Dangereuse Union

Chapitre 37

-Gare-toi là, me dit ma mère en me désignant une maison simple mais charmante, coincée entre deux autres habitations.

Je me gare donc, et coupe le moteur. La maison est assez grande, modeste, et soignée. J’observe un instant les alentours calmement, avant de sortir et de suivre ma mère vers la porte d’entrée.

-C’est donc ici que tu vas vivre après ton mariage ? Je lui demande en jetant un coup d’œil discret autour de moi.

Elle secoue la tête

-Non, nous allons vivre dans un appartement que j'ai déjà choisie. Ici, ce n’est pas ma maison, mais celle de Fatim.

Je pousse un soupir de soulagement que je n’essaye même pas de dissimuler. Pas que l’idée qu'elle partage une maison avec sa coepouse me dérange particulièrement, mais il est tout de même plus rassurant de savoir que ma mère aura son propre espace avec son mari. Un endroit où elle pourra se sentir chez elle, respirer sans sentir l’ombre de la première femme planer.

C'est hier même que j'ai appris, qu’elle allait devenir la seconde épouse. Une surprise, mais pas un choc. Maman est une femme forte, pragmatique, et intelligente donc si elle accepte cette situation, c’est qu’elle a ses raisons, et je respecte cela. Mais moi personnellement je ne pense pas que c'est une situation que je pourrais accepter, l'idée même  de partager mon homme me laisse perplexe, voire mal à l’aise. Rien que d’y penser, cela me donne des frissons. Je ne peux pas m’imaginer devoir partager un espace aussi intime avec quelqu’un d’autre. Mais ce n’est pas mon histoire, c’est la sienne.

Ce dîner est une excellente idée car nous allons devoir coexister  prochainement et ça va permettre de nous connaître un peu avant le mariage. On le sait tous, les mariages polygames peuvent être délicats. Certaines coépouses ne s’entendent pas du tout, et parfois, ce sont les enfants qui vont poser problèmes à être hostiles et méchants envers leur belle-mère. Ce soir ne suffira sûrement pas pour connaître les nuances de chacun, mais il me donnera déjà un premier aperçu.

Nous avançons dans un couloir menant sûrement au séjour et avant même que ma mère n’ait le temps de frapper, celle-ci s’ouvre en grand, laissant apparaître une femme voilée, très belle , qui nous accueille avec un large sourire.

-Ho, Aisha, vous êtes déjà là ! Entrez, entrez, je vous en prie ! Oh, et toi tu dois être Rabiatou ! Mais qu’est-ce que tu es jolie, ma sha Allah ! Viens, entre donc, fais comme chez toi !

Elle me prend aussitôt par la main et m’entraîne à l’intérieur, elle est débordante d’enthousiasme. Elle ne me laisse même pas le temps de la saluer au moins ou même d'en placer une , elle me tire avec elle .

-Oh là là, qu’est-ce que je suis contente de te rencontrer enfin, Rabiatou ! Ta mère m’a tellement parlé de toi, j’avais l’impression de te connaître déjà ! Je t’assure, elle n’a que des éloges à ton sujet, je pense qu’elle est très fière de toi, n’est-ce pas, Aisha ?

Ma mère hoche la tête.

-Oui, c’est vrai, je suis très fière d’elle.

Fatima me scrute de la tête aux pieds.

-Mais ma sha Allah, cette robe te va tellement bien ! Où est-ce que tu l’as achetée ? Ah, ça me rappelle une robe que j’ai vue une fois dans une boutique à Paris. Enfin, je n’ai jamais eu l’occasion d’aller à Paris, mais j’ai vu une photo, tu comprends ? C’était exactement le même style ! Oh, d’ailleurs, assieds-toi, tu veux quelque chose à boire ?

-De l’eau, s’il vous plaît.

Elle pose une main sur son cœur, faussement dramatique.

-Vous ?! Mais non, voyons, on ne se vouvoie pas ici, nous sommes une famille maintenant, d’accord ? Appelle-moi Fatim, tout simplement ! Ah, ça me fait tellement plaisir de te voir ! Bon, allez, je vais te chercher ton eau.