À peine avais-je fermé mon dossier qu'Eunwoo débarqua dans mon bureau. Avait-il une petite alerte dans le cerveau qui se mettait à crier dans son cerveau dès que j'avais une minute de libre ?
- Salut toi, avait-il commencé avec beaucoup trop d'entrain. Il était presque vingt heures, je n'avais aucune envie de faire quoi que ce soit. Je ne voulais pas aller boire un verre, je ne voulais pas aller voir un film, je ne voulais pas qu'il me ramène en voiture alors que j'étais venu avec la mienne, je voulais juste qu'on me foute la paix une bonne fois pour toute. Ça te dit d'aller boire un verre ?
Je n'avais pas pu réprimer un lourd soupire d'agacement qui n'échappa pas à l'attention de mon collègue.
- Wow, reprit-il, dois-je prendre ça pour un non ?
- Exactement, avais-je répondu d'un ton un peu trop sec. Désolé Eunwoo, mais il fait froid, je suis épuisé, j'aimerais juste être chez moi, dans mon lit et dormir.
Eh oui, il faisait déjà froid. Cela faisait désormais six mois que Chan était parti. Six longs putain de mois. Six. Environ 180 jours. C'était tellement long, tellement épuisant, tellement triste. Mais je devais bien l'avouer, je n'avais jamais autant bosser que ces six derniers mois. Au moins, mon manager était content, c'était déjà ça de pris.
- Je peux te ramener si tu veux, proposa gentiment Eunwoo, toujours un sourire collé à ses belles lèvres.
- Écoute, je l'avais arrêté avant qu'il pense à une autre idée. Je m'étais approché de lui, le manteau sur le bras et mon sac sur l'épaule. Tu es un mec sympa, Eunwoo, et franchement super canon.
- Mais ?
- Mais je trouve ça très malsain.
- Quoi donc ?
- Tu me dragues ouvertement alors que tu es en couple. Je n'aime pas ça. En plus, je suis désolé mais je n'ai vraiment pas la tête à vouloir sortir avec quelqu'un. Je suis vraiment content qu'on soit ami mais j'aimerais que ça reste ainsi.
Pour une fois, une petite moue triste s'était formée sur son visage parfait mais je pense que le message est bien passé.
- Tu penses toujours au stagiaire, je vois.
Nouveau soupire bien long.
Oui je pensais toujours à ce foutu stagiaire, cet abruti qui m'avait abandonné du jour au lendemain, bien que c'était totalement de ma faute, ma faute à moi et à mon manque de courage.
Bordel pourquoi fallait-il qu'on naisse dans ce pays ? Pourquoi ne pas vivre dans un pays super gay-friendly où nous pouvions nous marier, avoir des gosses, une maison, un gros chien, un potager, et toutes ces conneries ? Pourquoi fallait-il que je naisse ici ? Pourquoi étais je né si ce n'était que pour souffrir et vivre dans le mensonge perpétuel ? C'était infernal.
Et à cause de cette vie plus qu'injuste, Chan était désormais loin, avec Sofia, sûrement à faire des galipettes à poil toute la journée et au fond, je savais qu'il avait bien raison de faire ça, mais putain de merde que ça faisait mal. Rien que d'y penser, j'avais envie de chialer comme un bébé.
- Tu veux en parler ? Me proposa d'une voix douce mon collègue. On peut faire ça ici, porte fermée, mais dans un cadre professionnel. Ça ne te brusquera pas trop.
Je l'avais fixé dans les yeux, je pense qu'il s'était rendu compte que les miens se mettaient à briller, puis tout en mordant ma lèvre inférieure, j'avais doucement hoché la tête de haut en bas. Eunwoo était allé fermer la porte puis s'était assis sur le siège en face de mon bureau tandis que j'avais laissé mon sac retomber par terre.
- C'est juste tellement... Enfin j'ai... Je n'arrivais pas à trouver mes mots, ni comment commencer ça. J'avais dégluti bien fort puis mon corps s'était laissé retomber sur ma chaise. J'ai juste tellement mal, Eunwoo, avouais-je en lançant une larme perler le long de ma joue. Je trouve ça injuste, et beaucoup trop douloureux.
- Je sais, et crois-moi, je trouve comprends. Chaque jour, chaque instant, il faut faire attention à ne pas se faire démasquer, il faut garder de secret ce qui devrait nous rendre le plus heureux.
J'avais acquiescé alors que ma main s'emparait de ma boîte de mouchoir pour que je puisse en passer un sous les yeux. Ça me faisait du bien d'en parler avec quelqu'un qui me comprenait vraiment mais je trouvais ça quand même gênant.
- Chan était la seule personne avec qui j'étais entièrement moi-même. Maintenant que j'ai dû faire un coming out un peu chaotique, je peux en discuter avec Jeongin mais ça reste tout de même différent. J'ai l'impression que tout a changé depuis que mon secret a été révélé.
- C'est normal, tout a changé, affirma-t-il, et ça ne pourra plus jamais être comme avant. Il faut simplement l'accepter, et que ça devienne normal pour tes proches, qu'ils ne se posent même plus de questions ou autre, faire comme si ça avait toujours été comme ça.
Il avait raison. Mais est-ce qu'un jour ça pourra être aussi normal ? Avec la famille de Jeongin, j'avais de la chance. Mais avec la mienne ? Avec les collègues ? Est-ce qu'un jour je pourrais m'afficher fièrement avec mon amoureux sans risquer de perdre mon travail ? Mes amis ? Ma réputation ? Ma vie ? J'en doutais fortement.
Après un long silence, Eunwoo me fit un nouveau sourire plein d'empathie.
- Un jour, on pourra vivre comme on le souhaite.
- Tu en es sûr ?
- Essayons de nous battre pour que les lgbt qui vivront dans cent ans est plus de droits que nous en tout cas, pouffa-t-il avec peu de conviction. Ça fait des années que j'essaie de me battre pour protéger ma sœur, qu'elle sache qu'elle n'est pas seule, mais pour les personnes trans c'est encore plus difficile. Quand j'ai débuté l'université pour finir avocat, j'avais une idée en tête.
- Tu comptes défendre toutes les victimes d'actes homophobes ou transphobes du pays ?
- J'aimerais bien, malheureusement même en étant une centaine d'avocat, il y aura toujours beaucoup trop de plaintes à traiter. Mais je me dis qu'en défendant ne serait-ce qu'un pour cent de ces personnes, ça peut aider un peu la cause.
C'était mignon.
Eunwoo était resté plus d'une heure encore à me réconforter, à trouver les mots justes, à me parler de son projet d'être un vrai grand avocat fervent défenseur de la cause LGBT du pays. Lui parler me fit un bien fou, au fur et à mesure je m'étais laissé allé, j'avais pu pleurer autant que j'en avais besoin.
Le lendemain, en arrivant au travail et en passant devant son bureau, il m'avait fait un léger signer de la main avant de me lancer un petit clin d'œil complice, auquel j'avais répondu par un petit sourire gêné.
Que ça faisait du bien de se trouver un véritable allié.
VOUS LISEZ
SECRET SECRET. hyunchan
FanfictionJ'avais toujours trouvé Chan passionnant. Sa capacité à se murer dans un silence qui en disait plus que les mots me fascinait. Je voulais connaître tous ses secrets. 💮 pas de plagiat autorisé. début; 11 mai 2023 fin;