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Ces quinze derniers jours furent pour moi un fichu cocktail de bonne humeur et de désagréables moments, rythmés de baisers et de disputes.

Ma femme avance doucement mais sûrement vers la guérison physique, cependant la tension est toujours palpable lorsque le sujet de la grossesse revient sur le tapis.
Elle m'a avoué ressentir beaucoup de honte, et de dégoût envers elle-même mais malheureusement aussi envers ce pauvre gamin.
Ça m'a pas mal choqué, mais la psy et les filles m'ont aidé à comprendre ces mots aussi radicaux de la part de Ibti, une femme aussi solaire et amoureuse des enfants.
Finalement je peux assimiler la chose, mais ce petit gars dans son ventre est un véritable miraculé qui s'est accroché trop fort à la vie pour ne pas avoir la chance de connaître sa maman, et peut-être aussi son papa et tous les gens qui l'aiment déjà.
Parce que oui, ses folles de tantes sont déjà en train de dévaliser les magasins pour bébé, tandis que la perche et mon frère de cœur pensent à comment placer les berceaux et autres meubles dans l'une des chambres de la maison. C'est étrange mais ce fichu personnage et moi nous sommes rapidement rapprochés. Il a naturellement intégré "le groupe" que nous formons désormais et je ne comprends toujours pas vraiment comment ça s'est fait.
Mais désormais mon groupe d'amis a changé j'apprécie ce que c'est.

Quant à moi, je n'arrive pas à me projeter. Cette histoire me stresse également et je suis partagé entre la reconquête et l'affermissement de mon couple nouvellement retrouvé, ainsi que la «bataille» qu'est déjà en train de me livrer ma famille. Celle-ci est subitement devenue très soudée autour de mon ex petit frère. Allez savoir pourquoi.

Il y a aussi le fait que ça me fait mal de voir ma femme autant prise entre la peur de l'avenir avec moi, et surtout avec ce bébé. Elle s'en veut vis-à-vis de moi surtout car elle n'arrive pas à l'aimer et ne sais pas si ce sera toujours le cas dans le futur.
Moi je pense qu'il n'y a rien de pire comme sentiment pour une jeune femme dans son état. Cela la met dans une spirale infernale de regret et de déception.

Pour moi pourtant, rien n'est plus facile que tout ça. Je pense qu'elle devrait avoir la force de voir autrement les choses car rien n'est sûr quand à la paternité de ce gosse, les chances sont partagées entre Karim et moi. Et même s'il était de l'autre, je l'ai déjà assuré que je ne détesterais jamais ce bébé. Jamais je ne pourrais en vouloir à un gamin même si je déteste son éventuel autre père.
Je n'ai malheureusement pas réussi à convaincre ma belle épouse qui est toujours aussi en proie au doute, que la seule personne à qui il fallait en vouloir était celui qui avait autrefois été son beau-frère. Pas ce bébé déjà si fort.
La seule chose qui me fait garder espoir est que cette manie inconsciente qu'elle a de garder les mains croisées sur son ventre n'a jamais changé. Ça me laisse entrevoir une chance, même infime que ce petit être gagne la lutte contre l'esprit tourmenté de sa maman.

Le constat est triste pourtant, elle s'alimente peu sinon pas du tout et le docteur Chemsedine va demander à ce qu'elle soit alimentée par sonde.
Je lui ai demandé de s'entretenir à ce propos avec Ibti et aussi de l'informer elle-même que cela signifie la garder dans cet hôpital pendant encore plusieurs semaines.
Cependant c'est finalement la Bousshima qui a contre toute attente accepté notre plan pour bousculer un temps soit peu Ibti. J'espère que la froideur de la psy éveille en elle quelque chose pour qu'elle réagisse et ne se laisse pas mourir; qu'elle ne laisse surtout pas Karim avoir gain de cause car en fin de compte, on en est à ce qu'il avait dit dès le départ pour nous faire du mal.


- tu crois que ça peut marcher? Demande Diya qui comme moi comprend que c'était notre dernière solution

- cette femme me glace le sang, fait la jeune métisse, bien sûr qu'elle va lui remettre les neurones en place à Ibti pour qu'elle se réveille enfin

 Ibtikeh Où les histoires vivent. Découvrez maintenant