Chapitre 9b

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— Et concernant votre cité, demanda-t-il avec hésitation, que faisiez-vous ? Vous deviez bien avoir des occupations pour... passer le temps ?

Il imaginait un endroit immense, flottant au-dessus des nuages, mais vide de tout ce qu'il connaissait de son monde.

— Là-haut, nos vies sont rythmées par les cycles de nos pierres. Nous passons la majeure partie de notre existence à étudier et à perfectionner la maîtrise de nos pouvoirs. Pour le reste, tout dépend du statut de chacun.

— Comment ça ?

— Il existe trois types de statuts – si je puis dire – chez les éledarses, expliqua Joon en levant un premier doigt. Ceux qualifié horriblement d'impurs représentent environ deux tiers de notre peuple. Ce sont tous les travailleurs manuels, les navigateurs, les cuisiniers, et ainsi de suite. Ransyl en fait partie. Il était ingénieur et s'occupait de la maintenance de la cité. Parfois, il aidait les navigateurs, ceux qui calculent les caps à suivre dans les airs.

Il leva ensuite un deuxième doigt.

— Ensuite, il y a ceux qui appartiennent à la classe intermédiaire, comme Sanaeh. Ils sont responsables de l'étude et de l'épanouissement des récoltes alimentaires. Tu peux imaginer la responsabilité que cela implique. La moindre petite erreur et c'est toute la cité qui risque de se retrouver affamée. Sanaeh gérait la surveillance des poissons de nos bassins, comme ses parents.

Aïmar devinait où Joon voulait en venir. Il observa l'éledarse lever un dernier doigt, presque à contrecœur, comme s'il s'apprêtait à aborder un sujet plus délicat.

— Et puis, il y a les souverains, dit-il d'une voix plus basse. À peine une poignée de notre population. Nous détenons les plus grands pouvoirs, ceux qui sont censés guider notre peuple, protéger la cité et veiller à l'équilibre de tout.

Aïmar hocha la tête. Il comprenait désormais que cette hiérarchie ne structurerait pas seulement leur société, mais qu'elle imposait également un fardeau invisible à ceux qui en étaient responsables.

— Je suppose que choisir sa voie est impossible, n'est-ce pas ?

— Ce n'est pas si simple, reprit Joon. Tout est une question de sang. Sur la terre ferme, nos ancêtres n'ont pas seulement côtoyé des monstres sanguinaires désireux de nous anéantir. Certains se sont liés aux humains. La pureté du pouvoir des descendants de ces unions hybrides s'effiloche avec le temps. Un éledarse de sang mêlé est moins puissant qu'un éledarse au sang pur. C'est sur ce critère que repose la hiérarchie de notre peuple. Les individus de la classe inférieure sont ceux dont les ancêtres ont fortement interagi avec d'autres espèces. Ceux du rang intermédiaire, un peu moins. Quant aux gouverneurs, je te laisse deviner.

— Leur sang est pur, compléta Aïmar.

— Exactement. Notre sang est authentique, donc notre pouvoir l'est aussi. Il est primaire, immense.

Joon s'exprimait à la première personne, ce qui impliquait une chose.

— Tu es né gouverneur, destiné à diriger un jour. Tu ne le voulais pas ; c'est pourquoi tu as voulu fuir.

Face à son silence, Aïmar comprit. Joon n'avait jamais voulu ce destin tracé d'avance, ce rôle imposé par sa lignée et sa pureté. Fuir avait été son unique moyen de s'en libérer.

Leurs regards se maintenaient, comme si le temps s'était suspendu entre les barreaux. L'émotion circulait entre eux dans un mélange de compréhension et de complicité silencieuse. Joon, avec son visage à la fois grave et vulnérable, semblait chercher une reconnaissance muette dans les yeux d'Aïmar. Ce dernier sentait son estomac se nouer, troublé par la profondeur de ce moment partagé. Il n'était pas préparé à une telle intensité, à ce lien qui se tissait, invisible mais puissant. Pourtant, Joon n'était qu'un inconnu, un homme qu'il ne connaissait pas encore quelques jours auparavant. Cette pensée le perturbait. Comment un lien si fort, si indéfinissable, avait-il pu se former en si peu de temps ?

Lumarave I [Fantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant