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L'air de la nuit était glacé tandis qu'on quittait le quartier mal famé. La tension entre Karim et moi était palpable, une énergie électrique qui vibrait dans l'espace étroit de la ruelle. Je pouvais sentir mon cœur battre encore fort, l'adrénaline ne me quittait pas. Je marchais d'un pas rapide, ma main frôlant par habitude la ceinture où mon arme était cachée.
« T'aurais dû me laisser m'en occuper, » ai-je craché, la rage m'envahissant de nouveau. Karim n'avait pas besoin de me protéger, et encore moins de jouer les héros.
Il s'est arrêté brusquement, se tournant vers moi, les yeux brillants d'une colère contenue. « C'est ça, Luna ? Tu crois que j'ai fait ça pour toi ? » Il a éclaté de rire, un son dur et sans joie. « Je t'ai empêchée de te faire massacrer par ces types. On n’est pas à Naples ici, tu crois que les règles sont les mêmes ? »
Je me suis approchée, refusant de baisser les yeux malgré la froideur de son regard. « Je n'ai pas besoin que tu joues au grand protecteur, Karim. Tu penses que je suis faible, c'est ça ? » J'ai serré les poings, me retenant de le frapper.
Il a levé les mains, l'air moqueur. « Tu veux me prouver quoi, là ? Que t'es une dure à cuire ? Je le sais déjà. Mais arrête de te comporter comme une gamine qui veut prouver qu'elle est forte. »
Je l'ai dévisagé, un rire amer s'échappant de mes lèvres. « C'est toi qui me parles de maturité, Karim ? Le mec qui fonce tête baissée dès qu'il sent une menace ? »
Il s'est penché vers moi, si proche que je pouvais sentir la chaleur de son souffle dans la nuit glaciale. « Et toi, tu crois que tu peux tout régler à coups de poing ? Ça marche pas comme ça ici. »
On se fixait, le silence de la rue entrecoupé de nos respirations rapides. Finalement, il a soupiré, reculant d'un pas. « On n'a pas le temps pour ça, Luna. Il faut qu'on bouge. »
J'ai hoché la tête, mordant l'intérieur de ma joue pour me calmer. « Où on va maintenant ? » ai-je demandé, la voix plus froide que je ne l'aurais voulu.
Karim a sorti son téléphone, regardant un message qu'il venait de recevoir. « Notre prochain contact nous attend dans une planque à l'extérieur de la ville. Il dit qu'il a des infos cruciales sur notre cible. »
« Encore un piège ? » J'avais encore en mémoire le sourire sournois du type au bar.
« Peut-être, » a admis Karim, glissant son téléphone dans sa poche. « Mais on n'a pas le choix. Si on veut avancer, on doit prendre des risques. »
J'ai pris une grande inspiration, essayant d'apaiser le tourbillon d'émotions en moi. « Alors allons-y. »
On a continué à marcher, quittant les ruelles sombres pour atteindre une route plus dégagée. Les lumières de la ville s'estompaient à mesure qu'on s'éloignait, et le silence devenait plus pesant. Karim semblait perdu dans ses pensées, et je n'ai pas essayé de briser le silence. J'étais moi-même plongée dans mes propres réflexions.
Le trajet nous a emmenés à la périphérie d'Erevan, là où la ville se fondait dans des collines désertes et sombres. On s'est arrêtés devant une petite maison en ruine, ses fenêtres brisées par les années. Ça n'inspirait pas confiance, mais Karim n'a pas hésité une seconde. Il a poussé la porte d'un coup d'épaule, et je l'ai suivi à l'intérieur.
L'endroit était sombre, seulement éclairé par une lampe à huile vacillante posée sur une table bancale. Un homme attendait déjà, assis dans l'ombre. Il portait une vieille veste de cuir, et ses yeux brillaient d'une lueur étrange lorsqu'il nous a vus entrer.
« Karim, Luna, » a-t-il murmuré, sa voix rauque. « Je me demandais si vous alliez venir. »
« T'as intérêt à ce que ça en vaille la peine, » a répondu Karim, son regard perçant fixé sur lui.
L'homme a sorti une enveloppe de sa veste et l'a posée sur la table. « Ce que vous cherchez se trouve là-dedans. Mais je dois vous prévenir... Ce que vous découvrirez pourrait tout changer. »
J'ai échangé un regard avec Karim. Tout changer ? J'avais l'impression qu'on était déjà en train de marcher sur une corde raide, et maintenant, il nous annonçait que tout pourrait basculer.
« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? » ai-je demandé, ma voix tremblante malgré moi.
Il a souri tristement. « Votre cible n'est pas seulement un criminel. C'est quelqu'un qui a des liens puissants, des connexions qui vont au-delà de ce que vous imaginez. Et si vous continuez sur cette voie, vous allez vous retrouver face à des ennemis que vous n'avez jamais envisagés. »
Karim a saisi l'enveloppe sans un mot, l'air déterminé. « Merci pour l'avertissement. Mais on n’a jamais reculé devant une menace. »
L'homme a hoché la tête, l'air résigné. « Faites attention à vous. Les personnes que vous cherchez ne reculent devant rien. »
En quittant la maison, je me sentais encore plus inquiète qu'avant. Karim gardait le silence, son regard fixé droit devant lui. Je savais qu'il réfléchissait à ce qu'on venait d'apprendre, à ce que cela signifiait pour notre mission.
« Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? » ai-je demandé, essayant de lire son expression.
Il s'est arrêté et m'a regardée, un éclat nouveau dans les yeux. « On va continuer, Luna. On va aller jusqu'au bout. Peu importe ce que ça nous coûte. »
J'ai ressenti un mélange d'excitation et de peur. On s'aventurait en territoire inconnu, mais c'était justement là que je me sentais le plus vivante. J'ai hoché la tête, serrant les poings. « Alors allons jusqu'au bout. »
Et sous le ciel sombre d'Arménie, on a repris notre marche, prêts à affronter ce qui nous attendait.