En Vol avec Erria Airlines...

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Adrien.

Je dévisage Leila assise en face de moi. Si son visage reste de marbre à l'annonce des derniers mots que je viens de prononcer, ce n'est pas le cas de son corps. Ses épaules se tendent imperceptiblement, ses cuisses se serrent, et sa respiration s'accélère juste ce qu'il faut... Qu'elle le reconnaisse ou non, je lui fais de l'effet et c'est tout ce que j'attendais.

Mes yeux dévalent les courbes de son corps mises en valeur par son slim en cuir noir, son pull torsadé blanc à col roulé et ses escarpins Nude. Nous sommes curieusement assortis. Moi en mauvais garçon et elle en rockeuse sexy. Elle ne détourne pas le regard et plante ses yeux verts dans le gris des miens. Nous restons ainsi de longues secondes à se jauger et s'évaluer...

Le jet se positionne sur la piste et nous décollons pour un long voyage de quatorze heures. Nous atterrirons sur l'île de Mahé à l'aéroport international des Seychelles, avant de prendre la mer pour rejoindre l'île de la Frégate. Dix-huit heures en tout. C'est long. Surtout quand l'un des deux se ment quant à la nature de ce voyage. Organiser une soirée ? Mon cul oui ! Joe et Richard ont voulu nous offrir une dernière chance, c'est tout. Je ne pense pas que ce soit utile vu que Leila semble m'avoir définitivement relégué dans la case des personnes à éviter à tout prix... Le fait qu'elle me parle pour le travail, ne veut pas dire pour autant qu'elle n'en pense pas moins. Et le moins avec Leila est toujours trop dangereux.

- Tu penses vraiment ce que tu viens de me dire, Adrien ? me demande-t-elle soudain en brisant notre silence.

- Quoi ? Que tu étais à moi pour les dix prochains jours ? Absolument. Je n'ai jamais été aussi sérieux de ma vie.

- Pourquoi ? Tu sais pertinemment que tu prends tes désirs pour des réalités. Je ne te laisserai pas revenir dans ma vie. Pas comme tu en as envie en tout cas.

J'arbore un sourire en coin. Il est grand temps que nous commencions à crever l'abcès.

- Qu'est-ce que tu connais de mes envies, Leila ? Hein ? Dis-moi ?

Elle pince ses lèvres de velours et fronce les sourcils. Je reprends :

- J'ai peut-être été un connard, c'est vrai. Je veux bien le reconnaître. Mais toi Leila, tu n'es pas spécialement irréprochable non plus tu sais ?!

- Je serai curieuse d'entendre ce que tu me reproches au juste ?

- D'abord le fait que tu te victimises constamment. Ça me soûle grave. Quand tu as débarqué dans mon bureau l'année dernière, c'était juste pour te faire sauter. Je t'ai donné ce que tu voulais et maintenant, tu joues les vertueuses en criant à la trahison ! Je ne crois pas t'avoir forcée pourtant...

Elle s'avance sur son fauteuil et m'observe par en dessous.

- Oh Adrien, je ne savais pas que sous ces impressionnants pectoraux se cachait un petit cœur tendre... me répond-t-elle cynique. Qu'est-ce qui te gêne le plus en fait ? Que j'utilise sur toi les mêmes armes que celles que tu utilises d'habitude sur tes conquêtes d'un soir ; et que ça marche en plus? Ou que, justement, tout ton boniment ne fonctionne pas avec moi ?

Cette fois elle est allée trop loin. En colère, je m'avance à mon tour sur mon siège. Nos visages sont juste à quelques centimètres l'un de l'autre. J'ai beau la dominer physiquement, psychiquement, c'est elle qui mène la danse.

- Bordel ! J'avais décidé que S.C m'appartiendrait avant même que je ne te rencontre Lei ! Il faut que je te le dise comment !

- Mais quand tu m'as vue pour la première fois, tu savais qui j'étais, merde ! Tu le savais ! Et tu m'as laissée me mettre à poil ! Au sens propre comme au sens figuré ! Après tout ce qui s'est passé au Portugal ! Tu t'imagines ce que j'ai pu ressentir quand je t'ai entendu tout déballer à Joe ? L'humiliation, la trahison ? Et tu oses venir me parler de tes envies ? De tes attentes ?

Chaque mot qu'elle prononce est un coup de poing. Mais ça y est, elle me parle. Enfin, elle me hurle dessus plutôt. Elle s'est levée et fait les cents pas devant moi.

- Je le savais pourtant, soupire-t-elle pour elle-même.

- Quoi donc ? je demande.

Elle s'arrête et se retourne vers moi.

- Il ne faut jamais s'investir émotionnellement dans le business.

Je me lève et la rejoins en deux pas, tout en maintenant une distance de sécurité.

- Je croyais pourtant que le courant passait... Regarde ce que nous sommes capables d'accomplir ensemble. Tu ne peux pas le nier, ça.

- Et alors ? se rebelle-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. T'as jamais subi une coupure de courant toi ?

Je serre les dents. Comment lui faire comprendre que je ne suis pas son ennemi ? Que je ne suis pas le salaud pour lequel elle me prend ? Je peux comprendre son ressentiment, son envie de me faire payer même ; mais ça fait bientôt quatre mois que le calvaire dure... Pourquoi n'arrive-t-elle pas à passer au-dessus de ça ? C'est fait, maintenant. Et même si je voulais revenir en arrière, je ne le ferais pas. Je ne le ferais pas, parce que je reste persuadé que je suis de loin la meilleure chose qui soit arrivée à sa société... Si Lei avait continué à travailler avec Gauthier, il aurait fini par craquer et par faire une connerie plus grosse que sa totale absence d'intelligence.

Je me rapproche encore et emprisonne ses poignets dans mes mains. Leila tente de se dégager, mais je la tiens d'une poigne de fer.

- Si. Si, je connais les pannes de courant. Mais quand ça m'arrive, je vais vérifier de quoi il s'agit. Fusibles, court-jus, ou panne de secteur ? Je cherche à réparer, alors que toi tu abandonnes. Jamais je n'aurais cru ça de toi...

- Ça ne prouve qu'une seule chose ! dit-elle essoufflée en arrêtant de lutter.

- Quoi ?

- Tu ne me connais pas aussi bien que tu ne le crois.

Je déglutis. C'est vrai. Elle a raison. Je ne la connais pas aussi bien que j'aimerais. Mais là je sais juste qu'elle me ment. Leila, abandonner ? C'est comme si on découvrait subitement que le Pitbull était de la race des chats Angora... Vous visualisez le choc des cultures ?

Le silence revient entre nous. Je n'ose plus rien dire. De toute façon, chaque parole que je prononce se retourne contre moi. Effet boomerang. En plus, son torse collé au mien ne m'aide absolument pas à réfléchir. Je sens sa poitrine qui monte et qui descend au gré de son souffle qui s'apaise. Leila ferme les yeux et se laisse aller un court instant en posant sa tête contre mon torse. Je savoure ce moment de paix, ne sachant plus tellement ce que je dois faire. J'ai envie de l'embrasser. Mais je sais que c'est trop tôt. Finalement, une fois de plus, c'est elle qui me déstabilise.

- Pourquoi Lei ? Pourquoi tu ne me pardonnes pas ?

Son nez toujours niché dans mon sweat, elle me dit :

- Je te pardonnerai, si je m'en foutais de toi. Si je m'en foutais de ce truc entre nous !

Elle se dégage et me repousse avec violence.

- Et c'est là tout le problème Erria !

Ah...On vient de repasser au vouvoiement sec et brutal.

Notre bulle de confessions intimes à bord d'Erria Airlines vient d'exploser et mon désir pour elle aussi...



Back Fire - Edité et en vente-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant