Désirs Sorciers

Solitude révélatrice

Ce soir, la pleine lune était de sortie et montait lentement dans le ciel, inondant Salem d'une lueur blanche. Les rayons argentés se glissaient entre les branches des arbres, éclairant la forêt d'une clarté fantomatique. C'était leur nuit, celle qu'Agatha attendait avec impatience depuis des jours. Mais cette fois, les choses étaient différentes:

Agatha se tenait près de la fenêtre de sa chambre, les doigts crispés sur le rebord en bois, les yeux rivés sur le ciel. Son souffle était court, son cœur battait contre sa poitrine, chaque pulsation l'éloignant un peu plus de la liberté qu'elle désirait tant. La frustration brûlait dans ses veines. Ce soir, elle devait être avec Rio, sentir son énergie puissante, écouter ses paroles envoûtantes et, se perdre à nouveau dans ses yeux et peut-être plus encore...

Mais non. Pas cette nuit.

Évanora l'avait enfermée dans la maison, sous prétexte qu'elle devait « méditer sur ses erreurs » et rester loin de la magie. Sa mère avait senti que quelque chose se passait, quelque chose qu'elle ne contrôlait pas, et Agatha, pour la première fois, ne parvenait pas à désamorcer la situation. Elle s'était montrée docile, avait promis de ne plus utiliser la magie sans permission, de ne plus voir « certaines mauvaises influences ». Tout était faux, bien sûr, mais ce soir, sa mère ne la laissait pas sortir.

Elle était en manque de Rio. Ce manque était physique, presque douloureux. Leurs dernières leçons lui revenaient en mémoire, la chaleur de la présence de Rio, ses mains, son souffle contre sa peau. C'était bien plus qu'une attirance pour la magie. C'était un désir profond, une faim qui la rongeait. Elle voulait, non, elle avait besoin de Rio. Ce soir. Maintenant.

Agatha se retourna, furieuse, fixant la porte fermée de sa chambre. Elle savait que sa mère restait sur ses gardes. Évanora veillait, prête à intervenir au moindre signe de rébellion. Mais Agatha se sentait piégée, une bête en cage. Elle s'assit sur son lit, serrant son oreiller contre elle, les larmes brûlant ses yeux. Elle se sentait faible, et ça l'énervait encore plus. Elle n'avait jamais voulu ressentir ça pour quelqu'un, encore moins pour Rio. Mais c'était plus fort qu'elle.

***

De l'autre côté de la forêt, Rio se tenait debout sous la lune, les bras croisés, son regard fixé sur l'horizon. Elle attendait Agatha. Cela faisait des semaines qu'elles se retrouvaient ainsi, chaque pleine lune marquant une nouvelle étape dans leur relation complexe, à mi-chemin entre la sorcellerie et le désir.

Pourtant, ce soir, Agatha ne venait pas.

Rio ressentit un pincement au cœur. Au début, elle n'y prêta pas attention. Cela devait être un simple retard, Agatha était peut-être en train de déjouer la vigilance de sa mère, comme elle le faisait souvent. Mais plus le temps passait, plus ce sentiment grandissait en elle, une étrange inquiétude mêlée de tristesse. C'était un sentiment qu'elle n'avait jamais éprouvé. Pourquoi s'en faisait-elle autant pour cette jeune sorcière ? Rio se considérait froide, détachée des autres. Elle aimait enseigner la magie, mais les émotions humaines lui paraissaient souvent insignifiantes, presque dérisoires.

Pourtant, Agatha avait réussi à pénétrer cette carapace. Sa fougue, son innocence mêlée d'ambition, son désir de découvrir tout ce que Rio avait à offrir, tout cela avait éveillé quelque chose en elle. Une connexion. Une faiblesse, peut-être. Rio détestait se sentir faible. Elle avait toujours vécu seule, maîtrisant chaque aspect de sa vie avec rigueur, ne laissant personne s'approcher trop près. Mais ce soir, elle était là, seule sous la lune, et Agatha lui manquait.

Elle se surprit à se poser des questions qui l'embarrassaient: Où était Agatha ? Et surtout, pourquoi ressentait-elle ce vide, cette douleur étrange dans la poitrine, comme si quelque chose d'essentiel lui échappait ?

Elle soupira, agacée par sa propre vulnérabilité. « Je deviens sentimentale », murmura-t-elle avec un sourire sarcastique. « Agatha Harkness, qu'est-ce que tu m'as fait ? »

Elle se souvenait des moments où elle avait testé les limites de la jeune sorcière, la taquinant, jouant avec ses désirs tout en gardant une distance. Rio ne laissait jamais personne franchir une certaine ligne, préférant garder le contrôle. Mais avec Agatha, ce contrôle lui échappait peu à peu, et ce soir, elle se demandait si ce n'était pas justement cela qu'elle désirait. Laisser Agatha s'approcher encore plus. Peut-être même... l'aimer.

Rio se tendit à cette pensée. « Non », murmura-t-elle, presque furieuse contre elle-même. Elle n'était pas le genre de sorcière à s'encombrer d'attachements humains. L'amour, les sentiments, tout cela ne faisait que compliquer les choses, ralentir l'ascension vers la vraie puissance. Et pourtant, cette idée ne cessait de résonner en elle. L'amour pour Agatha... Est-ce que cela pouvait être possible ?

Elle jeta un dernier coup d'œil au chemin menant à leur point de rendez-vous: Toujours personne. Un soupir de frustration échappa à ses lèvres. Peut-être qu'Agatha ne voulait tout simplement plus la voir ?

***

Dans sa chambre, Agatha sentait son énergie s'épuiser. Son corps brûlait de l'envie d'être avec Rio, mais la réalité la clouait ici, dans cette pièce oppressante, loin de tout ce qui la faisait se sentir vivante. Elle se laissa glisser sous les couvertures, tentant de repousser les pensées de Rio, mais en vain. Chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle voyait le visage de la sorcière, ses lèvres, ses mains. Elle la voulait. Elle la voulait plus que jamais.

***

Dans la forêt, Rio s'éloigna de leur point de rendez-vous habituel, le visage dur, mais ses pensées tourbillonnantes avec une intensité nouvelle. Elle ignorait encore pourquoi cette nuit lui semblait si différente des autres.

Mais une chose était claire : Pour la première fois, Rio Vidal, la sorcière verte insaisissable, commençait à comprendre qu'elle n'était peut-être pas aussi invulnérable qu'elle le pensait.