Chapitre 31

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Elena

Le club semble désespérément vide sans la présence de Devon. Il est parti en mission juste après notre dernière confrontation, et depuis, une étrange quiétude flotte dans l'air. Mon trapèze me fait toujours mal, la cicatrisation de ma peau est lente, et chaque fois que je me retrouve devant un miroir, ses mots résonnent dans ma tête : « Tu portes ma marque désormais. »

Cette phrase tourne en boucle, me rappelant constamment cette étrange relation qui se tisse entre nous, faite de colère, et d'incompréhension.

Je ne sais pas si j'attends son retour avec impatience ou si je le redoute. Une part de moi est prête à l'affronter de nouveau, à mettre un point final à notre discussion inachevée. L'autre, plus vulnérable, se demande si tout n'est pas qu'un jeu dangereux où je risque de perdre plus que mon calme. Ces foutues émotions contraires me déstabilisent, brouillent mon jugement. Comment puis-je à la fois désirer le voir et craindre ce qu'il pourrait encore me faire ressentir ou subir ?

Depuis quelques jours, la concentration m'échappe. Les entraînements avec Kent, qui d'ordinaire m'apaisent, sont désormais teintés d'une frustration puisque je dois les effectuer seule. Pour me punir de lui résister, Devon a emporté avec lui toute possibilité de distraction en s'en allant avec son sergent d'armes. Ces termes me semblent toujours aussi étranges, appartenant à un monde dont je ne suis qu'une étrangère, malgré tout ce que je peux vivre ici.

En fin de matinée, je finis par rejoindre Alana, assise nonchalamment sur une chaise haute du bar, la tête entre les mains. Elle a l'air d'avoir le poids du monde sur ses épaules. Je m'arrête un instant pour l'observer, me demandant ce qui la tourmente. Nos regards se croisent brièvement, mais aucune parole n'est échangée. Depuis notre dernière conversation, nous n'avons pas reparlé de nos secrets respectifs. C'est comme si un accord tacite avait été scellé entre nous, fait de promesses silencieuses et de respect mutuel. Parfois, le silence en dit plus que les mots, et c'est exactement ce que nous partageons en ce moment : une compréhension mutuelle, sans avoir besoin de tout verbaliser. Nous sommes deux âmes tourmentées, cherchant un peu de répit dans ce chaos qui nous entoure, chacune avec ses propres démons, mais étrangement liées par ce qui nous a brisées : nos familles respectives.

Sa posture m'inquiète, son attitude est bien loin de l'entrain que je commence à lui connaitre.

— Hé ! Tu en fais une tête.

Elle m'adresse un faible sourire. C'est elle d'habitude qui tacle. Je sens toutefois que quelque chose la tracasse.

— Salut.

— Ça ne va pas ?

— Si... enfin non. Avec l'absence de Jodie, je suis dans la merde. Il me manque une danseuse. J'ai beau faire appel à tout mon réseau soit je tombe sur le répondeur, soit elles sont déjà prises. Je ne sais pas comment je vais pouvoir gérer ce soir.

— Elle t'a dit pourquoi elle n'était pas là ?

— Elle est injoignable ! Tu y crois toi ? La décence c'est au moins de prévenir.

— Alyssa n'est pas disponible pour la remplacer ?

— Elle est déjà réquisitionnée pour le service du midi, avec son fils à garder elle ne peut pas faire le soir sur le podium.

Nous sommes interrompues par un vacarme dans la pièce d'à côté. Je ne sais pas ce que fabriquent les gars, mais une ambiance joviale se fait entendre. Des cris, des rires. Une effusion de joie inhabituelle se propage tel un écho dans le petit espace menant au coin privatif.

Black Shadow : l'écho des secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant