chapitre 42 Alec

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Je gare la voiture devant l’université avec une drôle de sensation dans le ventre. D’un côté, je suis nerveux à l’idée de devoir affronter l’organisateur du concours. De l’autre, il y a cette ombre qui plane constamment dans mon esprit : Raven, toujours inconsciente à l’hôpital. Malgré tout, je me répète que je dois avancer, que je dois inscrire nos maquettes à ce concours. Hier, le médecin a dit que l’opération s’était bien passée, que la balle avait été retirée et qu’aucun organe vital n’avait été touché. Cette nouvelle m’a rassuré, bien sûr, mais Raven est encore dans le coma, et le médecin a précisé que son réveil pourrait prendre plusieurs jours.

Quand je suis allé la voir ce matin, elle était là, dans son lit, pâle mais sereine. Je me suis assis à ses côtés, comme je le fais chaque jour, et je lui ai parlé de tout et de rien. Je lui ai raconté des détails de ma journée, comme si elle pouvait m’entendre. Lola et moi passons aussi voir ses parents, qui dorment chez Mary en attendant des nouvelles. On se serre les coudes, tous ensemble, même si, par moments, j’ai l’impression de suffoquer sous le poids de l’incertitude.

Alors, aujourd’hui, je suis ici pour elle. Je sais combien ce concours compte pour Raven. Même si elle ne peut pas être là, je veux m’assurer qu’elle ait une place. J’attrape sa maquette, en plus de la mienne et de celle de Lola, et nous nous dirigeons vers l’entrée du bâtiment. C’est étrange de porter son travail à sa place, de m’imaginer à quel point elle aurait été excitée, stressée aussi, par cette inscription.

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Une fois à l’intérieur, nous approchons de l’organisateur. Il lève les yeux de son formulaire et arque un sourcil en voyant les deux maquettes que je tiens.
- Jeune homme, vous savez que chaque participant ne peut présenter qu’une seule maquette, n’est-ce pas ?

Je prends une grande inspiration et m’efforce de garder mon calme.
- Oui, je le sais. Mais je suis aussi ici pour Raven. Elle devait participer, mais elle a eu un… un accident. Elle est à l’hôpital en ce moment.

L’organisateur pince les lèvres et secoue la tête.
- Je suis désolé, mais il faut qu’elle soit présente en personne pour signer et présenter sa carte d’identité. Les règles sont les règles.

Je reste sans voix, le cœur battant. Comment puis-je lui expliquer que ce concours est tout pour elle ? Que même dans son état, elle voudrait plus que tout être ici ? Avant que je ne puisse répliquer, Lola pose une main apaisante sur mon épaule. Je sens sa pression légère, mais réconfortante, et je me rappelle que je ne suis pas seul dans cette situation.

J’expire lentement, ravalant ma frustration.
- Très bien,  dis-je en tentant de ne pas laisser la déception s’entendre dans ma voix.
Je m’inscris donc avec Lola, même si cela laisse un goût amer. Je m’étais préparé à me battre pour elle, et maintenant, je dois renoncer. Je prends un dernier regard vers la maquette de Raven que je suis obligé de laisser de côté.

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À la sortie, alors que je me dirige vers la voiture avec Lola, un garçon l’interpelle. Je remarque tout de suite sa réaction : elle se met à rougir, un sourire timide se dessinant sur ses lèvres. Intrigué, je lui demande à voix basse,
- C’est le gars de la soirée, c’est ça ?  Elle hoche la tête, esquissant un sourire. Je le scrute attentivement lorsqu’il s’avance vers moi, une main tendue.

- Salut,  dit-il en souriant, Je suis Jérémy.  Je lui serre la main, un peu impressionné par sa façon de se tenir, comme s’il avait toujours sa place dans chaque pièce où il entre. J’ai entendu votre conversation avec l’organisateur. C’est mon père. Je vais voir si je peux le convaincre de faire une exception pour Raven.

Je suis pris par surprise, mais je retrouve vite mon calme et je lui rends son sourire.
- Merci, Jérémy, ça signifie beaucoup pour moi. 
Je lui donne mon numéro, au cas où il pourrait nous tenir au courant, et il s’éloigne, laissant Lola et moi un peu abasourdis.

Lorsque nous montons dans la voiture, je ne peux m’empêcher de taquiner ma sœur.
- Alors, c’est ton copain, hein ? Tu ne me l’avais pas dit.

Elle rit, secouant la tête.
- Oh, Alec, on n’est pas ensemble, pas encore du moins. Mais… on verra.
Son sourire est éclatant, et je ne peux m’empêcher de me sentir heureux pour elle, même si une part de moi est un peu protectrice, un peu inquiète.

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Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons pour récupérer Victor à l’école. À peine monté dans la voiture, il se lance dans un récit sur son dernier cours de sport, mais très vite, il change de sujet.
- J’aime pas mon oncle Voldemort,  déclare-t-il avec une moue.  Il fait tout le temps la tête et il crie.

Je ris, échappant un regard complice à Lola.
- T’inquiète pas, bonhomme. Parfois, les adultes peuvent paraître effrayants, mais ça ne veut pas dire qu’ils sont méchants.  Victor hausse les épaules, visiblement peu convaincu, et nous continuons la route en bavardant.

Quand nous arrivons chez Mary, l’ambiance est étrange. Tout le monde semble agité, mais il y a une joie sous-jacente qui emplit l’air. Victor ouvre la portière et fonce à l’intérieur.
- Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il, curieux comme toujours.

Le père de Raven – Voldemort, comme Victor l’appelle – nous regarde avec un sourire pour la première fois depuis que je l’ai rencontré.
- Raven s’est réveillée, annonce-t-il, et son visage s’illumine d’un sourire rare.

Lola pousse un cri de joie, et je reste un instant sans voix. C’est comme si un poids immense venait de s’évaporer. Le monde autour de moi paraît soudain plus clair, plus lumineux. Je sens une montée de soulagement inouï, suivie d’une vague de reconnaissance.

- On va la voir ! crie Lola, déjà en train de courir vers la voiture.
Je la suis, le cœur battant à tout rompre, une énergie nouvelle dans les veines. Il y a encore tant à dire, tant à faire, mais pour l’instant, je me laisse envahir par l’espoir et la joie. Raven est réveillée, et c’est tout ce qui compte.

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