Les cicatrices du coeur

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Agatha émerge lentement des ténèbres, sa conscience retrouvant doucement la réalité. La douleur sourde dans son corps lui rappelle chaque coup, chaque instant où elle a subi la colère d'Évanora.

Ses paupières sont lourdes et le monde semble flou quand elle ouvre enfin les yeux. Elle n'est plus allongée sur le sol froid, mais dans son lit, enveloppée dans des draps propres.

Elle sent une présence à ses côtés, une main délicate qui caresse son front. Quand ses yeux se fixent, elle voit Rio, son visage tendu de douleur et de tendresse.

Rio était là, silencieuse et vigilante, assise sur une chaise près du lit, ses yeux fixant le visage meurtri d'Agatha. Elle la regardait avec une tendresse infinie, mais aussi une rage contenue.

Un mélange de colère et de soulagement se lit dans ses yeux sombres, et Agatha comprend que c'est elle qui l'a ramenée ici.

« Rio... » murmure-t-elle d'une voix faible.

« Chut... Je suis là, mi amor, je suis là... » répond Rio, sa voix plus douce que d'habitude, mais vibrante de rancœur.

Agatha eut du mal à se redresser, ses membres endoloris protestant à chaque mouvement. Mais la présence de Rio la rassurait. Elle se souvenait des coups, des hurlements de sa mère, et de la douleur qui l'avait frappée, sans répit, jusqu'à ce qu'elle perde conscience.

Mais maintenant, c'était différent. La douceur des mains de Rio contrastait avec la brutalité de celle qui l'avait mise au monde. Agatha sent des larmes brûlantes rouler sur ses joues, le poids de la trahison de sa mère et la honte d'avoir été retrouvée si faible la submerge. 

Mais Rio ne pose pas de questions. Elle retire délicatement la chemise déchirée et ensanglantée d'Agatha, chaque mouvement empli d'une douceur infinie.

Elle nettoie les plaies sur son dos avec une tendresse qui fait presque autant mal que les coups reçus. Chaque baiser sur une ecchymose, chaque lèvre posée sur une coupure, fait disparaître la douleur et referme la plaie. La magie de Rio est si fluide, si naturelle. Une guérisseuse aussi passionnée que protectrice.

« Tu as... tout vu ? » demanda Agatha, d'une voix étouffée par l'émotion et la douleur.

Rio hocha la tête, les yeux brillants de tristesse et de colère contenue. Elle prit délicatement les mains d'Agatha et lui sourit, même si son cœur bouillonnait de rage. « Je t'ai sentie. Nos âmes sont liées, Agatha. Je savais que tu avais besoin de moi, alors je suis venue. »

Rio embrassa le dos de la main d'Agatha, puis remonta le long de son bras, déposant des baisers légers et rassurants sur chaque bleu, chaque entaille. Là où ses lèvres effleuraient la peau meurtrie, une douce chaleur les guérissait, dissipant les marques de la violence passée. Agatha ferma les yeux, se laissant emporter par la tendresse de Rio.

« Ne fais rien à ma mère... promets-moi de ne pas lui faire de mal. C'est à moi de gérer cette situation, Rio. Ma mère... c'est encore ma mère. » supplia Agatha, ouvrant ses yeux pleins de larmes.

Rio s'arrêta un instant, fronça les sourcils, la tension raidissant ses épaules. Elle est en colère, folle de rage contre Évanora, mais elle sait qu'Agatha a besoin de son soutien, pas de sa vengeance: « D'accord, je te le promets. Mais seulement parce que c'est toi qui me le demandes. »

Elle tira Agatha contre elle, la serrant dans une étreinte protectrice, une étreinte où l'amour et la douleur se mélangeaient en un tourbillon de sentiments contradictoires. Elle sentait la faiblesse d'Agatha, son corps encore tremblant de tout ce qu'il avait enduré. Rio embrassa ses lèvres doucement, d'abord en surface, puis plus profondément, pour lui montrer qu'elle ne la laisserait jamais tomber.

« Repose-toi, mi vida » murmure Rio en la bordant avec un soin protecteur. « Je veillerai sur toi jusqu'à ce qu'elle rentre. »

Agatha hoche la tête, épuisée, mais soulagée. Elle se sent protégée, enveloppée dans une bulle de chaleur et d'amour. Pour la première fois depuis des jours, elle ferme les yeux sans crainte, ses doigts entrelacés à ceux de Rio. La douleur s'efface peu à peu sous l'effet apaisant de sa présence. Tout son être se détendit, enveloppé d'une sécurité qu'elle n'avait jamais connue ailleurs.

Dans la pénombre de la chambre, Rio reste assise, immobile, surveillant chaque souffle, chaque mouvement, prête à se disparaître si Évanora venait à rentrer. Elle contemple le visage endormi de la femme qu'elle aime et, malgré tout, une lueur d'inquiétude brille dans ses yeux.

Son amour pour Agatha la consumait, la rendant plus humaine, mais réveillant aussi une fureur qu'elle avait tenté de fuir. Pour cette nuit, elle serait sa gardienne silencieuse, veillant à ce qu'aucune autre souffrance ne vienne troubler son sommeil.

Quand Évanora reviendrait, Rio serait déjà partie, comme une ombre, mais elle serait toujours là, en pensée et en cœur. 

Pour Agatha, elle ferait n'importe quoi. Même renoncer à sa soif de vengeance... du moins, pour le moment. Car Rio sait que quelque chose a changé. Une frontière a été franchie, et rien ne sera plus jamais comme avant. Mais pour l'instant, elle repousse cette pensée, préférant savourer la sensation d'avoir Agatha en sécurité, juste ici, avec elle.

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