Le lendemain matin, complètement terrassé par les évènements de la veille, j'enchaînai plusieurs clopes d'affilé depuis le balcon de notre chambre.
Ce qui me terrassait n'était autre que ce vide comblé lors d'un simple baiser. J'avais toujours cru être capable d'aimer une personne, pour de vrai. Mais aimer m'effrayait. Le seul amour que j'acceptais était l'amour maternel, et devoir vivre un autre amour plus dense et de loin beaucoup plus compliqué me tordait déjà le ventre.
- Mec, ça s'est bien passé, qu'est-ce qui te tracasse ? Demanda soudain Théodore encore endormi une dizaine de minutes plus tôt.
Il était clair que Théodore avait suivi toute la discussion de la porte de notre chambre et que lorsque le silence avait plané dans le couloir le temps de notre baiser, il s'était faufilé sous la douche. C'était un vrai crétin.
- Rien, mentis-je d'un ton sans vie.
J'avais horriblement peur. Je perdais contrôle de mes mots, mes gestes et les contenir représentait une partie de mon être. Parce que j'étais un gars dans l'excès et que si quelqu'un pressait le bouton de mon instinct, tous les mots refoulés dans ma gorge ne seraient plus jamais enfouis.
- Tu regrettes ? Interrogea-t-il avec une once de doute.
Le pire, c'était que je ne regrettai pas. J'haussai les épaules et il se redressa avant de s'adosser sur ses oreillers.
- Aris, si tu te sens pas prêt, tu devrais rompre tout de suite et lui en parler. Ajouta-t-il alors que je jetai la clope avant d'admirer les montagnes.
« Non » murmurai-je avec un calme mythique. Je n'allais pas rompre car je n'avais pas fait le mauvais choix hier soir, j'avais juste fait une petite entorse à ma règle principale, être le Aris que tout le monde connaissait. Hier, j'avais été influencé dans ce couloir, j'avais été submergé par trop de sentiments contradictoires. C'était la bourrasque de la tempête et pour préserver le calme de ces lieux, je ne devais surtout pas aller contre cette bourrasque, pour réparer mon erreur.
Je passai dans la salle de bain, habillé de plusieurs couches chaudes. La crème solaire s'écrasant contre mes joues autour de mes yeux et me donnant la désagréable impression d'être sale. J'enfilai ma combinaison avant de ne pas oublier le matériel nécessaire.
- Skier après avoir autant fumer ce n'est pas une bonne idée. Lança le brun en train de mettre un t-shirt.
Je ris avant de répliquer :
- Alors ce sera juste la première mauvaise idée d'une longue série.
Dans le salon, je ne vis personne. J'attrapai des céréales et les versai dans mon lait. Le tout ingurgité, je descendis dans la cave où Chrystal nous avait expliqué qu'il y avait un bon nombre de paires de ski rares et des chaussures de ski pas trop mal. Autant profiter de la situation, je pris ma pointure, les skis et gagnai la station après quelques minutes de marche.
Là-bas à ma grande surprise, je vis Diana. Habillée d'une combinaison rouge claire, je m'éloignai un peu d'elle. Nous vivions dans le même endroit mais je ne l'appréciai absolument pas.
Elle me remarqua très vite et me fit signe de venir. Je ne bougeai pas, voulant respecter la longue queue devant moi. À ma grande surprise, elle vint me rejoindre. Sa place perdue, je lui laissai un peu d'espace.
- T'es vraiment con de ne pas être venu, j'ai besoin de te parler. Râla-t-elle en me donnant un coup à l'épaule.
Ça ne faisait pas vraiment mal mais le geste me contraria.
- Qu'est-ce que tu me veux ? Lâchai-je de mauvaise humeur, les sourcils froncés.
Elle se massa les tempes avant de m'adresser un regard empreint de tendresse. Cela me déconcerta.
- Chrystal m'a tout racontée hier. Elle a l'air tellement contente. Elle m'a même proposé une place dans son lit pour qu'on en parle durant des heures. Je l'ai fait, acceptant cette proposition rare et oh mon dieu. Elle avait l'air dans un tout autre univers, elle souriait à n'en plus pouvoir. Je voulais juste te remercier pour avoir décidé de sortir avec elle. Elle attendait ça depuis déjà plusieurs mois. Raconta-t-elle avec un sourire radieux.
Ses mots me réchauffèrent le cœur mais une horrible distance se créa davantage entre la tempête rouge et moi. Chrystal semblait tellement heureuse d'après les dires de Diana et pour moi c'était déjà un énorme problème.
- Cependant ça ne change rien dans notre relation tendue. Je ne te supporte pas. Rappela-t-elle avant de sortir de son manteau un petit paquet de tic-tac.
Elle m'en tendit un avec un horrible sourire hypocrite.
- Au fait, faudrait que t'en manges plus souvent. Tu pues vraiment la clope.
Et elle partit rejoindre sa place initiale dans la queue, me laissant là, encore troublé par ses propos sur Chrystal. Je me remémorai quelques phrases, le cœur battant.
« Elle avait l'air dans un tout autre univers, elle souriait à n'en plus pouvoir.»
Cet univers m'ouvrait les portes depuis hier soir mais je n'entrai pas tout de suite. Installé dans mon télésiège, je vis de haut les nombreux sapins. Petit, je me calai au fond du siège ayant peur de tomber. Aujourd'hui, plus de quatre ans plus tard, l'envie de me pencher en avant ne m'avait encore jamais autant tenté.
***
Voilà, dernier chapitre de 2015, je ne sais pas trop quoi vous dire... Bah on a déjà atteint les 15k de vues, pour être plus claire: 15 000, avec cinq chiffres au total. Plus de 2 600 votes et bon dieu, 1 700 commentaires. Comment exprimer ma gratitude? Mon bonheur? Aucune idée.
Trente minutes, c'est un sacré défi que je m'étais lancée, bosser avec un personnage décalé qui peine à s'intégrer et grandir comme les autres le feraient. Puis y a vous, qui me donnent chaque fois du courage pour écrire. Ce courage, j'espère ne jamais le perdre pour pouvoir continuer à suivre le rythme des posts, vous dire trois fois mercis par semaine et sourire en lisant vos commentaires.
Je pense poster un post dans mon Rant Book pour un petit sommaire de mon année 2015, mes attentes de 2016, les trucs basiques quoi aha.
Bref, je vous souhaite une très bonne soirée, la dernière de 2015, année merveilleuse ou pas, selon vos vies. Je vous aime très très fort, et surtout, merci.
bis, elo.
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Trente minutes
Teen FictionQuand un trajet de trente minutes s'avère être l'équivalent de toute une vie. © larmesmauves - 2015