28. Révélation.

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- Pour mes huit ans, tonton m'avait offert un poney, maman a été rouge de colère, c'était tellement drôle, on l'a gardé trois mois, puis après tonton l'a donné à des amis. Un jour, Perle, mon poney, avait mangé ses chaussures. Il était tout rouge, mais du coup, il n'a pas voulu le garder.

Ça fait une demi-heure que je me balade avec Livia et qu'elle me raconte des histoires, c'est fou comment à travers les paroles d'une enfant, on comprend tant de choses sur cette famille, le fait de surgâter cet enfant me fait comprendre qu'ils ne devaient pas avoir des moyens très élevés quand ils étaient enfants. A contrario de moi qui en avais plus que besoin, je n'ai jamais manqué de rien et j'ai toujours été très gâté quand j'étais enfant ce qui a créé un fossé entre moi et les autres enfants, déjà qu'être la fille d'un membre du Parlement n'arrange pas la chose, mais c'est bien pire quand tu te ramènes avec des nouveaux vêtements tous les jours, des nouvelles chaussures, de nouveau jouets. Dès la mort de mes parents, tout a changé, Pablo ne me donnait que le strict nécessaire, aucune distraction, aucun bonheur.

Arrivée devant le chalet, Livia court afin de rejoindre sa mère qui est en train de jardiner à côté. La voir ainsi me rappelle tant ma mère, elle aussi aimait la nature.

Épuisée, je regagne le salon pour me reposer. Une quinzaine de minutes plus tard, les garçons arrivent vers moi, surexcités. Tilio et Ray m'incitent à les suivre au sous-sol. Emylio est assis sur un des sièges observant les caméras de surveillance, Tilio me tire le siège à côté. Sur l'une des caméras, on y voit une silhouette féminine entrée dans le chalet. Celle-ci est très décontractée, à son attitude, je peux en déduire, qu'elle connaît les lieux, qu'elle est à l'aise. Elle enlève son manteau, le dépose sur le porte-manteau, ses cheveux lancés flottent dans l'atmosphère, impossible de voir son visage pour l'instant, elle me fait dos.

Alors que celle-ci se sert dans le frigo, elle se retourne afin d'attraper un bol et c'est à ce moment-là que ma vision se floue, que mes sens doublent, chaque mouvement, chaque son autour de moi me semble irréaliste. Cette vision me paralyse, cette vision est tout simplement irréelle. Je bloque sur ce visage, essayant de me convaincre que ce n'est pas ce que je crois, mais plus je l'observe et plus ça devient réel. Bien qu'elle ait pris quelques années, que ses traits sont vieillis, son regard fatigué, je ne peux que reconnaître cette personne, cette personne qui est censée être morte depuis bien des années, cette personne qui m'a élevé, qui m'a aimé, qui m'a mis au monde, cette personne qui n'est nul autre que ma mère, cette même femme qui à l'âge de mes huit ans et morte d'une terrible maladie, ou du moins c'est ce que je pensais.

Ma mère n'avait pas de sœur, pas de cousine éloignée qui lui ressemblait, rien du tout. Je ne peux me résoudre qu'à l'évidence, elle n'est pas morte et on m'a fait croire le contraire pendant longtemps. Totalement décontenancé, ne comprenons plus rien, je ne peux que me résoudre à la triste réalité. Ces mêmes gens que je pensais ne jamais pouvoir me trahir, n'ont fait que mentir. Avachi sur mon siège, je perçois à peine le visage d'Emylio se rapprocher de moi, celui-ci attrape mon visage, je vois ses lèvres bouger, mais aucun son ne sort ou du moins, je n'entends aucun, petit à petit, tout me revient, sa voix se fait plus claire.

- Qui est-ce ?

- Ma mère.

Aucun d'eux essaie de comprendre, aucun ne me pose des questions, ils se contentent de se lever et de me laisser seul dans ce sous-sol.

Dix-huit heures, c'est l'heure qu'affiche l'horloge, il n'était que quatorze heures quand je suis descendu, le temps a disparu à une vitesse, 4h que je suis descendu, 4h que je suis perdu, je ne peux me résoudre à croire que toute ma vie n'est qu'un fragment mensonge.

Fatigué, ne voulant qu'une chose, m'aérer l'esprit, je décide de me lever afin d'aller me balader, sortant du chalet, je croise ses personnes avec qui je partage ma vie depuis quelques semaines, tous me regardent, mais aucun d'eux ne parle. Livia court jusqu'à moi.

SicarioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant