PRESCOTT - cas particulier.

05. Elle le portait dans ses yeux.

21:59 - Tape Club, Londres

Je savais que je devais pas la suivre.

Je savais que ça allait me tuer, que ça allait rouvrir toutes les blessures que j'essayais d'oublier.

Pourtant mon cœur me hurlait de le faire et avant même de m'en rendre compte, mes jambes bougeaient dans sa direction.

C'était plus fort que moi. C'était comme si une partie de moi voulait se punir, voulait ressentir cette douleur, juste pour se rappeler qu'elle était réelle.

Sa nouvelle couleur de cheveux... sa robe blanche... putain, elle était magnifique. Tellement magnifique que ça me faisait mal.

Je trouvais ça presque cruel qu'elle puisse être aussi belle, alors que tout en moi se consumait à cause d'elle.

Pourtant c'était même pas sa beauté qui m'avait le plus bouleversé.

C'était son regard.

Ce putain de regard qui avait hanté mes nuits... parce qu'aujourd'hui, il était différent. Il était blessé, presque fuyant et tout ce que je ressentais... elle le portait dans ses yeux.

Maintenant, elle était là, dos à moi, appuyée contre la rambarde et pendant une micro-seconde, j'ai hésité. Je savais que j'aurais dû partir.

J'aurais dû faire demi-tour et ne pas la regarder.

Mais c'était impossible.

Je détestais ce qu'elle me faisait ressentir après tout ce temps, cette faiblesse, ce besoin insupportable d'aller vers elle, de lui parler, de comprendre.

Pourtant mon regard restait accroché à elle, comme si, malgré tout ce qui s'était passé, malgré toute la douleur que je ressentais, je voulais encore me torturer.

Parce que c'était elle...

Sans réfléchir, je posais ma main sur sa hanche, un geste instinctif, naturel, comme si mon corps se souvenait encore de chaque courbe de son corps.

- Sha... murmurai-je, ma voix rauque, trahissant l'émotion que je tentais de contrôler.

Elle se figeait et je sentais son souffle s'accélérer.

- Tobias... souffla-t-elle, sa voix brisée.

Je ressentais un frisson en entendant mon nom s'échapper de ses lèvres.

- Je... je suis désolée, j'aimerais être seule un instant, ajouta-t-elle, sans se retourner.

Seule ?
Seule ?
Seule ?

Seule ?

Une putain de gifle.

J'avais passé deux putains de mois à me demander si elle allait répondre, à espérer un message, un signe, n'importe quoi.

Et maintenant, tout ce qu'elle trouvait à dire, c'était qu'elle voulait être seule ?

Mon cœur s'emballait et douloureusement ma main glissait de sa hanche alors que je reculais d'un pas.

- Après deux mois de silence, c'est tout ce à quoi j'ai droit, Shani ? répondis-je, ma voix plus dure que je ne l'aurais voulu.

Elle ne bougeait pas.

Pas un mot.

Pas un putain de geste.

Elle restait là, comme si mes mots ne l'atteignait pas.