14 : Grand-père

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  Accompagnée par sa conseillère, l'adolescente entra dans le salon royale où se trouvait de nombreux plats variés tout autour de son grand-père.

  C'est timidement qu'Emeraude s'avança vers le roi et s'assied sur un pouf à sa gauche. En s'approchant Milly s'abaissa pour saluer le plus poliment le roi et la violoniste se dit qu'elle devait peut-être faire de même, mais le roi l'arrêta directement dans son mouvement.

- Vous n'allez quand même pas vous abaisser au niveau de votre pauvre conseillère, ma chère. N'oubliez jamais que vous êtes au-dessus de tout le monde, sauf de moi bien sûre, dit-il avec un élégant sourire.

   Emeraude hocha simplement la tête et s'assit.

- Ne connaissant pas votre plat préféré j'ai mis de nombreux plats en espérant que l'un d'entre eux puisse vous plaire.

  Emeraude regarda tous les plats et n'en reconnut aucun quel avait déjà testé. En effet, tous avaient l'air très étrange.
   L'un ressemblait à une gelée bleu avec un visage de monstre, un autre avait l'air d'être une fleur rouge et blanche avec des pétales qui bougeait encore - comme si c'était en vie.

   Bref, aucun des plats ne lui donnaient vraiment envie.

- Je vous suggère de commencer à goûter le dudunoy, dit le roi en lui montrant une soupe brunâtre d'où sortait de la fumée noire.

  Les serviteurs lui apportèrent directement le plat devant elle et Emeraude pu constater que dans la soupe nageait des sortes de petits poissons avec des yeux mauves fluorescents. Cela ne donnait pas envie à l'adolescente qui se décida quand même à manger.
  Comme chez les shujaa il n'y avait pas de couverts, Emeraude pêcha un poisson à la main et le mit dans sa bouche. Elle fit une grimace, mais finalement ce n'était pas si mal. Le poisson comme la soupe avait un bon goût salé, ce qui n'était pas si horrible.

- Alors aimez-vous ? demanda le roi

- Oui, dit timidement Emeraude.

   Le roi demanda aussi une assiette de dudunoy et les serviteurs lui en servirent une. Il prit le bol qu'on lui avait donné et le bu d'une traite. Emeraude se demanda comment il pouvait manger tout ça sans mâcher, sans s'étouffer, mais elle n'osa pas demander. Elle avait peur que sa question paraisse étrange ou bête.

-  Que c'était délicieux ! dit-il en riant. Et que vous mangez tellement lentement ! Est-ce que tous les terriens mangent si lentement ? demanda le roi en premier temps, mais ensuite il fixa sa petite-fille. En fait, je ne veux pas savoir. Jamais je ne veux plus rien savoir sur cette planète maudite. J'espère que vous n'y pensez plus et que la beauté et la grandeur de Dhahabu vous a fait oublier cette petite et insignifiante planète de pacotille ? prononça-t-il d'un ton sévère

   Emeraude ne savait pas exactement quoi répondre et hocha alors la tête.

-  Vous n'êtes pas très bavarde. Je crois que je l'avais déjà constaté la dernière fois. Parlez-moi un peu de la saison des bals. Je pense qu'il n'en reste plus que deux, n'est-ce pas ? Ce qui veut dire qu'il ne vous reste plus que seize semaines avant de trouver le futur roi.

-  J'avance dans mes recherches et j'ai fait une liste, dit Emeraude timidement en bredouillant.

   Le roi s'esclaffa de rire sans aucune raison soudainement, ce qui inquiéta fortement la violoniste qui pensait n'avoir rien dit de drôle ou bizarre.

-  Une liste. Vous avez fait une liste. Que vous êtes drôle. Et qu'avez-vous mis dans votre liste.

- Euh...j'ai simplement mis les jeunes hommes qui m'intéressaient.

   Le roi sourit et tendit la main.

- Puis-je avoir cette liste ? dem anda-t-il

- Oh, je suis désolée, je ne l'ai pas sur moi. Elle est dans ma chambre.

- Oh, ce n'est pas grave, les gardes vont aller la chercher pour vous.

  Quelques gardes s'en allèrent, avant même que la pauvre adolescente eut pu dire le contraire.

-  Dites-moi qui est sur la liste.

   La jeune adolescente était énervée. Le roi demandait d'abord d'aller fouiller dans sa chambre pour une simple liste, puis maintenant il lui disait simplement de lui dévoiler le contenu.
   Faisait-il exprès d'être insupportable ? Et puis si c'était vrai, pourquoi le ferait-il ? Quel plaisir cela lui procurait-il de l'énerver ?

   La seule envie d'Emeraude à ce moment précis, c'était de s'enfuir, de s'en aller loin de cet homme qu'elle ne considérait pas comme son grand-père. Mais elle le savait et il le savait. Tout le monde le savait dans cette pièce. Elle ne le pouvait pas. Malgré le fait qu'elle soit la future reine, la pauvre était enfermée dans ce château et celui qui avait la clé se trouvait juste devant elle.

- Il y avait plus de jeunes hommes au départ, mais il m'en reste plus que trois. Mopo, Epo et Bowé.

- Oh, ce cher Bowé. Dites-moi votre avis sur ce garçon ?

   Et maintenant que devait dire Emeraude ? L'adolescente savait que ne rien dire, l'ignorer, pourrait potentiellement lui coûter la vie, mais juste d'y penser, cela lui donnait l'impression de voler la clé de sa prison au roi.

- C'est un jeune homme gentil, à l'écoute et beau. Mais je pense que je préfère Epo. Il est très marrant et me fait toujours passer de très bons moments. Et puis ce n'est pas sa seule qualité, il a aussi du charisme et...

-  Parlez-moi de votre balade d'aujourd'hui avec Bowé.

   L'adolescente savait qu'elle venait de l'énerver, qu'il ne voulait pas entendre qu'elle préférait un autre que Bowé, mais cela la faisait rire intérieurement. Est-ce que cela pouvait-il lui faire sentir le malaise qu'elle ressent à chaque fois qu'elle était à côté de lui ?
  Emeraude ne le saurait peut-être jamais, mais cela lui fit plaisir juste d'y penser.

- C'était une très chouette balade, on a beaucoup parlé et rit, dit simplement Emeraude qui avait repris de la confiance en soi.

- Et vous n'avez rien d'autre à dire. Par exemple, de quoi avez-vous parlé ?

- De notre avenir, qu'il soit commun ou pas, dit-elle en appuyant sur le dernier mot.

  Un garde arriva avec la synthèse de ses prétendants qu'avait fait Bowé. Le roi la regarda, l'examina avant de regarder sa petite-fille dans les yeux.

- Cette liste est très complète et bien réalisée. Pourquoi Aké et Troé ne sont plus dans votre liste ? dit-il d'un ton sévère

- Il faut qu'il n'en reste qu'un, alors il faut en éliminer certains, dit Emeraude avec une confiance et une colère enfouies au plus profond de son cœur.

- Oui mais pourquoi eux. Pourquoi avoir éliminé Troé et Aké de votre équation, dit-il en fronçant les sourcils et toujours d'un ton sévère.

-  Ils n'avaient simplement pas les qualités que je recherche, dit Emeraude en fronçant à son tour ses sourcils comme son grand-père.

-  Et quelles sont-elles ? demanda le roi

-  J'attends de la gentillesse, du respect, de l'humour et de l'amour. Rien de plus, rien de moins, dit-elle en défronçant ses sourcils.

   Le roi rigola une nouvelle fois. Cette fois-ci moins fort et moins longtemps que la dernière fois, mais ce rire surpris quand même la jeune adolescente.

- Je vois que ma petite-fille est aussi exigeante que son grand-père. Je savais que je pouvais vous faire parler. Vous cachez votre jeu.

   Emeraude ne comprenait pas. Non, elle était en colère. Comment ça, elle lui ressemblait ? Comment ça elle était exigeante ? Elle ne demandait que le stricte minimum. Vouloir son propre bonheur ne devrait pas signifier ressembler à ce roi qui lui servait de grand-père. Un jour, elle lui ferait perdre son rire, un jour il verra qui elle est vraiment. Mais ce jour-là n'était pas encore arrivé.

- Allez, terminons de manger, dit le roi en regardant le reste de nourriture sur la table. 

Le jour où tout a changéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant