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Ma famille ? J’en ai plus. Tout ce qui me reste d’eux, c’est des souvenirs qui pèsent lourd. À la maison, c’était loin d’être rose. Entre notre père, qui passait son temps à crier ou à frapper, et une mère qui se contentait de baisser les yeux, mes deux frères et moi, on n’avait que nous pour tenir le coup.

Karim, mon grand frère, c’était mon roc. Il se pensait invincible, prêt à prendre des coups pour nous protéger, prêt à se salir les mains pour ramener un peu d’argent, histoire de nous sauver tous. Mais ça l’a détruit. Il s’est mis à fréquenter des gens pas nets, traînant dans des coins sombres. Il disait que c’était pour nous, pour qu’on s’en sorte. Sauf qu’un jour, il est pas rentré. Parti comme ça, sans explications, emporté par la rue. Ils l’ont retrouvé, mais c’était plus le Karim que je connaissais. Juste un corps, sans vie, sans âme. Ça m’a laissé un vide énorme.

Puis, il y avait Youssef, le rêveur, le frère plus doux, celui qui, malgré tout, espérait un avenir meilleur. Lui, il voulait juste s’en aller, fuir tout ce bordel. Après Karim, il a essayé de rester fort pour moi, mais j’ai vu qu’il s’éteignait petit à petit. Et puis, un jour, Youssef a aussi disparu. Pas un mot, pas un signe, juste le silence. J’ai attendu des jours, des semaines, espérant qu’il reviendrait. Mais rien. C’était comme s’il s’était évaporé. Peut-être qu’il a vraiment réussi à partir, à fuir cette vie, ou peut-être que la rue l’a pris, lui aussi. Je ne le saurai jamais.

Notre père, lui, il a pas tardé à se barrer aussi. Trop de dettes, trop de galères. Un jour, il a pris ses affaires et il a disparu, me laissant seule dans une maison vide, pleine de souvenirs qui font mal. À ce moment-là, j’ai compris que je pouvais pas rester là. Cette maison était devenue une prison alors je suis partie, moi aussi. Je n’avais pas grand-chose, juste ce que je pouvais porter, et une détermination à ne pas me laisser bouffer.

Depuis, c’est la rue qui est devenue ma maison. C’est pas facile, mais c’est tout ce qu’il me reste. J’ai appris à survivre, à me débrouiller. Je passe mes journées à chercher de quoi manger, de quoi tenir, et à éviter les ennuis. J’ai croisé des types qui m’ont pris pour autre chose, qui m’ont lancé des regards dégueulasses en pensant que j’étais une proie facile. Mais j’ai appris à me défendre, et j’hésite pas à pointer mon arme sur ceux qui me manquent de respect. Ils comprennent vite que je rigole pas, que je suis pas là pour ça.

Je sais même pas où sont mes frères maintenant, ni s’ils sont encore quelque part dans ce monde, ou si la rue les a définitivement avalés. Parfois, j’ai l’impression de les voir au coin d’une ruelle, comme s’ils étaient encore là, quelque part, mais ce ne sont que des souvenirs. Moi, je continue. Je me bats chaque jour, je me débrouille avec ce que j’ai appris. La rue est dure, impitoyable, mais elle est tout ce que j’ai.

SANGUE DI LUNAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant