34 : Sourire

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-  Oui.

  Emeraude se retourna soudainement vers le jeune homme qui venait d'entrer dans la salle. Il portait cette fois-ci un uniforme complètement blanc pour l'entraînement d'aujourd'hui.

-  Allez-vous bien ? demanda-t-il inquiet en se rapprochant d'elle

-  Oui, pourquoi demandez-vous ça ?

   Téofilé se rapprocha d'elle jusqu'à se pencher vers son visage.

-  Vous pleurez, dit-il en essuyant les larmes qui continuaient de couler sur ses joues.

-  Je...je pleure, dit Emeraude surprit de se rendre compte qu'elle pleurait vraiment.

-  Ya-t-il quelque chose qui s'est mal passé ?

L'adolescente se leva brusquement et tenta d'essuyer ses dernières larmes qui coulaient.

-  Non. Tout va très bien. Je vais bien.

-  Vous ne vous sentez pas bien. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a quelque chose qui vous rend triste. Dîtes-moi.

-  Non. Ne vous inquiétez pas, je suis juste parfois trop sensible. Et puis en plus on doit commencer l'entraînement.

   Téofilé se rapprocha à nouveau d'elle et l'essuya encore quelques larmes qui, malgré ce qu'elle essayait de se convaincre, coulaient encore.

-  Il ne sert à rien de s'entraîner si vous n'allez pas bien. Expliquez et vous vous sentirez sûrement mieux.

  Emeraude renifla et le jeune homme lui tendit un mouchoir qu'il sortit de sa poche.

-  Comment cela se fait-il que vous ayez des mouchoirs sur vous ?

- La vie n'est pas facile pour tout le monde. Mais le plus important c'est de pouvoir en parler.

-  Et malheureusement j'ai personne avec qui le faire, avoua-t-elle.

-  Si, vous m'avez moi. Vous n'êtes plus seule, dit-il en le regardant dans les yeux.

  L'adolescente sécha ses larmes avec le mouchoir, mais des larmes tombaient encore.

-  Je...Est-ce que...vous me trouvez belle ? Je veux dire...comment me trouvez-vous ?

-  Vous êtes magnifique. Je ne comprends pas pourquoi vous vous posez la question. C'est évident, affirma-t-il.

-  Mais...vous me voyez quand même. Je...suis moche. Regardez comme je suis. Mes mains et mes pieds sont difformes et mes jambes trop longues et mes bras trop faibles. En plus il y a pire. Mes cheveux. Ils sont catastrophiques. Je suis catastrophique, je suis...je ne suis pas belle. Je me sens hideuse, pleura l'adolescente.

   Téofilé se rapprocha d'Emeraude et lui fit tout d'un coup un câlin auquel elle ne s'y attendait pas. Un câlin surprenant, mais un câlin réconfortant.

-  Vous n'êtes pas hideuse. Vous changez tellement que vous ne vous rendez même pas compte que vous devenez plus belle encore.

-  Vous mentez. Vous ne pouvez pas comprendre.

-  Tout le monde change et c'est effrayant, mais c'est la vie et il faut continuer avec. C'est comme des bagages que nous transportons tout au long de notre chemin. Le plus important c'est de ne pas oublier qui on est et qui on a été pour comprendre qui nous voulons devenir plus tard.

-  Vous n'y croyez pas, rétorqua-t-elle.

   Le jeune homme se détacha du câlin afin de la voir au complet. Il l'observa avec un regard admiratif et la jeune adolescente se sentit gênée de ce regard.

-  Je suis bizarre. Je dois vous paraître vraiment bizarre. Regardez-moi, je suis une sorte d'anomalie. Un mélange étrange entre un humain et une shujaa.

-  Ce qui vous rend spéciale et magnifique à la fois.

-  Et je ne suis sûrement pas dans les critères de beauté des autres femmes shujaa. Tout le monde doit me trouver moche.

-  Non, ce n'est pas vrai. Vous ne faîtes peut-être pas partie des critères de beauté d'une shujaa et c'est vrai que vous apparaissez comme différente des autres aux yeux de tous, mais c'est ce qui vous rend fantastique. Et puis, ne saviez-vous pas que les critères de beauté changent en fonction de la famille royale ? Vous faîtes la mode d'aujourd'hui. Vous êtes la plus belle femme de Dhahabu, s'exprima-t-il sincèrement.

   La violoniste sécha à nouveau ses larmes, en se sentant rassuré d'être avec lui et d'entendre ce qu'il avait à dire. Elle était presque sûre qu'il mentait, mais rien que de l'entendre, arrivait à faire disparaître sa tristesse.

-  Je suis sûre que vous ne le pensez pas vraiment.

  Téofilé lui fit un grand sourire, comme il en avait rarement l'habitude, mais Emeraude appréciait ce sourire qui changeait beaucoup de son visage morose qu'il avait l'habitude d'arborer.

-  Souriez. Souriez comme moi, dit-il.

-  Quoi ?

-  Allez, souriez. Vous êtes plus belle quand vous souriez.

   Emeraude le regarda étrangement, mais s'exécuta quand même. Elle essuya toutes les larmes sur son visage et tenta un sourire peu convaincant.

-  Et maintenant, regardez vous dans le miroir. Voyez ce que je vois et vous verrez que vous êtes belle.

   L'adolescente tourna la tête vers le miroir et se contempla. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas vu ce sourire qui, c'est vrai, était plutôt joli. Si elle arrivait à voir la vie en jaune, elle pouvait se dire que'elle n'était pas si moche qu'elle y pensait. Elle était certes atypique, mais comme disait bien Téofilé, c'est elle qui faisait la mode. Elle était belle.

   Emeraude éclata de rire juste de le savoir. Elle avait tellement oublié qu'elle était belle que s'en rendre compte était devenue une révélation.

-  La prochaine fois que vous vous sentirez triste, essayez de sourire à la vie.

-  C'est ce qui vous aide quand vous êtes triste ?

-  C'est ce qu'il faut faire pour voir la vie en jaune, souria-t-il. 

Le jour où tout a changéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant