Village des Hautes-Forges,
Contrée Libre
Aïmar se réveilla bien plus tard que d'habitude. Après avoir englouti le copieux repas que Robs lui avait préparé la veille, il s'était affalé dans son lit sans même se doucher ni se déshabiller. Il avait finalement dormi presque une journée entière, indifférent à la lumière du soleil qui inondait la chambre depuis le matin.
Dans la cuisine, il remarqua que le réservoir d'eau était plein. Noël avait dû s'en occuper. Il mit à chauffer de l'eau pour remplir une bassine et prit un immense plaisir à éliminer la saleté accumulée sur sa peau, tout en veillant à ne pas trop toucher sa plaie à peine refermée. Il aurait bientôt une belle cicatrice sur le flanc droit, la quatrième en date. Celle sur son bras gauche était le résultat d'une mauvaise manipulation d'une lourde barre de fer aux forges, quelques années auparavant. La seconde, sur sa jambe droite, datait de son enfance ; il devait avoir huit ans lorsqu'il s'était emmêlé dans des barbelés en tentant de pénétrer dans une usine désaffectée. Quant à la dernière, sur le flanc, il préférait l'ignorer. À l'époque, Feon avait failli perdre la vie à cause de sa témérité.
Et c'était ce soir-là que ses amis avaient découvert la vérité sur lui.
Après avoir englouti rapidement quelques restes, Aïmar se rendit chez l'infirmière pour changer ses pansements. Elle ne remarqua aucun problème particulier, mais lui conseilla de rester prudent.
Le village des Hautes-Forges était presque désert en plein après-midi. Quelques étrangers de passage flânaient dans les boutiques encore ouvertes. Sur la place, Robs s'affairait déjà à préparer le repas du soir. Aïmar lui fit un signe de la main en passant devant son comptoir, où s'élevait une délicieuse odeur.
— Tu montes encore au Bastion ? lui demanda le restaurateur en épluchant des légumes.
— J'ai promis d'y retourner aujourd'hui.
Aïmar commença alors à emprunter le long chemin qui menait à la forteresse perchée sur la montagne voisine. L'ascension s'avéra plus facile que la veille ; la douleur était beaucoup plus supportable.
***
Au Bastion, Aïmar descendit les marches menant au sous-sol, ses pas résonnant lourdement dans le silence oppressant. Une tension inhabituelle lui nouait l'estomac, sans qu'il puisse en comprendre la raison. Lui, d'ordinaire si sûr de lui et imperturbable, se sentait presque... nerveux.
Dans la pénombre, Joon était assis contre le mur, la tête appuyée sur la pierre, les yeux fermés, comme s'il se reposait ou tentait d'échapper mentalement à la froide réalité de sa cellule. Aïmar hésita un instant, ralentissant son pas.
À son approche, Joon ouvrit lentement les paupières. Il fixa Aïmar, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres, à peine perceptible mais suffisant pour alléger, ne serait-ce qu'un instant, l'angoisse qui pesait sur Aïmar.
— Tu sembles en meilleure forme, remarqua l'éledarse.
Le cœur d'Aïmar s'accéléra plus qu'il ne l'aurait souhaité. Pourquoi ?
Il inspira profondément et, sans dire un mot, s'assit au sol. Sa blessure le tiraillait encore, un rappel constant des récents événements. Les pierres froides contre son dos lui apportèrent un certain réconfort, devenant un point d'ancrage dans ce lieu oppressant. Son regard erra un instant, évitant curieusement celui de Joon, avant de se poser sur la cellule d'en face.
Sanaeh s'y trouvait, recroquevillée dans un coin, son visage amaigri et marqué par le chagrin. Elle demeurait immobile, presque spectrale dans l'ombre de sa prison.
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Lumarave I [Fantasy]
FantasiIl y a des millénaires, l'équilibre fut rompu lorsqu'un mortel s'empara de la source magique : Lumarave. Les dieux, dans leur colère, la brisèrent et la disséminèrent au travers de l'Autre Côté, amenant la magie dans le monde des hommes. Un monde m...