Danger imminent

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Les jours s'étiraient, vides et lourds. Agatha restait cloîtrée chez elle, à broyer du noir. Depuis la nuit de pleine lune où Rio ne s'était pas présentée, son cœur était brisé, et une mélancolie pesante ne la quittait plus. Elle passait des heures à fixer le plafond de sa chambre, s'enfermant dans ses pensées sombres. Même sa mère, bien que stricte, semblait avoir remarqué son changement d'attitude, mais n'osait pas l'interroger... Agatha restait isolée, seule dans sa chambre, tourmentée par le manque de Rio.

Un après-midi, le besoin de changer d'air la submergea. Rester ici ne l'aidait pas non plus. Il fallait qu'elle sorte, qu'elle bouge, même si cela signifiait affronter ses propres fantômes.

Décidée à se changer les idées, elle enfila une simple robe et sortit dans les rues de Salem. L'air était doux et l'automne s'installait progressivement, teintant les arbres de nuances de rouge et d'or. Les villageois, occupés par leurs tâches quotidiennes, ne prêtaient pas attention à Agatha qui arpentait les rues avec un visage fermé.

Fuyant la ville et ses bruits incessants, elle quitta rapidement les sentiers pavés pour s'enfoncer dans la forêt, là où le silence et l'odeur des pins l'apaisaient un peu. Chaque pas sur les feuilles mortes la rapprochait d'un semblant de sérénité. Elle était venue ici dans un but précis : Préparer un remède contre son chagrin d'amour. Elle commença à ramasser des fleurs aux propriétés magiques, des herbes délicates aux pétales blancs, parfaites pour ce genre de mélange. Elle imaginait déjà la concoction qui l'aiderait à apaiser son cœur, si déchiré par l'absence de Rio.

Mais à mesure qu'elle avançait, une sensation étrange s'insinua en elle. Une impression d'être observée. Agatha s'immobilisa, son regard scrutant la forêt autour d'elle. Elle ne voyait rien, mais cette sensation persistait, glaçant son sang. Les arbres semblaient plus menaçants maintenant, leurs branches sinueuses projetant des ombres inquiétantes. Le vent, d'ordinaire léger, sifflait à ses oreilles comme un avertissement.

Elle n'était pas seule.

Elle décida alors de rebrousser chemin, mais il était déjà trop tard : Sans prévenir, une silhouette surgit de derrière un buisson. Un homme en manteau de cuir usé. Il la fixait avec des yeux sombres et vides de compassion. Sa main agrippa quelque chose à sa ceinture, et en un éclair, il brandit un couteau... Ses yeux brillaient d'une haine sourde, celle que les chasseurs de sorcières portaient dans leur cœur.

« Sorcière... » cracha-t-il, avec dégoût.

Agatha sentit la terreur monter en elle, mais elle refusa de se laisser submerger. Elle tenta de reculer, mais l'homme fut plus rapide. Il bondit vers elle et, dans un mouvement brutal, planta la lame de son couteau dans sa cuisse. Un cri de douleur déchira ses lèvres alors que le sang commençait à couler.

Elle tomba au sol, le souffle coupé par la douleur vive. Le chasseur sourit, croyant avoir gagné. Mais Agatha n'était pas prête à mourir ici. Pas comme ça.

La rage, celle qu'elle avait souvent réprimée, explosa en elle. Elle leva sa main ensanglantée vers le chasseur, murmurant un sortilège de protection qu'elle avait récemment appris, et un éclat de lumière violet jaillit de sa paume, frappant l'homme en pleine poitrine. Il recula brusquement, puis tomba à terre, pris de convulsions.

C'était sa chance.

Haletante, Agatha se releva péniblement, pressant sa main contre sa cuisse blessée. La douleur était atroce, mais elle ne pouvait pas s'attarder ici. Elle courut aussi vite que possible vers le village. Chaque pas était un supplice, mais elle savait qu'elle ne devait pas se faire remarquer. Évanora ne devait pas savoir. Si elle découvrait ce qui s'était passé, elle l'enfermerait à jamais, prétextant que le monde extérieur était trop dangereux pour elle.

Une fois dans sa chambre, Agatha arracha un morceau de tissu de sa robe pour bander sa plaie, étouffant ses sanglots. Le sang continuait de couler, mais elle n'avait pas d'autre choix que de faire avec. Elle nettoya la blessure du mieux qu'elle put, se servant des quelques plantes médicinales qu'elle gardait cachées sous son lit.

Épuisée, Agatha s'effondra sur son lit, les larmes roulant silencieusement sur ses joues. Elle décida qu'elle se rendrait dans la clairière demain soir, à la pleine lune et qu'elle attendrait Rio, toute la nuit s'il le faut. Tant elle avait besoin d'elle.

Agatha serra les draps contre elle, fermant les yeux pour échapper à la douleur physique et émotionnelle : Le monde lui semblait si cruel sans Rio à ses côtés.

***

Pendant ce temps, loin de là, Rio ressentait une étrange angoisse, une douleur sourde qui n'était pas la sienne. Elle pensa immédiatement à Agatha. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait que quelque chose n'allait pas.

Demain, malgré les sentiments qu'elle refoulait, à la pleine lune, elle se rendrait à leur lieu de rencontre. Peu importait ce qu'il adviendrait, elle devait la retrouver, la protéger.

C'était son devoir, mais surtout, c'était ce que son cœur lui criait de faire.

Désirs SorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant