Chapitre 20 p1

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Elena

Un baiser ne m'a jamais procuré autant d'effets. Mon corps se consume sous ses mains agiles. Nos souffles se mêlent, nos dents s'entrechoquent sous l'urgence de nos pulsions. J'ai l'impression qu'à tout moment mes vêtements peuvent prendre feu tant j'ai chaud. Je ne peux résister à l'envie de parcourir son corps du bout de mes doigts. Ses muscles se contractent sous mon contact.

Lorsque je me rends compte de l'effet que me procure son toucher, je finis par reprendre mes esprits et le repousse du plat de la main.

— Je... je ne peux pas.

Je parviens à m'extirper de ses bras et m'enfuis, m'enfermant dans la salle de bain. Le cœur au bord des lèvres, ma main se porte contre ma bouche. Le sang pulse sous ma peau. J'ai l'impression de sentir encore sa chaleur contre la mienne. Je ne sais pas pourquoi j'ai cédé si facilement et l'ai laissé m'embrasser de la sorte. Enivrée par ses caresses, je n'étais plus maîtresse de mon corps, guettant chacun de ses mouvements, avide d'en avoir plus. Les images des minutes passées me rendent toute chose. Je me suis sentie désirée, vivante, entière. Et puis, je me suis souvenue où j'étais, des circonstances, et tout m'a éclaté à la tronche, tout comme l'énormité de la situation.

Je ne peux pas le laisser me toucher ainsi, pas après l'avoir vu torturer un homme juste avant. Pas après avoir vu le regard fou qu'il arborait. Il exultait d'infliger de la souffrance. Il a beau avoir toutes les raisons du monde, c'était mal.

Dès que j'entends la porte de la chambre claquer, je relâche un soupir. De soulagement ou de regret ? Je ne suis pas certaine. Qu'est-ce que j'espérais au juste ? Qu'il me supplie de revenir vers lui ? Qu'il attende indéfiniment derrière la porte de la petite salle de bain ? Non. J'ai stoppé notre rapprochement, je dois l'assumer. Je ne suis pas prête qu'un homme me touche de cette manière. Et pourtant... et pourtant j'ai été galvanisée par son désir. Je l'ai senti, dur, contre mon bas ventre. Je sais désormais qu'il n'est pas insensible et contre toute attente c'est réciproque. Mais ce n'est pas possible. Nous n'appartenons pas au même monde. Nous n'avons pas les mêmes valeurs. Là où je sauve des vies, il en prend.

Après m'être assurée que la porte est bien verrouillée, je me déshabille précipitamment et entre dans la douche. L'eau froide éteint instantanément mes ardeurs et apaise la sensation de brûlure sur ma peau. Je tourne progressivement le robinet, augmentant la température, et commence à me savonner. Il ne faut que quelques minutes pour que mes mains glissent d'elles-mêmes, le long de mon corps, à la recherche des sensations intenses que j'ai pu ressentir quelques minutes auparavant. Et bien plus encore.

En moins de deux, je suis en ébullition, frustrée. Mon souffle se bloque lorsque mes doigts entrent en contact avec ma petite boule de nerf. L'eau continue de ruisseler sur mon corps pendant que l'une de mes mains commence à caresser ma poitrine. De la vapeur s'accumule dans la cabine de douche, accentuant la sensation de chaleur qui monte de mon bas-ventre. Les paupières fermées, je revois ses yeux bleus. Je revois l'intensité de son regard sur mon corps avant que sa bouche ne rencontre la mienne. Il aurait pu faire flamber ma petite culotte. Le voir si tendu, si proche, m'a perturbée au-delà de ce que je pensais concevable. La sensation de délivrance qui m'a assaillie quand il a posé ses lèvres sur les miennes restera, je crois, gravée à jamais. Toute la tension de la pièce s'est évaporée, remplacée par un besoin viscéral de se découvrir plus amplement.

Dans ma tête, mes mains deviennent les siennes, ses doigts explorent de nouveau mon corps. La cadence augmente d'un cran, me rapprochant chaque seconde un peu plus de la jouissance. La pointe de mes seins est douloureusement dressée. Je rêve que sa bouche les titille, je les imagine entre ses dents blanches, sa langue dansant autour. J'ai chaud, terriblement chaud, la sensation de l'eau qui rebondit sur ma poitrine accentue les différences de températures et provoque une vague de frissons. Mes mouvements, erratiques, sont guidés par le besoin désespéré d'atteindre l'extase. Mes muscles se contractent de plus en plus, ma respiration devient difficile, et ma bouche entrouverte ne désire qu'une chose : rencontrer celle de l'insupportable Vice-Président. La frustration de ne pas pouvoir la trouver décuple mes sens.

Le plaisir me foudroie sur place. Je mords ma lèvre inférieure pour étouffer un gémissement de plaisir qui me submerge. Pantelante contre la paroi de la douche, les yeux toujours fermés, je savoure cette sensation de plénitude. Cela faisait des mois que je n'avais pas goûté au plaisir solitaire. Je ne pensais pas pouvoir à nouveau apprécier d'être touchée ainsi. Je repousse du mieux que je peux les ombres des dernières semaines. On m'a déjà tant pris, hors de question que ce moment soit entaché. Ma respiration reprend un rythme normal, et je descends de mon petit nuage.

Un sentiment de gêne et de honte m'envahit. Je n'en reviens pas de m'être laissée aller de la sorte en imaginant ce grand brun ténébreux. Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais je dois me ressaisir. Je ne peux pas me permettre de penser à cet homme de cette manière, et pourtant, Bon Dieu, que ça m'a fait du bien !

Un sourire étire mes lèvres devant le paradoxe de la situation. Après tout, personne ne le saura, ce sera mon petit secret, et ça n'arrivera plus.

Oui, c'est cela!

Lorsque je regagne la chambre, je suis éreintée. Les dernières heures ont été riches, j'ai besoin de dormir. Juste quelques heures, le temps de faire le point sur tout ce qu'il s'est passé.

***

Je me réveille avec la désagréable sensation de ne pas être seule, et d'être observée. Dans un sursaut, je me redresse. La luminosité de la pièce m'éblouit quelque peu. J'ai dormi bien plus que ce que je ne pensais.

— Kent ? Mais qu'est-ce que... ?

Le grand tatoué est installé sur sa chaise attitrée. Ses mains jusque-là pressées contre ses tempes comme s'il réfléchissait intensément se posent sur ses cuisses musclées. Son jean porte les stigmates des heures passées. Ce constat me tend instantanément. Je n'ai rien rêvé. Il relève la tête et me dévisage intensément. Une boule d'angoisse m'envahit, j'ai soudain très chaud, ma peau moite colle aux draps. Autant dire que, là, je n'en mène pas large. Pas après ce que j'ai vu, ni mon petit échange avec Devon.

Échange de salive, ouais.

Je ne sais pas ce qui m'a pris de céder si facilement à cette pulsion qui m'a traversée de nulle part. En revanche, ce que je sais, c'est que je ne suis définitivement pas insensible à Devon. Et ça, c'est un problème.

— Est-ce que tu es là pour me... tuer ?

Je vois de l'étonnement puis de la tristesse dans son regard. Je m'en veux aussitôt. Pourtant, j'ai réellement peur de sa présence dans ma chambre. Je pensais qu'on avait dépassé le stade où j'avais besoin d'un chaperon. Tout ça ne serait pas arrivé si Jessica ne m'avait pas mise dans ce pétrin. Je n'aurais pas dû l'écouter. Sa stupide rivalité va certainement me coûter la vie.

Tu parles, c'est ta curiosité qui t'attire des ennuis!

Je m'extrais de mon lit, sur le qui-vive. Kent s'avance vers moi, si lentement que le temps semble suspendu à ses pas. Il s'approche si près que je pourrais bientôt sentir son souffle contre de mon visage. Lentement, sa main s'avance vers ma joue. Je n'ose pas bouger, dans l'attente de ce qu'il va suivre. Cet homme m'intimide autant qu'il me terrifie depuis que j'ai vu ce dont il était capable.

— Tu me fais penser à elle, souffle-t-il

La curiosité l'emporte sur ma paralysie.

— Qui ?

Pendant un instant, je doute qu'il me réponde. Physiquement là, son esprit est ailleurs. J'ai l'impression qu'un voile se forme sur ses yeux et l'emmène loin de moi.

— Ma sœur.

Black Shadow : l'écho des secretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant