dix ✵ râteau

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Est-ce que parler sans arrêt à Théodore était une bonne idée ? J'en savais rien, Théodore n'avait aucune réputation particulière et restait dans la norme, entre le bon et le mauvais.

- Je t'explique Aris, aimer une fille c'est comme rater un bouton de ta chemise, ça déséquilibre tout le truc et tu te retrouves à devoir tout déboutonner pour tout recommencer. Bah là, c'est la même chose, je suis raide dingue de Sally et pourtant elle sort avec mon seul ami d'enfance, si ce n'est pas être dans la merde ça... Raconta-t-il alors allongé contre le tronc complètement fâché contre lui-même.

J'ai mimé un oui en hochant la tête machinalement. C'est vrai que sa vie était pourrie sur le coup. J'ai arrêté de penser à Sally dès la seconde où je l'ai vu dans les bras de son mec Valentin, pas besoin de chercher, le terrain était déjà pris.

- Tu penses que je devrais lui dire à Val ? Que je devrais lui avouer que j'aime sa meuf ? Je suis vraiment paumé Aris... Lâcha-t-il m'arrachant un sourire moqueur.

Théodore n'était pas paumé. C'était juste une mauvaise passe, moi je l'étais. Être paumé, c'était quelque chose de beaucoup plus fort qu'une simple histoire de cœur.

- Tu sais, tu devrais arrêter de penser à Valentin. Tu devrais juste foncer. Conseillai-je en posant ma main sur son épaule en signe d'encouragement.

Il m'offrit un sourire terne avant de soupirer un bon coup. La vie était belle et bien une chieuse. Le son de la sonnerie retentit et nous repartîmes vers nos classes respectives.

Les cours de maths restaient les plus longs, je n'en pouvais plus. La filière scientifique me plaisait de moins en moins chaque jour. Le professeur nous rendit les copies du dernier devoir et je fus surpris par mon 11. Passer de 3 à 11 était un exploit et je fus fier de moi pendant une bonne partie de l'après-midi.

J'ai encore traîné avec Théodore après les cours, me rendant compte que l'image du retour dans ma chambre me rendait sceptique. J'étouffais à l'intérieur en ce moment.

- Je vais lui avouer là tout de suite que je l'aime. Dit-il nerveux, tremblant de partout.

Cette image de lui me fit froncer les sourcils. Elle le rendait vulnérable et je n'aimais pas ça. Au final, il se prit un râteau. Le SMS de Théodore avait été contourner par un « Je crois que tu t'es trompé de conv', je suis en couple je te rappelle. »

J'ai eu mal pour lui, on a fumé ensemble plusieurs clopes d'affilé pour essayer d'oublier cet échec amoureux. Il me faisait de la peine. Je me rendis compte que mon conseil n'était vraiment pas le bon et que j'aurais dû me taire.

- La prochaine fois, sache qu'il ne faudra jamais écouter mes conseils. Remarquai-je alors qu'une lueur sombre se lit dans ses yeux.

Il hocha la tête avant de lever sa tête vers le ciel presque noir.

- Je peux te donner un coup de poing ? Demanda-t-il les narines grandes ouvertes, prêt à exploser.

J'ai hoché la tête, c'était ma faute après tout. Le coup partit rapidement et je ne sentis presque rien, la douleur si aiguë que j'en perdais les sensations.

- Bon coup. Répliquai-je dans ma barbe en frottant ma joue avec ma main.

Puis il a pleuré. Il essayait tant bien que mal de se retenir mais ses larmes glissaient sur ses joues sans son contrôle. Je l'ai regardé attentivement et j'ai ressenti sa peine.

Je ne connaissais rien de Théodore en réalité et pourtant, il m'avait fait confiance et a préféré m'écouter. J'ai tapoté son dos et ai tiré une dernière taffe avant d'écraser le mégot avec mon pied.

- Ça craint. Murmura-t-il en s'essuyant le visage avec la manche de son sweat.

Je retirai ce que j'avais dit. Au fond, Théodore était humain et tout comme moi, complètement paumé.


Trente minutesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant