La rage d'une mère

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La lumière déclinante de la fin d'après-midi envahissait la chambre d'Agatha alors qu'elle s'affairait à peaufiner son plan pour s'emparer du Darkhold.

À l'abri des regards, elle avait fouillé les archives du village et écouté discrètement les conversations des anciens sorciers dans les tavernes. Elle notait tout dans son carnet de cuir. Dans ses pages, elle cartographiait l'accès au lieu, griffonnait des plans, des schémas...

Chaque information glanée était une pièce de plus dans le puzzle qu'était sa quête du Darkhold.

Elle savait qu'elle jouait un jeu dangereux, mais son désir de pouvoir, combiné à son amour pour Rio, la poussait à prendre des risques qu'elle n'aurait jamais envisagés auparavant.

Elle cachait le carnet sous son matelas, persuadée que personne ne se doutait de quoi que ce soit.

Mais elle ignorait qu'Évanora la surveillait depuis des semaines, observant le moindre éclat de lumière violette derrière la porte close d'Agatha. Le moindre chuchotement incantatoire laissait planer un doute de plus en plus tenace chez elle.
Évanora avait attendu, patiemment, observant, traquant les signes de la corruption dans le cœur de sa fille.

Jusqu'à ce jour où, d'une main tremblante et pleine de méfiance, elle avait soulevé le matelas d'Agatha et trouvé le carnet maudit:
Son visage se décomposa alors qu'elle tournait les pages et lisait les ambitions de sa fille, la traque méthodique pour obtenir le Darkhold, la puissance noire qui l'obsédait. La fureur et la peur s'emparèrent d'elle.

Elle attendit Agatha dans le salon familial, ses mains serrées autour de la ceinture en cuir qu'elle avait arrachée sur le dessus du meuble.

Quand Agatha franchit la porte du salon, ce soir-là, elle sentit immédiatement la tension dans l'air, une tension palpable, presque lourde comme la pierre.
Évanora était là, debout au milieu de la pièce, le carnet ouvert dans sa main.
Le cœur d'Agatha se serra dès qu'elle entra et vit sa mère, le visage fermé et les yeux étincelants d'une colère glaciale.

Sans un mot, Évanora lui montra le carnet, puis le jeta au sol.

Ses yeux brûlaient de colère : des flammes furieuses s'y allumaient, et son corps tout entier vibrait d'une rage débordante.

Agatha, effarée, n'eut pas le temps de trouver une excuse, de mentir ou même de s'expliquer...

Le premier coup de ceinture siffla dans l'air, déchirant le silence et sa chair.

Le bruit sec du cuir résonna dans la pièce, suivi d'un cri étouffé. Agatha tomba à genoux, incapable de se défendre, incapable d'affronter celle qui lui avait donné la vie.

Elle voulait se défendre, elle le sentait, sa magie palpitait en elle, bouillonnant comme un volcan prêt à exploser, mais son cœur lui interdisait de lever la main contre sa propre mère.

Elle encaissait les coups, le visage fermé, les lèvres mordues jusqu'au sang. Les coups pleuvaient, chacun accompagné d'une injure, d'un reproche. Chaque impact était une condamnation, chaque cri d'Évanora une promesse de punition plus sévère. Elle ne criait pas, ne pleurait pas, elle restait là, droite, ses yeux fixés sur le visage déformé par la colère d'Évanora.

Les minutes se confondaient, la douleur devint un brouillard rouge, et finalement, elle s'effondra au sol, battue jusqu'à l'épuisement. Le sang coulait de son visage, de son dos, de ses bras,  de ses jambes meurtries.

Les larmes roulaient sur ses joues, mêlées au sang qui coulait des plaies ouvertes sur son visage.
Elle encaissait encore, ne répondant que par des gémissements de douleur.

Sa vue se brouilla et, lentement, elle perdit connaissance, s'abandonnant à l'inconscience, à la fois une punition et une libération.

Évanora jeta un regard froid et désabusé sur le corps inerte d'Agatha, le mépris illuminant ses yeux sombres. Elle cracha à ses pieds, brûlant de déception et de haine, avant de quitter la maison, claquant la porte avec une violence qui fit trembler les murs. Laissant sa fille gisant à terre, dans son propre sang, seul témoin de la trahison qu'elle pensait avoir subi.

Agatha resta seule, immobile, dans ce salon glacé par la colère d'une mère qui ne comprenait rien de ce que sa fille désirait vraiment. Jusqu'à ce que son fidèle compagnon, Señor Scratchy vienne lui renifler le front, comme pour lui apporter un peu de réconfort dans tout ce chaos.

Le souffle d'Agatha était faible, irrégulier. L'obscurité l'enveloppait, lentement, lui apportant un peu de répit dans sa douleur.

Tout ce qu'elle voyait, dans un coin de son esprit évanescent, c'était le visage de Rio...

Désirs SorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant