quarante-cinq ✵ façade

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Je m'étais souvent demandé si un cadeau d'anniversaire devait être plus personnel qu'à l'arrache. Le paquet dans les mains, j'attendais assis à la station de bus.

Je n'étais encore jamais allé chez elle et la tempête rouge avait insisté pour venir me chercher avant. La fumée et l'odeur de la cigarette se répandaient autour de moi.

Je venais d'oublier la promesse. De toute façon, j'avais juste promis de réduire ma consommation, pas de l'arrêter.

Lorsqu'elle arriva devant moi, les yeux maquillés d'un vert émeraude et vêtue d'une robe mi-cuisse, je soupirai face à sa beauté. Désespérant. J'étais réellement désespérant. Je lâchai ma clope précipitamment et cachai le paquet que j'avais acheté avant de venir au fond de ma poche.

- Viens, c'est par là. Dit-elle en me prenant la main.

On était encore légèrement en froid. Pas assez pour être embrouillé mais quand même pour ne pas s'embrasser directement.

Au bout d'une dizaine de minutes, on arriva devant un immeuble assez vieux, imposant. La façade était recouverte d'un dessin, une grande vague avec des nombreux corps flottant. Je fronçai les sourcils, une façade publique pas vraiment gaie restait inhabituelle dans ma vie de tous les jours.

- J'ai peint ça avec mon père il y a deux ans. Ouais, il est artiste peintre. Expliqua-t-elle en frôlant du doigt la couleur bleutée.

Je n'eus pas le temps de voir l'œuvre en détail, elle me poussait déjà à l'intérieur. À ma grande surprise, l'immeuble représentait une seule et unique baraque, la sienne. Une maison immense, à six étages qui sortait tout droit d'un rêve.

Moi qui trouvais le duplex de mes parents assez vaste, son « hexaplex » frôlait la taille de ma primaire.

- Ouais c'est assez grand, mes potes nous attendent au troisième étage, il y a ma chambre et tous les trucs qui vont avec.

Nous empruntons l'ascenseur. Son père devait être sacrément riche pour pouvoir se payer un immeuble entier. Accablant.

- Alors ici il y a ma chambre, là ma salle de bain et mon bureau et dans cet autre appart', il y a mon atelier. Annonça-t-elle machinalement.

Je la suivis sans rien dire. Je lui en voulais encore un peu de paraître froide, mais c'était clairement moi qui l'avais cherché. Je ne lui avais toujours pas souhaité joyeux anniversaire. Désolant à vrai dire mais la foi n'y était pas.

L'appartement de 48 mètres carré lui servait de chambre, à l'intérieur, une horde de jeunes s'étaient déjà mis à l'aise en mettant un peu de musique ou buvant sans s'arrêter.

Je respirais mal, l'air ici était étouffant. Sur le balcon, les fumeurs écrasaient leur cendre dans les petits cendriers faits exprès. Perplexe je me tournais vers elle, prêt à lui demander pourquoi elle avait des cendriers sur son balcon.


Mais elle était déjà allée retrouver mon frère, assise entre lui et une fille dont je ne connaissais pas le nom. À ma grande surprise, elle prit une taffe que lui proposait Duke.

Chrystal ne fumait presque jamais. Je m'assis confortablement dans un pouf et entamai un peu de tequila. De quoi me remettre légèrement en forme et sortir de cette horrible situation.

- Hé le crevard! On ne me dit plus bonjour ? Lança une voix derrière moi.

Je retournai vivement la tête et vis une Diana allongée sur un mec les yeux sur son smartphone.

- Bonsoir Diana. Répliquai-je sèchement en reprenant une gorgée.

Elle haussa les épaules avant de feindre un sourire amusé. Insupportable. Mais c'était sa façon d'être amicale.

Quelques heures plus tard, les yeux encore envoûtés par la beauté de Chrystal et de son rire doux en compagnie de son amie, une chanson chantée plusieurs milliers de fois retentit.

« Joyeux anniversaiiiiiiiire.... Joyeux anniversaiiiiiiire....Chrystal... Joyeux anniversaiiiiiiiire.... Chrystal.... Joyeux anniversaiiiiiiiire.... »

Les gens soûls dansaient en riant devant le gâteau à la fraise. Tout le monde applaudit, je clignai plusieurs fois des yeux en observant attentivement les yeux brillants de ma petite-amie. Puis elle me fixa, d'un regard rempli d'amour. Mon cœur se serra douloureusement. M'excuser tout de suite paraîtrait niais, plus tard sidéré.

Je me frayai un chemin jusqu'au palier, il fallait que je sorte, me changer les idées me ferait du bien. Dehors, je m'assis sur la petite marche avant de lâcher un grognement frustré. Je faisais encore les mêmes erreurs, paraître insensible, ne rien dire, me renfermer sur moi-même et essayer d'oublier que j'étais clairement fautif.

Je tournai ma tête vers la toile. Les jais de lumière éclairaient seulement une partie de l'œuvre. Le milieu, surexposé, montrait un corps frêle coulant brutalement dans l'onde. C'était un blond au sourire angélique. Il me ressemblait un peu d'une certaine façon, sauf le sourire. Les vagues de différentes nuances s'harmonisaient asymétriquement.

Je m'approchai davantage du mur, guidant mon doigt vers le sourire du petit garçon. Il semblait tellement insouciant, innocent, sans crainte. Son corps reposait au fond, les bulles n'apparaissant plus à la surface. Mes doigts se crispèrent quand je lis à haute voix les deux petits mots gravés près du pouce du garçon.

« À Oscar. »

Trente minutesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant