Chapitre 32

330 30 9
                                    


Elena

— T'es certaine de vouloir faire ça ?

La voix d'Alana oscille, à peine audible avec le son des basses poussées à leur maximum. J'entends tout de même la contradiction des émotions qui l'envahissent. Elle hésite. Mordant nerveusement la peau de son pouce, elle scrute la moindre de mes réactions, à l'affût du plus infime signe qui indiquerait que je pourrais revenir sur ma décision.

Une question tourne en boucle dans mon esprit : suis-je vraiment certaine de la proposition indécente que je lui ai faite quelques heures plus tôt ?

***

Quelques heures plus tôt

Les minutes s'écoulent, la colère enfle en moi, enfermée dans ma chambre. Jamais les expressions "faire les cent pas" ou "tourner en rond" n'ont semblé aussi pertinentes pour décrire mon état. Je n'en peux plus de devoir obéir à des ordres, d'être sans cesse contrôlée. L'idée que Jared soit associé à ce club et qu'il se trouve en ce moment même au rez-de-chaussée me laisse le goût amer de la trahison. C'est une réalité que j'ai du mal à accepter.

Perdue dans mes pensées, les quelques coups légers frappés à ma porte me ramènent brusquement à la réalité. Je sens l'appréhension monter en moi, redoutant de découvrir qui se trouve de l'autre côté. Pourtant, je n'ai pas le choix. Soyons honnête, tôt ou tard, cette porte s'ouvrira, qu'importe mon consentement. Même si je refuse de découvrir par moi-même l'identité de la personne derrière la porte, celle-ci n'hésitera pas à entrer. Voilà la triste vérité : je n'ai plus aucune intimité.

Le soulagement m'envahit quand je découvre Alana.

— Je peux entrer ?

En guise de réponse, je me décale d'un pas, lui donnant accès à mon antre.

— Je ne réalisais pas que c'était si aseptisé. Faudra qu'on revoie ta déco...

— Je te rappelle que je ne compte pas rester, la coupé-je d'une voix sèche.

Son expression devient triste et je m'en veux de lui avoir répondu de la sorte. J'oublie qu'elle ne peut rien à ma « détention ».

— Jared et toi alors ?

— On est amis, enfin on l'était. Je ne sais plus.

— Tu veux m'en dire plus ?

Je soupire, sachant qu'elle ne me lâchera pas tant qu'elle n'aura pas tous les éléments croustillants qu'elle attend. Elle comprend directement mon intention et s'installe entre les deux oreillers sur mon lit en veillant à ôter ses chaussures. Ce simple geste me fait sourire, c'est bien la seule qui prend le soin de les enlever avant de se vautrer sur mon lit. Je prends place à ses côtés en pressant un coussin contre ma poitrine, comme pour adoucir mon humeur.

— On s'est rencontré y a deux ans, non loin de ma résidence universitaire. J'ai toujours été un peu maladroite, et bien trop optimiste quant à mes capacités à marcher droit en portant d'énormes sacs de courses. Je lui suis rentrée dedans. Voilà.

— Un coup de foudre !

— Loin de là.

Elle rit, et je lis dans son regard qu'elle attend la suite, croyant moyennement au fait qu'il ne s'est rien passé d'autre entre nous.

— J'ai manqué de m'étaler de tout mon long parterre, il m'a retenu et aidé à ramasser mes achats dont un bouquet de fleurs avec des coquelicots.

Amapola. C'est mignon.

Black Shadow : l'écho des secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant