autour du torse du grand gaillard. Prenant soin de ne pas arracher la peau en cours de cicatrisation, je soulève méticuleusement le pansement imbibé de sang. Kent serre les dents, ses muscles sont tendus. Les plaies ne présentent pas de rougeur excessive ni de gonflement anormal. Avec douceur, je commence à nettoyer les zones puis applique une compresse stérile sur chaque plaie afin de confectionner de nouveaux pansements propres. Une fois mon œuvre terminée, je jette un œil au visage de Kent. Son regard est empreint d'un mélange de soulagement et de gratitude. Je lui adresse un sourire satisfait.

Black Shadow : l'écho des secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant