- T'es carrément con. Lâcha Théodore en arrivant vers moi, une clope à la main essoufflé alors que j'étais assis là, sur le trottoir.
Et il avait raison. J'étais con. Horriblement con.
- Franchement Aris, tu m'ignores pendant une dizaine de jours et boum salut ça va, hum... j'ai besoin d'aide tu vois ? Je suis pas ton bouche trou mon dieu ! Continua-t-il en tapant du pied la chaussée.
Je le regardai s'énerver tout seul, toussant avec sa fumée et me lançant d'énormes éclairs des yeux.
- Mais t'es quand même venu. Remarquai-je en baissant mon regard, jouant avec le sol faisant passer mon doigt sur la surface granulée.
- Ouais.
Et il s'assit contre moi, me passa le reste de sa clope pour me laisser tirer une ou deux taffes, alors que j'expirai doucement.
- Alors raconte. Marmonna-t-il en sortant une bouteille d'eau.
Ça me grisa. Il était resté là, il ne m'en voulait pas tant que ça au fond. Et je sus que malgré le bordel causé par toute cette histoire, je pouvais lui faire confiance. Il faisait presque nuit et j'avais froid, novembre sonnait début hiver et j'aimais pas trop ça.
- Pas besoin de raconter, j'ai juste besoin d'un soutien. Expliquai-je en lui demandant s'il avait du tabac et des filtres.
Il en sortit de sa pochette et j'en roulai une sereinement, sentant sa présence à mes côtés. C'était agréable alors que je ne me sentais pas forcément bien dans mes idées.
- Je suis ton ami non? Demanda-t-il soudainement alors que je sortais mon briquet bic.
Sa phrase restait pendue dans l'air alors que je le regardais, tétanisé par sa question. Il était un ami, un véritable ami. Mais le lui avouer me foutait les jetons et me grattait horriblement la gorge.
- Réponds s'il te plaît Aris. Ajouta-t-il d'une voix suppliante en se tournant vers moi.
Il avait cette mine impassible que j'avais souvent, les sourcils froncés donnant une mine sévère et de loin beaucoup trop sérieuse. C'était laid sur lui, comme si seul le sourire lui allait bien. Ouais c'était laid.
J'avais deux choix, lui avouer que oui, il était le seul ami que je n'avais jamais eu, peut-être pas mon meilleur vu que le sien semblait être Valentin que je ne fréquentais pas. Ou alors, je disais non, je lui détruirai le cœur certainement mais je serais le même Aris qu'avant, celui que j'aimais tant. Qui ne se lisait pas facilement, qui n'avait pas de copine et surtout qui ne s'attardait pas trop sur les sourires d'une fille aux cheveux rouges ou d'un gars assis en ce moment même près de lui.
Le Aris d'avant. Avant...
Ce fut le déclic. Je pouvais redevenir celui-là, ce gars paumé instinctivement, qui passait sa vie à traîner dans son lit. Je pouvais changer ce « avant ». Mais sur le coup, l'envie manquait atrocement. Et c'était mauvais, très vil de ma part. Je ne devais pas succomber à tout ça. Mais tout était si flou au fond.
Avant...
Théodore lâcha un terrible rire. Tout ça très brusquement, alors que je ne m'y attendais pas. Un rire nerveux, désespéré, horrible. Il sonnait terriblement faux et mon sang se glaça naturellement.
- Okay si j'ai compris, je ne suis même pas ton ami. Même pas un simple pote. Mais regarde-toi Aris ! Bordel, ressaisis-toi, tu tournes en rond. Ce gars paumé que j'ai vu pour la première fois dans un bus, il change forcément un jour. Bah t'as changé mec, et ça se voit que tu veux pas tout ça. Être le centre de l'attention c'est tellement atroce pour toi, le changement c'est l'enfer hein. Regarde-toi, t'es là assis sur ce trottoir, grognant pour une clope, qui m'a appelé sûrement pour une raison nulle, et qui ne me considère même pas comme un ami. J'ai les tripes là, parle-moi. Ordonna-t-il tout rouge en se levant.
Et je lui rendis un coup de poing. Le même que le soir où il m'en avait donné un. Ce soir-là, je l'avais vu dans la pire position de faiblesse qui soit. Je l'ai vu chialer. Et c'était exactement comment il me voyait là maintenant, embrouillé, les larmes dérapant sur mes joues écarlates.
J'avais la haine contre le monde entier. La rage aussi. Je me détestais tellement. Ma roulée était tombée au sol, mes poings tremblaient. Théodore recracha un filet de sang alors que je me rasseyais, la tête entre les mains, horriblement coupable.
- Écoute Aris... Le prends pas mal... Je...
Je le coupais par un abominable reniflement. Je ne pleurais pas souvent, jamais même. Je ne voyais pas l'utilité des larmes. Mais sur le coup, ça m'aida à décompresser, limite la même sensation que la nicotine. Théodore tenait sa mâchoire en feu. Je l'avais fait basculé vers la droite et un silence de plomb s'était installé.
- J'aimerais tellement tout te dire Théodore, tout ce que je ressens là. Commençai en désignant mon cœur. Je suis crevé d'être moi je crois, crevé de ne pas affronter la vérité en face. Je ne sais pas ce qui m'arrive, je n'arrive pas être un gars normal. Je suis juste... tellement paumé. Je compte le nombre de fois où je ris, je me retiens pour ne pas trop sourire. J'essaye vainement de ne pas m'inquiéter pour certaines personnes. Puis j'apprends que ma copine et la seule fille qui m'intriguait dans ce monde craignosse se sont battues. Et tu sais pourquoi ? Pour moi. Pour Aris le gars qui n'arrive même pas à avouer au seul gars qu'il tient que limite c'est son meilleur ami. J'en peux plus okay ? Je veux me casser loin, ou juste me terrer dans un énorme pré, le calme régnant sur l'endroit. Je ne suis rien. C'est vide là tu sais? Dis-je en me massant le buste. Tellement vide... Alors s'il te plaît laisse moi fumer une clope, laisse-moi réfléchir seul assis avec son seul soutien à côté. Laisse-moi respirer.
J'arrêtai de pleurer, trop désolant à voir, je retins mon souffle et mes larmes. Je venais de me libérer d'un énorme poids. Un courant d'air nouveau me traversa lentement.
Il s'assit à côté de moi, je récupérai la roulée et la fumai par petites bouffées.
- Excuse-moi. Avoua-t-il une vingtaine de minutes plus tard.
Il partit juste après, me laissant seul divaguer dans ce nuage de problèmes incompréhensibles.
Je me levai difficilement, rentrai chez moi. L'album de Lana passa en boucle dans ma chambre et je restais allongé sur mon lit, serrant la signature sur la pochette contre mon cœur, tout en regardant le vaste plafond.
* * *
C'est la première fois que j'ai les mains qui tremblent en écrivant un chapitre. C'est horrible. Au final, c'est mon préféré.
Je vous nem et j'attends vraiment quelques réactions, j'en ai besoin après ce chapitre je crois ♥︎
VOUS LISEZ
Trente minutes
Teen FictionQuand un trajet de trente minutes s'avère être l'équivalent de toute une vie. © larmesmauves - 2015