Ce matin, quand mon réveil a sonné et que mon frère a accouru dans ma chambre en souriant, j'ai compris que c'était encore une nouvelle fois mon anniversaire.
Ça se répétait chaque année et c'était toujours aussi atroce. Puis je détestais la façon dont mon frère attachait de l'importance à ce que je le fête en faisant une soirée et à chaque fois, mes parents n'étaient pas d'accord.
Mais aujourd'hui c'était différent, ils allaient être d'accord, ils allaient permettre à mon frère de foutre le bordel dans notre maison. Tout simplement parce que j'avais maintenant 18 ans.
- JOYEUX ANNIVERSAIRE FRANGIN ! Cria-t-il tout sourire en me réveillant pour de bon par la même occasion.
Il sauta sur moi dans mon lit, se vautrant sur mes jambes et en écrasant avec son crâne mon ventre. Et cela faisait mal pour un réveil pareil.
Je me suis levé et il s'est empressé de mettre de la musique avec son portable et remplir ma chambre d'une chanson avec des paroles débiles, nulles et vraiment sans aucun intérêt.
- J'ai cours Duke, laisse-moi tranquille. Dis-je en sortant de mon lit, massant mon ventre encore douloureux.
Il haussa les épaules avant de faire une petite danse tristement horrible et je me dirigeais vers mon armoire à la recherche de vêtements. On était mercredi et mes cours se terminaient tôt au grand bonheur de l'autre blond. J'attrapai mon pantalon et une chemise en jean pour passer présentable devant les parents et soupirai de désespoir en voyant mon frère fou d'excitation en mettant une autre musique.
Qu'est-ce qu'il pouvait être matinale....
Je suis descendu dans le salon quand je croisai soudainement mon père, il me fit un sourire forcé avant de prendre un ton faux et me susurrer un horrible « bon anniversaire fiston. » Le « fiston » me donnait envie de vomir. Je suis passé dans la cuisine et c'est là qu'elle m'a vu. Maman savait me faire plaisir et elle me fit un long sourire avant de me tendre un plat rempli de gaufres.
Elle ne faisait presque jamais de gaufres et ce simple geste effaça mon humeur ronchonne. Avoir le courage de réutiliser une machine à gaufre qui ressemblait trait pour trait à celle qui avait brûlé son poignée quand j'étais petit me provoqua une bouffée de surprise. Elle savait que c'était la seule nourriture que j'affectionnais et que c'était la seule machine de cuisine qu'elle redoutait effroyablement.
Et elle m'avait fait des gaufres.
Je lui ai fait un sourire sincère avant de lui chuchoter un merci presque sourd. Elle semblait fière d'elle, ses bras croisés autour de sa poitrine, le tablier retiré par terre et les yeux brillants de bonheur. Je remarquai la bague au doigt de son autre main et mon sourire devint encore plus grand. La vue de mon cadeau me réchauffait le cœur.
C'est seulement quand je dus partir pour le lycée qu'elle me prévint qu'elle allait m'accompagner à l'école. Ma réticence aurait été naturelle mais j'étais d'humeur pour une fois.
Le siège de devant était incroyablement mou et je me sentis affreusement bien quand elle démarra. Cela changeait des éternels trajets de bus debout et je la regardai conduire, attentif à ses moindres mouvements.
- Ton père voulait t'offrir une voiture. Lança-t-elle du tac au tac.
Je fronçai les sourcils à la nouvelle.
- Je lui ai rappelé que tu n'avais pas encore passé ton permis. Continua-t-elle.
Sur le coup, la perplexité pouvait se lire de loin sur mon visage. Mon père ne me montrait jamais autant de générosité et même Duke n'avait pas eu de voiture pour son 18ème anniversaire. Il avait eu plusieurs jeux-vidéos et une somme considérable d'argent.
- Il croit beaucoup en toi, tu sais ? Demanda-t-elle en soupirant.
Et j'ai aussi soupiré. Papa était juste pas croyable. Il me détestait et je le détestais. Aimer semblait fade comparé au « aimer » que j'éprouvais pour le reste de ma famille.
- Et je vais avoir une voiture ? Lâchai-je en fronçant les sourcils ne comprenant pas où elle voulait en venir.
Elle hocha la tête et je compris que mon père détestable allait m'offrir un cadeau énorme. Encore une fois ce n'était pas juste une voiture normale. Dans les films, la voiture était réservée à l'enfant préféré et j'allais en avoir une. Et au fond, je n'y comprenais rien.
Garée, je sortis de la voiture en saluant ma mère. Elle me souhaita un incroyable anniversaire au passage et sur le coup mon cœur se ramollit. Elle semblait si attristée par le fait que j'aie pu dépasser la majorité. Sa voix tremblait presque. Personne ne me souhaita joyeux anniversaire les premiers cours, tant mieux me disais-je. Puis je croisai finalement Théodore dans la cour et par sa mine surexcitée, je compris qu'il était au courant.
- Joyeux anniv' Aris ! Maintenant tu pourras boire et fumer des clopes en toute légalité ! S'exclama-t-il avec un grand sourire.
Je sentais que Théodore allait mieux et cela me fit du bien de le voir reprendre de la couleur, sourire comme les débuts de notre amitié. Théodore était devenu un ami. Il mit du rap français et je ne bronchai toujours pas. Je voulais le laisser faire, le laisser croire au fait que je puisse aimer les paroles de cette chanson débile. Et il souriait grandement, enthousiasmé par la vague de musique qu'il aimait.
C'est seulement en cours d'anglais que ma classe comprit que c'était mon anniversaire, ma prof d'anglais avait l'air d'avoir attendu cet instant depuis toujours. Elle m'aimait bien, je n'étais pas son chouchou et pourtant ce fut cette vieille dame qui me souhaita un bon anniversaire en anglais avec ce petit accent britannique que beaucoup rêvaient d'avoir.
* * *
La vibration que je ressentis dans ma poche quand je reçus un message arrêta mes pensées. J'étais allongé sur mon lit, fumant ma clope, coupé du monde et comptant les heures avant que le calvaire n'arrive, avant que ma fête ne commence pour de bon.
Quand je suis rentré, j'ai vu cette voiture inhabituelle dans notre place de parking et j'ai compris que j'avais vraiment maintenant une voiture. C'était un long monospace et jamais je ne me suis senti aussi bizarre de ma vie. Cette situation me perturbait, le fait que mon père puisse me considérer comme son fils préféré me gênait. Parce que moi je l'aimais toujours pas tant que ça.
« On m'a dit que tu avais 18 ans aujourd'hui, ton frère veut que je vienne. Bref joyeux anniv', je te paierai des clopes. Ta tempête rouge te salue. »
Le message provenait de Chrystal, je ne lui répondis pas, ne voulant pas repenser à notre discussion foireuse d'il y a quelques jours.
Vingt minutes plus tard, un autre message arriva et me surprit d'autant plus.
« Une de mes amies sort depuis trois secondes avec ton pote Théo' et il nous a déjà invité à ta fête. On redansera. Marylin ou la 100's. »
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Trente minutes
Teen FictionQuand un trajet de trente minutes s'avère être l'équivalent de toute une vie. © larmesmauves - 2015