La complainte de la Vouivre (Snarry)

Chapitre 41 - Résilience et résistance

Severus. Severus est là. De l'autre côté du mur brisé. Harry veut courir jusqu'à lui – claudiquer serait plus approprié. Depuis qu'il s'est réveillé, et malgré la potion que lui a fait ingurgiter Drago, sa jambe droite ne répond plus qu'à moitié. Elle tremble, le déséquilibre et, soyons honnête, l'inquiète fortement quant à son devenir.

Les doigts de Drago se referment sur son poignet et le retiennent. Son instinct hurle à Harry de lutter, mais cette force, il n'est pas certain de l'avoir, encore, il doit se ménager, rester alerte, au cas où, alors il se tourne juste vers son ancien ennemi, le foudroie du regard. Seulement, ce que Drago regarde ce n'est pas lui. Ses yeux gris sont braqués sur une chose dans son dos, une chose que lui ne voit pas, et les doigts de Drago se contractent plus fort quand la voix de l'intrus s'élève, impérieuse.

— Qu'est-ce vous faites ici, vous deux ?

Harry reconnaît la voix du nouveau venu, mais quand il se retourne pour lui faire face, il a du mal à le remettre. L'homme n'est pas tel qu'il s'est montré à Harry ses derniers jours. Ici, dans son laboratoire, un endroit où il doit se sentir en sécurité et peut-être même chez lui, il a l'air fatigué. Ses joues sont creusées, ses cheveux mi-longs en bataille, ses vêtements tachés en de nombreux endroits, sa cape est même déchirée, et il est, lui aussi, recouvert de cette foutue poussière.

— Eh bien, vous avez perdu vos langues ?

L'homme passe une main dans ses cheveux et ils ressortent de la manœuvre immaculés. Son visage a repris des couleurs, ses yeux gris étincellent et son sourire est revenu. Il pourrait avoir l'air charmant, si une lueur de folie ne parcourait pas tout son être en cet instant. Il s'approche des garçons, regarde la main de Drago serrée autour du poignet d'Harry et sourit de plus belle.

— Vous vous cherchiez un endroit à l'abri de mon regard ? Vous ne tentiez quand même pas de vous échapper, n'est-ce pas ? Nous sommes une équipe, Drago, et on ne tente pas d'évincer son partenaire, même pour d'aussi beaux yeux que ceux que voilà.

Sa main se tend vers la joue d'Harry, mais avant qu'il ne puisse la toucher, la silhouette de Severus se dessine derrière le trou dans le mur. Sa baguette braquée en direction du ravisseur, il le met en garde.

— Ne t'avise pas de le toucher.

L'homme ne se retourne même pas. Son sourire se transforme encore, devenant plus mauvais, et il suspend son mouvement à quelques centimètres à peine de la joue d'Harry.

— Severus, mon vieil ami. Et si tu venais nous rejoindre.

Ses doigts bougent à peine, son regard ne cille pas, et le mur s'effondre en même temps que les espoirs d'Harry.

— SEVERUS !

Se libérant de la poigne de Drago, Harry s'élance en direction de l'éboulement. Il n'a pas fait trois pas, pourtant, que l'homme l'attrape par l'épaule, l'empêche d'aller plus loin.

— C'est dangereux, l'informe-t-il. Tu devrais attendre.

— Lâchez-moi, espèce de vieux dégénéré !

Harry aurait aimé être capable de se dégager, de repousser l'homme et de courir au secours de Severus, mais son état de faiblesse ne le lui permet pas. Il gigote pour le faire lâcher, sans résultat. La pièce est envahie de poussière et les gravats ont roulé jusqu'à eux. Dans son dos, il entend Drago tousser malgré son sort répulsif et il est bientôt lui aussi, plié en deux. Ses yeux le piquent, sa gorge est en feu et sa peau le démange. Il se rappelle avoir connu pire, bien pire, mais à ce moment-là, toutes ses pensées n'étaient pas tournées vers les flacons de potions qui s'entrechoquent dans ses poches. Le manque se fait déjà ressentir, se rend-il compte, alors que sa dernière prise ne remonte qu'à une petite heure à tout casser. Le manque ne s'efface plus jamais vraiment, en fait. Il reste tapi dans son esprit et dans son corps. Il laisse traîner ses tentacules partout. Il s'assure qu'Harry ne l'oublie jamais tout à fait. Et Severus qui n'émerge toujours pas de la poussière. Qu'est-ce qu'il doit faire, par Merlin ?