Chapitre 6

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Les couleurs tourbillonnent autour de moi. Caroline me traîne depuis plus d’une heure dans mille et un rayon de vêtements, tous plus farfelus les uns que les autres. J’en ai le tournis. Nous ayons une bonne allure, nous ne cessions de rire et de blaguer. Pour une première sortie en amies, c’était réussi. La preuve, elles ne passaient jamais plus d’une minute sans sortir une vanne trop marante.

Après avoir dévalisé plus de cinq boutiques, Caroline m’entraîne vers le un bar laitier au beau milieu du centre commercial. J’opte pour un fruit frappé tandis qu’elle s’emballe pour une énorme coupe glacé.

À travers nos éclats de rire, et nos discussions enflammées, je vis soudainement un voile sinistre s’abattre sur cette joyeuse soirée. Un ricanement familier me parvenait de la table voisine. 

-        Alors?, m’interpelle une voix nasillarde. La cinglée connaît l’existence des centres commerciaux? Surprenant!

Aussitôt, plusieurs ricanements se mêlèrent aux siens. Ce fût bientôt tout le fan club de Justin qui me narguaient de leurs voix désagréables.

-        La ferme, lui rétorque mon amie. Tu n’as rien d’autre à faire que d’embêter celles dont tu es jalouse?

-        Moi, Jalouse?, s’exclame Marilyn, soudainement rouge de rage. Tu rêves ma pauvre! Comment pourrai-je être jalouse d’une fille aussi… banale et sans intérêts!? Et, surtout, sans aucun talent!

Ses paroles furent suivies des hurlements de rires de ses compères. Mettant tout mon éducation en œuvre, je garde un visage froid et impassible. Je refuse de montrer qu’elles me froissent.

-        Je ne comprends ce que Mr. Bieber peut bien trouver d’intéressant chez elle, commente une fille au maquillage exagéré. Elle est si… simple.

D’autres voix couvrirent la sienne pour ajouter leur mot à dire. Et elles en avaient beaucoup à dire ces teignes. La pire d’entre elles, suivis de Marilyn, était bel et bien Blaire Carter. La fille au maquillage exagéré et aux dents aussi blanches que ses feuilles de partition. C’est la meilleure copine de Marilyn et une harpiste tout simplement insupportable. De plus, elle adore littéralement notre beau professeur. 

Elle et ses acolytes continuent leur monologue incessant sans oublier de critiquer ne serait-ce qu’une partie de mon corps et de mon visage. Après quoi, je perds mon calme et prend mes jambes à mon cou. Suivit de près par Caroline, dont le visage est décomposé par la pitié.

Une fois dans sa voiture, elle tente de reprendre la conversation.

-        Ne les écoute pas!, elle me lance et s’arrêtant à un feu rouge. Elles sont tout simplement jalouses de ton amitié avec Mr. Bieber. Elles ne s’y connaissent pas en musique et regrettent de t’avoir rabaissé tout ce temps pour finalement découvrir que tu les dépasse de beaucoup! Avoir su, elles t’auraient intégré à leur clique.

-        Si tu le dis, je réponds simplement, peu encline à parler plus.

-        Oui, je le dis.

La lumière reprend sa teinte verte et elle redémarre. Le reste du trajet se passe dans un silence lourd que seule la radio comble. Celle-ci crache le même morceau que celui qui jouait en boucle dans les boutiques. As Long As You Love Me. Un succès de Justin Bieber, en acoustique. Le même Justin qui m’enseigne depuis quelques semaines déjà.

À l’entente de cette chanson, je fais le geste le plus naturel du monde. Je monte le son. Caroline répond à mon geste par un grand sourire. Nous sommes bientôt deux à chanter ce morceau. Il nous accompagne jusqu’à chez moi, où me dépose mon amie après m’avoir embrassé sur les deux joue.

Je rentre sans faire de bruit dans la maison endormie et me dirige vers ma chambre. Je ferme la porte de celle de mon petit frère par la même occasion. Celui-ci dormait paisiblement, le souffle régulier. Ce petit bout d’homme âgé de seulement sept ans passait toutes ses soirées à se pratiquer avec son violon. Un magnifique instrument que notre mère lui a offert pour son anniversaire, le mois dernier. Il l’emmène, depuis ce jour, partout où il va. Il ne s’en détache que lorsqu’il va dormir. Ce que je trouve adorable. Il a déjà la fibre musicale, comme tous les membres de notre famille.

-        Bonne nuit, je lui murmure à travers la porte. Fait de beaux rêves, petit Mathias.

Le silence me répond, et je songe à ma mère. Étrangement, son visage me vient en tête tout d’un coup. Elle dit souvent que je lui ressemble quand elle était jeune. Les mêmes longs cheveux bruns et ondulés, un visage aux traits doux et harmonieux, une peau lisse et des prunelles d’un marron constellé de paillettes dorées. Ma mère n’a pas perdu ces traits, innés au peuple asiatique. Celui auquel nous faisons partit. Enfin, à moitié. Tandis que ma mère provient d’un petit village de Corée, mon père est natif d’Espagne. Ils se sont rencontrés au collège de musique auquel je suis étudiante. En plein cœur de Toronto.

Bref, avec une pensée vers ma mère en plein représentation au Centre-Ville, je me suis enfermée dans ma chambre. Après avoir enfilé un short de toile ainsi qu’un T-shirt, je me calle dans mon lit à baldaquin, sous la baie vitré qui couvre la moitié du mur de la vaste pièce.     

Je commence à transcrire ma journée dans mon journal, comme à mon habitude. J’espère tendrement que demain sera un jour meilleur.

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