Chapitre 41

9 1 0
                                    

Je suis en chute libre dans le vide infini. Une immensité sombre se dresse en-dessous de moi et je tombe, sans pouvoir lutter, de plus en plus vite. Il n'y a pas d'air dans ce monde, pourtant je le sens de plus en plus fort tandis que je chute inexorablement dans ce qui n'a aucune fin. Rien ne peut m'arrêter et plus ça avance, plus je vois à quel point il n'y a rien. Je suis destinée à tomber pour l'éternité sans espoir de repos.

Et je pense à cette fillette, Lucie. Et à mon frère, Sam. Et tous ces gens qu'il me faut sauver. Non. Impossible, ça ne peut pas se finir comme ça. Je ne peux pas les abandonner. Pas maintenant, pas après tout ce que j'ai fait.

Le monde autour de moi prend la couleur de l'espoir et ma chute ralentit, jusqu'à s'arrêter. Je sens une force m'entourer et me ramener vers le haut. Et là, je comprends. Il n'y avait aucune éternité ici. En bas, c'était la mort qui attendait mon arrivée. Et vers le haut, la vie. Je tourne le regard vers la lointaine lumière qui approche. Mon combat n'est pas fini. Je dois faire face.

Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé lorsque je reviens dans mon corps. Je commence par bouger timidement mes doigts, mes bras, mes jambes. Je suis encore attachée mais je me sens plus libre de mes mouvements. J'ouvre les yeux et vois la lumière pourpre qui parcourt mon corps pour faire disparaître mes blessures. Toute douleur est en train de quitter mon corps. Je regarde autour de moi et constate que Lucie n'est plus là, et que Monsieur Lorem discute avec les deux gardes. Ou plutôt monologue auprès d'oreilles contraintes d'écouter. Ils semblent aveugles à l'éclat de ma gemme qui parcourt mon corps.

– Cette folle peut bien récupérer son "enfant", ça n'a aucune importance. Le problème est que maintenant elle connaît cet endroit. Et en prime, la Reine Alice est morte, et on a perdu son frère, donc on a perdu tous nos moyens d'en apprendre plus sur les gemmes et la malédiction.

– Alors qu'est-ce qu'on fait ?

– Il va falloir contraindre le monastère de nous accepter ici, ce serait trop compliqué de déménager. Surtout que cet endroit offre une couverture parfaite. Et on doit traquer le frère pour qu'il nous dise où se trouve la malédiction. Il le sait forcément. Ce sera plus facile de le faire parler que cette maudite "Reine Inébranlable".

– Euh, Maître...

– Quoi ?

– C'est normal si le cadavre de la Reine a ouvert les yeux ?

Par la seule force de ma pensée, le pouvoir de ma gemme me libère des liens qui m'enchaînaient et je me retrouve face à leur hébétude. D'un geste, je lève la main et mon épée apparaît.

– Tuez-la ! ordonne Monsieur Lorem en partant en courant.

D'abord surpris par la peur de leur chef, qu'ils n'avaient jamais vu aussi effrayé, ils se reprennent et l'arbalétrier lève son arme vers moi. Je la pourfend en deux puis transperce son cœur. D'un pas en arrière, j'esquive l'attaque de Damien, puis le frappe du pommeau de mon épée sur le crâne pour l'assommer. Priant pour qu'il survive et puisse vivre loin de l'oppression de Monsieur Lorem.

Je m'élance dans la direction qu'a prise ce dernier et mes yeux animés d'une force supérieure voient clairement dans le noir. J'atteins un couloir rempli de cellules aux barreaux rouillés. La puanteur y est insupportable. Et je prends conscience que toutes ces cellules sont ouvertes. Des corrompus en sortent, et derrière moi j'entends les autres gardes de Monsieur Lorem arriver en renfort. Ils sont bien trop nombreux. Mais ma chance est que tous ne sont pas alliés parmi mes adversaires. Je m'élance à toute vitesse au beau milieu des corrompus déchaînés qui sortent des cellules, transperçant de ma lame tous ceux qui se trouvent sur ma route. Il ne faut pas longtemps pour que les hurlements des humains derrière indiquent qu'ils se font attaquer par les créatures. C'est le risque quand on sert quelqu'un qui ne s'intéresse qu'à sa propre personne. Monsieur Lorem n'a pas hésité un seul instant à libérer tous les prisonniers sans accorder la moindre importance au fait que ses gardes se feraient attaquer eux aussi.

DamnationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant