Chapitre 42

10 1 0
                                    

La terreur me foudroie. Ma gemme serait-elle brisée ? Qu'est-ce qui aurait pu provoquer une chose pareille ? Un éclat pourpre me détrompe et éclaire le tunnel. Le soulagement s'étend dans mon être quand je vois que je n'ai pas perdu mon amie de toujours, bien vite remplacée par une nouvelle crainte. Une dizaine de condamnés se dirige vers moi. Je cours dans le sens inverse, me faufile par-dessus le corps du cerf mutant et revient au niveau du puits. Un nouvel instinct de survie me sauve car je saute d'un coup sur le côté pour éviter un coup de griffe qui arrache une partie de mes vêtements et entaille ma peau. L'ours géant est encore vivant.

Je peux voir à quel point ses mouvements sont lents. Il est affaibli par ses blessures, et il est même incroyable qu'il puisse encore bouger. Les mutations apportées à son corps lui confèrent une endurance hors normes.

Je ressors mon épée. Cette fois, il sera plus difficile de faire usage de la ruse. Il n'a pas la taille de l'élan ou la stupidité du sanglier. Derrière lui, j'aperçois l'intérieur d'une des cellules où étaient enfermés les monstres. Un monticule d'os dépouillé de peau s'étend dans toute la cage, les crânes ayant roulé après leur chute jusqu'au niveau des barreaux. Je me reconcentre sur mon ennemi, faisant fi de cette vision d'horreur. Les corrompus surgissent du tunnel et fondent sur l'animal mutant, m'évitant un combat difficile.

Prise d'une inspiration soudaine, je décide de sauter par le puits de lumière vers les hauteurs et le pouvoir de ma gemme me propulse jusqu'à la sortie de la grotte. J'atterris sur des buissons qui m'écorchent le corps et redécouvre le monde extérieur et la lumière du soleil. Je jette un œil au trou par lequel je suis arrivée. Il s'agit d'une ouverture au milieu des rochers, recouvert en grande partie de verdure. Si quelqu'un tombait par hasard dessus il n'oserait certainement pas s'y aventurer de peur d'une chute vertigineuse. Le plaisir de me retrouver à l'air libre me fait presque oublier ma fatigue et je me relève, cherchant autour de moi où pourrait se trouver le monastère. Le bâtiment est visible nulle part et il ne me reste plus qu'à me fier à la logique et à mon sens de l'orientation.

Le monastère, avant lieu silencieux aux allures de bâtiment abandonné, se trouve maintenant agité par l'appel de l'affrontement. Des ordres retentissent de partout et je peux voir des mouvements à travers chacune des fenêtres de la bâtisse. Sans plus aucune volonté de la jouer discrète, j'entre par la porte principale et atteint la première personne à proximité. C'est une femme qui guide des orphelins à l'abri. J'avance à son rythme en l'interrogeant.

– Quelle est la situation ?

Elle me reconnais et je vois à son visage qu'elle hésite d'abord, puis décide qu'au vu de la situation elle a tout intérêt à accepter mon aide.

– On est attaqués par des corrompus. Pour le moment ils sont bloqués, mais on ne va pas tenir très longtemps. Si vous voulez en savoir plus, allez voir Mère Thérèse, moi j'ai des enfants à sauver.

Elle m'indique d'un geste la direction et me dit de suivre les cris. Je la laisse à sa noble tâche et me précipite vers Mère Thérèse. Je passe à côté de nombreuses personnes : moines, enfants, gardes ; et ceux qui me reconnaissent bloquent un instant avant de se remettre à leur tâche. Je n'ai effectivement pas de difficulté à suivre la piste, plus loin je peux entendre les ordres hurlés par un chef qui ordonne à ses soldats de bloquer l'accès aux corrompus. Mère Thérèse quant à elle s'exprime d'une voix calme, mais si claire qu'elle reste tout autant perceptible. J'arrive à son niveau et c'est à peine si elle est surprise de me voir.

– Reine Alice, bienvenue. Je suppose qu'on vous doit en partie tout ce raffut.

– J'en suis désolée, mais...

– Ne le soyez pas. On ne choisit pas de trimbaler le malheur avec soi. C'est souvent le lot de ceux qui le combattent. Et puis, je ne peux vous tenir responsable de la présence sous mon toit de ce... "Centre d'expérimentation clandestin ?"

DamnationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant