Chapitre I

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Mes pieds s'enfonçaient dans le sol meuble, je sentais mon cœur battre à mes oreilles, l'air rentrer dans mes poumons et je courais encore à en perdre haleine. J'entendais le bruissement des feuilles autour de moi, je me sentais libre. Au loin une chouette hulula, un lapin décampa à toute allure en sentant ma présence. Je continuais ma course sous le ciel nocturne.J'inspirais profondément, laissant les odeurs des sous bois me parvenir, s'insinuer dans chacune de mes cellules. À aucun moment je ne ralentis, j'étais vivante. Et il fallait que je sois rentrée pour l'aube. Courir. Voilà ce qui me faisait du bien quand tout allait mal, échapper ne serait-ce que quelques heures à mon quotidien. Je pouvais enfin laisser parler ma vraie nature, celle que je gardais sous contrôle le reste du temps.

Mes parents ne remarquaient jamais mes courses nocturnes, pour le peu qu'ils se préoccupaient de moi. Sans doute que si je venais à partir, il leur faudrait des semaines avant qu'ils ne réalisent mon absence.

J'étais loin de chez moi maintenant. Il me fallait faire demi-tour pour trouver le temps de me préparer pour la fac. Je ralentis, non que je sois épuisée, mais pour faire durer ce moment de plaisir. Naturellement, mon esprit dériva vers cet endroit où je passais mes journées.

Je ne me sens pas à l'aise à la fac, au milieu de tous ces gens. Ils jugent tellement vite. Et parce que je ne réponds pas au profil qu'ils attendent, il me rejettent.

Dans ces cas là, plus personne ne vous adresse la parole pour ne pas être écarté à son tour et continuer à entretenir un cercle d'amis. Amis qui, lorsque les problèmes pointent leur nez, disparaissent sans plus donner de nouvelles. Des amis qui réapparaissent subitement dans vos moments de gloire.

Sans exagération aucune, j'étais devenue là bas une véritable paria depuis mon accident. Oui, il m'a définitivement tout pris, jusque ma joie de vivre.

Ma course prit fin alors que les lueurs du jour perçaient l'horizon. De retour chez moi, je rejoignis discrètement ma chambre en passant par la fenêtre.

Je sentais encore la fraîcheur du sous bois sur ma peau, une odeur dont je pris grand soin de me défaire sous la douche.

Ce passage sous l'eau fut rapide, comme toujours. Nul besoin d'y passer des heures lorsqu'on a des cheveux coupés à la garçonne.

Aujourd'hui c'est la rentrée, ma dernière année dans cette fac. J'avançais parmi les groupes déjà formés deux ans auparavant. Les vacances de noël venait de se terminer, tout le monde parlait de ses vacances parfaites. J'avais mes écouteurs dans les oreilles avec la musique au minimum, j'entendais très bien All of me. La sonnerie retenti et j'allais en cours. Je commençais la journée par un cours de sciences. Depuis ce jour je détestais les sciences et pourtant me voilà dans une filière scientifique.

Je m'installais à ma place habituelle, personne à côté de moi, ils m'évitaient tous comme si j'étais une pestiférée. Tout le monde était installé et le professeur commençait à faire son cours. J'entendis dans le couloir des pas feutrés, inspirant profondément une odeur douce vint chatouiller mes narines. Des pas plus lourds se faisaient entendre en même temps, on toqua à la porte. Mme Blue alla ouvrir et s'effaça pour laisser rentrer une nouvelle élève. Des yeux bleu-gris balayèrent la pièces à la recherche d'une place. Toute étaient occupées sauf une celle qui se trouvaient juste à côté de moi. Elle le remarqua elle comme tout les autres. Elle commença à s'avancer d'une démarche détendu sans se soucier des regards qui la suivaient. Mme Blue prit la parole :

Mme Blue - Comme vous pouvez le voir nous accueillons aujourd'hui une nouvelle élève. Juliette Jacob qui terminera son année en votre compagnie.

Juliette vint s'asseoir à côté de moi. Son odeur était plus forte et omniprésente. Le cours reprit dans un silence de mort. L'heure passa lentement, personne ne me parla bien que je puisse entendre les gens parler sur Juliette. Comment se fait-il qu'elle soit ici alors que la fac n'accepte plus personne ? Pourquoi dans notre fac ? Qu'est ce qu'elle fait à coté de la sociopathe ?

La sonnerie retenti mettant fin à ce calvaire. Je sortis dans les premiers élèves. Personne ne s'approchait de moi et encore moins me frôlait, c'était comme si j'étais contagieuse. Cela m'allait très bien puisque par moment le contrôle que j'exerçais sur moi-même s'ébréchait quelque peu et je devenais plus irritable. Une seule perte de contrôle et tout pouvait mal, très mal se finir. Je partis sans plus attendre m'aérer comme j'avais du temps de libre. Personne ne pouvait sortir de l'enceinte de l'établissement mais la cours était suffisamment grande pour que chaque groupe en pause puisse avoir son coin ombragé l'été par d'immenses chênes. Je sentais à peine le froid sur ma peau, il ne me dérangeait aucunement.

Je m'installais sous mon arbre, dénué de feuille, habituel. Même lorsque le temps le permettait aucun élève ne s'approchait à moins de vingt mètres d'ici. J'étais exclue de la société, de leur société, je ne répondais pas aux critères qu'ils avaient décidés d'imposer ici. Par ils j'entends les riches ceux qui se considèrent comme faisant parti de la haute société, ceux pour qui tout leur est dû, ceux qui se pensent être les meilleurs, les plus forts, ce qui ce considèrent comme parfait.

M'asseyant je sortis mon carnet à dessin et quelques crayons, je n'avais pas besoin de beaucoup pour dessiner cette immense bâtisse qui me rappelait mes pires cauchemars. Je ne dessinais pas l'extérieur mais l'intérieur, les vastes sous sols d'après mes souvenirs. Une porte encastrée au fond d'un mur de la bâtisse s'ouvrait sur un escalier étroit, plongé dans le noir, seules quelques bougies émettait une lueur vacillante. Aillant fini de représenter les escaliers je tournais la page de mon carnet pour y représenter une vaste pièce. A peine eus-je le temps de laisser mes doigts créer l'entrée de cette pièce sinistre que la sonnerie des cours retenti. Je me dirigeais lentement vers la salle de chimie. Les murmures incessants continuaient de me poursuivre. Ils parlaient de moi à la nouvelle. Un regard se posa sur moi mais je ne me retournais pas. Cela ne m'intéressais pas de savoir qui me fixait. Surtout que les chuchotements continuèrent jusqu'à ce que le professeur entre dans la classe. Le cours se passa et vint l'heure du déjeuner.

Instincts bestiauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant