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La nuit est tombée, et l’air est lourd de tension. Le genre d’atmosphère qui promet que rien ne va se passer comme prévu. Karim m’a dit de le rejoindre dans le hall de cet hôtel chic, un endroit où les hommes jouent les puissants et où les femmes jouent les accessoires. Je déteste cet endroit, mais surtout, je déteste la façon dont Karim m’a regardée en me donnant cette mission. Comme si je n’étais qu’un pion qu’il place là où il veut.

Quand j’arrive, toute la salle se retourne. Les regards glissent sur moi, certains admiratifs, d’autres curieux, mais toujours remplis d’un intérêt dévorant. Karim s’avance enfin, et je sens les gens nous observer avec ce mélange d’admiration et d’envie, certains murmurant, persuadés que nous sommes ensemble. Comme si nous formions un couple. Ce qu’ils peuvent être bêtes…

Mais Karim ne perd pas de temps avec ces détails. Il me jette un regard rapide, ses yeux durs me jaugeant de haut en bas. Je sais ce qu’il pense. Que je ne suis là que pour attirer l’attention et lui faciliter la tâche. Rien de plus. « Tâche de ne pas tout gâcher, Luna, » lâche-t-il d’une voix basse, juste assez pour que seuls nous deux puissions entendre.

Je plisse les yeux, mon ton acide. « Et toi, tâche de ne pas me traiter comme une idiote. »

Son sourire en coin ne fait qu’augmenter ma frustration. « Tu crois que tu es ici pour autre chose que pour ta belle gueule ? » Il éclate d’un rire bref, froid, qui me donne envie de lui coller mon poing en pleine figure. Mais je garde mon calme. Je serre les poings et le suis sans un mot de plus.

Nous traversons la foule, et je sens les regards des femmes, des hommes. Les femmes, jalouses, fusillent des yeux ma robe moulante qui m’a valu une heure de torture pour rentrer dedans. Les hommes, eux, me dévorent du regard, certains avec des sourires dégoûtants, d’autres murmurent entre eux.

Enfin, Karim s’arrête près d’un groupe d’hommes au visage sérieux, des types qui semblent en avoir vu d’autres. Il se tourne vers moi, son regard froid perçant, et me murmure : « Tu sais ce qu’on est venu faire, alors tiens-toi tranquille. »

Je retiens une réplique cinglante. C’est toujours la même chose avec lui : les ordres, les critiques, comme si j’étais là pour obéir sans broncher. Mais j’ai appris à garder mes réponses pour moi. On est ici pour une raison, et je dois jouer le jeu, même si cela signifie supporter Karim.

Quand on arrive à la table principale, un des types me dévisage, et je ressens toute sa suspicion. Karim le salue, d’un ton sec et professionnel, et je comprends qu’il fait partie de notre cible. Ce type a tout pour plaire : costume impeccable, sourire de façade et des mains qui serrent les miennes un peu trop fort.

« Vous devez être la femme de Karim, non ? » lance-t-il en me lâchant enfin.

Je retiens un rire nerveux. Karim me lance un regard tranchant, et je me retiens de le corriger. C’est évident qu’il laisse planer le doute volontairement. Pourquoi pas, après tout ? Peut-être que ça l’amuse, de me voir dans ce rôle ridicule. Alors je joue le jeu, je force un sourire.

« C’est bien ça, » je réponds, mon ton dégoulinant d’ironie que seuls Karim et moi pourrions comprendre.

Karim me fixe, comme pour s’assurer que je ne vais pas lui faire faux bond, puis reporte son attention sur l’homme. La conversation est calme, mais chaque mot est mesuré. Karim reste méfiant, et l’autre type aussi. Ils échangent des banalités, mais on sent la tension sous chaque phrase. C’est un jeu de pouvoir, et Karim est en train de jauger quand frapper.

Tout à coup, la porte de la salle s’ouvre en grand, et un groupe d’hommes armés entre. Tout le monde se fige. Le type que Karim et moi devions rencontrer se raidit, l’angoisse visible dans son regard. Karim, lui, reste impassible, mais ses yeux lancent des éclairs. Il me murmure, d’un ton pressant : « Reste près de moi, et ne fais aucun mouvement stupide. »

Les hommes armés avancent, leurs regards passant d’une personne à l’autre. Le leader de la bande s’arrête face à Karim, un sourire carnassier aux lèvres. « Karim… On dirait que tu te fais bien accompagner, ce soir. » Il lance un regard vers moi, un sourire moqueur. « C’est ta femme, c’est ça ? J’espère qu’elle vaut quelque chose dans ce jeu. »

Je sens la colère monter en moi, mais Karim me retient d’un mouvement de la main. Son regard reste fixé sur le leader, son ton glacial : « Ce qu’elle vaut, ce n’est pas ton affaire. »

Les hommes échangent des regards lourds de sous-entendus, leurs sourires mauvais. Ils pensent qu’ils nous tiennent. Je sens Karim se tendre, prêt à réagir, et mon cœur bat la chamade, chaque seconde suspendue. Ils avancent, et un coup de feu retentit. La panique éclate dans la salle. Les invités se dispersent en criant, cherchant des issues pour fuir ce chaos.

Karim me pousse derrière une table, se mettant en position, prêt à riposter. Il m’adresse un regard furieux. « T’as intérêt à tenir, Luna. Si tu te fais tuer, c’est pas mon problème. »

Je serre les dents, le cœur battant. « Crois-moi, Karim, j’ai pas l’intention de mourir pour toi. »

Il rit, un son grave et méprisant. « Fais pas la maligne. Si tu meurs, personne ne te pleurera. »

Les hommes armés se rapprochent, et Karim tire avec précision, abattant deux types. Je le suis, mes propres tirs bien placés, et je vois le leader vaciller, surpris. Karim continue de me couvrir, comme s’il me testait, comme s’il voulait voir si j’allais flancher. Mais je refuse de lui donner cette satisfaction.

Quand la poussière retombe, les assaillants sont à terre, et Karim se redresse, sa respiration lourde, son regard dur. Il s’approche de moi, les yeux brillants de colère et d’épuisement. « Tu t’es pas trop mal débrouillée, » murmure-t-il, presque malgré lui.

Je ricane, essuyant le sang qui tache ma main. « Tu veux dire que je t’ai sauvé la mise ? »

Il se penche, son visage à quelques centimètres du mien, son ton glacial : « Crois pas que t’es irremplaçable, Luna. »

Mais au fond de son regard, je perçois un éclat, un doute, une lueur de quelque chose qu’il refuse d’admettre.

SANGUE DI LUNAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant