Le jour où tout a changé

33 : Faible

   Dans cette salle de combat s'y trouvait beaucoup de simples miroirs où Emeraude pouvait s'admirer ou bien constater ce qu'elle était devenue. L'adolescente de 17 ans n'avait pas beaucoup de temps pour elle où elle pouvait posément réfléchir sur sa vie, sur tout ce qu'il était en train de changer en ce moment.

   Il y avait d'une part l'aspect mental, sa personnalité et sa façon de penser qui changeait beaucoup. Avant de venir ici, la violoniste était timide, réservée et insociable, mais ces derniers temps ce n'était plus vraiment le cas. Parfois ça l'était et parfois pas. Il lui arrivait d'être sociable et d'aimer l'être. Il lui arrivait aussi d'être audacieuse et ouverte.
Il y avait eu comme un virement de caractère assez instable et qui pouvait changer à tout moment. Emeraude en avait peur.
Elle avait peur de ne pas savoir qui elle était vraiment, ce qu'elle désirait, ce qui était bon pour elle.

   D'autre part, il y avait l'aspect physique qui changeait également au plus grand regret de la jeune fille. Son esprit était déjà en plein chamboulement et il fallait en plus que son corps le soi aussi. Lorsqu'elle était sur Terre, elle pensait que ça en serait fini de grandir, mais sa génétique en avait décidé autrement. Depuis son arrivée, elle avait bien gagné quelques centimètres en plus et surtout ses mains et pieds qui prenaient une tout autre dimension, qui devenaient aussi fins et longs comme tous les autres shujaa. Par moments, Emeraude se demandait même si sa peau n'allait pas changer de couleur, ni même ses yeux. Bref, déjà qu'elle ne s'acceptait pas vraiment quand elle était sur sa planète natale, maintenant elle avait l'impression que c'était pire surtout à cause de ses cheveux. Oui ses beaux et pauvres cheveux qu'elle avait complètement délaissés.
    Il y avait peu de temps encore, l'adolescente avait de beaux et longs cheveux bouclés roux qui lui arrivait dans le dos. A force de les couper pour les fêtes, comme il était coutume chez les shujaa, ses cheveux ne lui arrivaient plus qu'à la mâchoire, ils étaient brouillons et la jeune adolescente ne les peignait presque jamais. Emeraude ne savait plus comment les coiffer, comment les aimer, comment les accepter. Elle n'avait qu'une envie, les couper. Repartir à zéro.

 Mais...

Ce n'était pas elle qui décidait.

Et...

 La pauvre ne contrôlait rien.
De son choix vestimentaire et physique à sa façon de penser et de se comporter, tout était décidé à l'avance afin de mieux la contrôler.

   Emeraude s'assied par terre, tout en continuant à se regarder dans les miroirs.
Tout était en train de lui échapper en même temps.

   Elle venait de se faire un ami en la personne d'Epo, mais il allait partir pour deux ans dans l'armée. Elle venait de découvrir ses sentiments amoureux pour Bowé, mais il avait décidé de se marier avec sa professeur de géographie. Elle venait à peine de réussir ses examens et de retrouver une stabilité dans ses cours, mais il avait fallu qu'elle découvre la vraie nature de Téofilé pour que cela la perturbe dans toute sa vie. Elle venait à peine de commencer à considérer son grand-père, comme son grand-père, mais il était à ça de lui céder sa place, elle était à ça de se retrouver toute seule avec un mari pour meurtrier, une Cropzi pour seule confidente et Milly pour conseillère avec des conseils plus ou moins inutiles.

   Sa vie ressemblait bien à une triste vie, car elle ressentait toujours un manque constant qui ne cessait d'exister, car elle ressentait un dégoût d'elle même à chaque fois qu'elle se voyait dans un miroir, car elle était perdue et qu'il n'y avait personne au bout du tunnel pour venir la chercher ou l'éclairer. Tout ça parce qu'elle était isolée du reste du vrai monde, tout ça parce qu'elle était unique, tout ça parce qu'elle était la princesse héritière.

   Comment devait-elle se sentir ? Comment devait-elle rester debout ? Comment devait-elle faire pour ne pas craquer ? Qu'est-ce qui la retenait ? Qu'est-ce qui l'empêchait de ne pas s'effondrer de peine après tout ce qu'elle avait vécu, après être en train de se sentir de plus en plus solitaire, qu'est-ce qui lui fallait de plus pour l'enfoncer au plus bas à tel point qu'elle ne pourrait plus jamais se relever ?

...L'espoir. Non, meilleure encore. Il fallait de temps en temps voir la vie en jaune. Il fallait de temps en temps libérer tout le poids qui était sur ses épaules et se poser les questions différemment, les voir d'une autre couleur.

   Qui lui donnerait le chemin de la sortir dans ce long tunnel sombre ? Qui l'aiderait à surmonter toutes ses épreuves ? Et s'il n'y avait personne, alors comment allait-elle se débrouiller d'elle-même pour remonter la pente ? Quelle nouvelle résolution allait-elle adopter dans sa vie pour devenir une meilleure personne ? Comment allait-elle réussir à ne plus se sentir seule ? Qui comblerait ce vide énorme qu'elle ressentait ?

- Téofilé ?